
Le Théâtre permanent de Gwenaë l Morin
Gwenaë l Morin : Le théâtre comme lieu commun
Chaque année, les médias nous annoncent une baisse de la fréquentation des théâtres. Pourtant, le metteur en scène Gwenaë l Morin clame que le théâtre est vivant. Zoom sur le point de vue d’un artiste engagé.
G. Morin cherche à faire du théâtre un foyer actif, occupé en permanence.
Le théâtre affirme une utopie, quelque chose d'inatteignable, tendu vers l'impossible.
La nuit tombe, l’effervescence monte dans le théâtre universitaire (TU) de Nantes, on est à moins d’une heure de la représentation : c’est à ce moment que G.Morin se sent le plus disponible pour partager avec nous ses considérations sur le théâtre.
« G. Morin, artiste. Je fais et veux continuer à faire du théâtre. » Voilà ce qu’il répond quand on lui demande de se présenter. Cet homme, dont la voix chaleureuse et imposante reflète la générosité et la maturité, pense, bien sûr, au théâtre, mais aussi, le théâtre. A l’occasion du théâtre permanent qui se tient encore pour quelques jours à Nantes, nous revenons avec le metteur en scène sur l’idée-même de théâtre permanent.
Ouvrir les théâtres : Pourquoi ?
G. Morin cherche à faire du théâtre un foyer actif, occupé en permanence. Pour lui, il n’y a rien de pire que ces grandes bâtisses sans âmes cachant des théâtres fermés qu’il met en parallèle avec les bibliothèques. Il souhaite ces lieux ouverts à tous, même seulement pour déambuler, prendre un verre ou discuter. La particularité du théâtre c’est que ce terme renvoie à la fois à l’art lui-même et au lieu qui abrite cet art. Cela nous montre à quel point le lieu influe sur cet art. L’œuvre théâtrale est vivante parce qu’il y a de la vie dans le théâtre.
G. Morin regrette d’ailleurs que « le foyer du TU de Nantes ne soit pas davantage occupé » pendant le théâtre permanent. Un rendez-vous supplémentaire dans l’après-midi aurait pu y remédier. Il imagine par exemple des lectures philosophiques tous les jours vers 16h. Cela aurait permis de « tenir la flamme de la parole ». Les tribunes du midi y contribuent. Lors des tribunes, les intervenants font un exposé en leur nom à partir de l’un des thèmes soulevés par l’une des 5 pièces au programme de l’événement. Ce qui compte, c’est que les gens s’approprient le lieu. Le choix des pièces va également dans ce sens. Le metteur a scène a sélectionné « des pièces qui font partie du paysage ». Même si tout le monde ne les connaît pas, elles nous évoquent à tous quelque chose, nous en avons tous entendu parlé. Tartuffe, Hamlet, ...Ce sont des lieux communs. Comme le dit cet artiste passionné, avec son sens de la formule, il s’agit de « faire de ces lieux communs des lieux communs. » Il cherche à redonner du sens et de la valeur à cette notion de lieu commun.
Que nous apporte le théâtre ?
Le théâtre doit résonner dans la communauté. C’était déjà ce que voulait démontrer G. Morin avec Les Laboratoires d’Aubervilliers. Cette œuvre consistait à implanter le théâtre au sein de la cité et à le garder actif pendant un an. Le metteur en scène a ainsi fait l’expérience de ce que le théâtre pouvait apporter à la cité. Il nous confie : « par sa ténacité, sa résistance, il peut transformer les relations entre les hommes ». C’est en ce sens qu’il a « un rôle déterminant à jouer dans la politique ». Soucieux de se faire bien comprendre, il précise ce qu’il entend par là. « Le théâtre n’est pas un organe idéologique. » En effet, il ne vise pas à véhiculer de message. « Ce n’est pas un média », mais, « une expérience immédiate qui enrichit le plus possible les relations entre les hommes ». A ce sujet, il reconnaît que cette édition nantaise du théâtre permanent « manque cruellement de confrontations, de débats, d’échanges avec le public. »
Le théâtre permet d’« accroître la relation à l’autre ». Cependant, l’artiste se défend de croire que l’art comble un vide. « L’art ne sauve de rien. » Comme tout art, le théâtre apporte un plus, qu’on ne peut trouver ailleurs, mais dont on pourrait se passer. Il résume ainsi ce que nous transmet le théâtre : « C’est quelque chose d’incompréhensible mais de clair. » C’est une expérience des relations entre les hommes sur la place publique. Le théâtre n’existe que s’il se tient en public. L’homme de théâtre recourt à l’autorité de A. Camus en citant « La grandeur ce n’est pas d’être tout en haut, c’est de toucher les deux extrêmités à la fois. » Le théâtre est le lieu de la folie et celle-ci doit être partagée, acceptée par la cité. Quand G. Morin parle ici de folie c’est au sens Dionysiaque, c’est-à-dire de la capacité de l’homme de devenir plus que lui-même. En harmonie avec ses propos, il s’emporte : « La folie, pas une perte mais un gain. Le théâtre affirme une utopie, quelque chose d’inatteignable, tendu vers l’impossible. Le théâtre est le lieu de l’excès, du dépassement de soi. » et conclue « Le théâtre est trop gros, trop dingue... démesuré. »
G. Morin envisage une œuvre d’art pour le moins démesurée puisqu’elle aura une durée indéterminée. L’idée est de construire une œuvre progressivement dans une durée de plus en plus importante, avec au fur et à mesure de plus en plus d’acteurs. Rendez-vous en 2013 pour découvrir la prochaine folie de G. Morin, « Le théâtre au jour le jour ».
Caroline Salou
Photos de G. Morin : Marie Ferec
Photos du Théâtre permanent : Julie Pagnier
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