REGARDS CROISES
Baguette ou "bouterbrod"
Le pain en France et en Estonie
Lorsque l’on fait partie d’une culture et que l’on habite depuis longtemps dans une ville, on ne remarque plus tous les détails. En revanche, un étranger ne verra que ça. Il aura un regard frais et étonné sur ce qui l’entoure. En France, c’est impossible de passer à côté d’un thème comme la « baguette  ». C’est indiscutablement une image de la France et ça fait partie de la culture française.
Je n’ai jamais réussi à manger un sandwich jusqu’au bout, tout simplement parce que j'étais fatiguée de mâcher.
Quand j’étais étudiante à l’Université de Nantes, l’image que je garde d’un étudiant français était : un téléphone portable, une cigarette et un gros sandwich comme repas du midi. J’ai toujours été impressionnée par la quantité de pain qu’ils pouvaient manger en un seul repas.
Deux cultures, deux manières de manger le pain
Quand je regarde le sandwich, je vois un tout petit peu de beurre, une tranche très fine de jambon, de fromage, le tout dans une demie-baguette qui fait la taille de mon avant-bras. Je n’ai jamais réussi à manger un sandwich jusqu’au bout, tout simplement parce que j’étais fatiguée de mâcher. Cela doit paraître bizarre pour un français qui a l’habitude de manger beaucoup de pain.
En Estonie, on mange beaucoup de pain noir de forme ovale avec une mie plutôt ferme et dense. On le coupe en tranche, chaque tranche est recouverte de beurre, de fromage, de jambon ou de tout ce qu’on aime. En estonien, ça s’appelle « võileib », ce qui veut dire le pain avec du beurre. En russe, on l’appelle « bouterbrod », c’est un mot venu de l’allemand qui veut dire la même chose. Chaque personne mange au plus une ou deux tranches pendant un repas ou 2-3 bouterbrod en dehors du repas complet. Nous avons également le pain blanc qui a la même forme ovale faite de farine de blé. On l’appelle « sai » en estonien et « belqi hleb » en russe. Mais après avoir goûté la baguette française, je le trouve fade et mou.
Merci M. Gorbatchev
J’ai souvent vu à l’étranger des Français malheureux qui ne trouvent pas de (bon) pain le matin.
Je me rappelle que, quand j’étais petite dans les année 80, c’était encore l’Union Soviétique mais le président M. Gorbachev avait déjà lancé la Perestroïka et une usine à Tallinn avait commencé à faire « le pain français ». Une fois par semaine, avec mon père on allait à l’unique magasin de la ville qui vendait ce pain. Il fallait attendre dehors avec plein d’autres gens qui faisaient la queue pour pouvoir entrer et après se précipiter pour acheter le pain car il n’y en avait pas pour tout le monde. Finalement, on partait avec deux baguettes chaudes « à la française » qui sentaient tellement bon que c’était impossible de résister et de ne pas en croquer un bout avant la maison. A l’époque, ni moi ni mes parents ne pouvaient imaginer qu’un jour je vivrais en France avec des baguettes françaises vendues à chaque coin de rue.
Les deux énigmes du pain français
Il y a encore deux énigmes liées au pain que je dois comprendre en France. La première est l’importance du pain pour le petit déjeuner. J’ai souvent vu à l’étranger des Français malheureux qui ne trouvent pas de (bon) pain le matin. Il est irremplaçable. Aujourd’hui encore, dans les ex-colonies françaises, on trouve toujours ce savoir-faire en pain et de nombreuses boulangeries. Quelle surprise j’ai eue quand j’ai pu goûter une excellente baguette au Laos servie en pleine rue avec de « la vache qui rit » .
La deuxième énigme est le fait que malgré toute cette quantité de pain consommé, les Français restent la nation la plus mince d’Europe. On ne doit pas avoir le même organisme ou métabolisme. Du moins, c’est ce que je me dis pour me justifier.
Il est presque midi et je vais m’acheter une baguette « à la française ». Mon boulanger (en France c’est important d’avoir « son » boulanger, comme « son » psychiatre aux États-Unis) la fait merveilleusement bien. Comme d’habitude en arrivant à la maison, il en manquera un petit bout.
Anna Danilova
Photos : Anna Danilova et Monica Mendes
le projet Regards Croisés
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