RENCONTRE
Kalam/Terre : la danse incarne la spiritualité
Danse contemporaine et héritage culturel indien à l’Onyx
Michel Lestréhan est un chorégraphe amoureux des danses traditionnelles. Cette passion, il l’a tout d’abord assouvie à travers l’art japonais du Butô, puis il a souhaité explorer la danse indienne qui lui a ouvert la voie vers cette culture. Un pays avec lequel il est lié depuis maintenant 26 ans. Il était présent à l’Onyx avec sa dernière création intitulé « Kalam/Terre  ». Nous l’avons donc rencontré lors d’une conférence qu’il animait sur le thème du Mandala, afin qu’il nous présente son travail et son nouveau spectacle.
« L’idée était de relier le dessin du Kalam avec l’art du Kathakali, le parallèle entre le rituel et cette danse est inédit ».
Michel Lestréhan est passionné par l’Inde. Son premier coup de foudre, il le vit en 1984 au cours de son premier voyage destiné à l’apprentissage de la danse classique Kathac. Il y découvre le Kathakali, le théâtre traditionnel dansé. La représentation dure une nuit, elle narre de grandes épopées hindoues et originaire de la région du Kérala en Inde du sud. En 1987, il choisit de passer 6 ans en Inde pour étudier la danse et la culture indienne. En 1992, il découvre le Kalaripayatt, sans doute le plus ancien art martial du monde. Il est basé sur des postures d’animaux comme le Kung-fu, et pratiqué à l’époque par une caste de guerriers. Michel Lestréhan précise : « Le Kalaripayatt est constitué de mouvements basés sur l’esthétique et pas seulement l’efficacité ». Cet art de la guerre devenu un art de la connaissance de soi est lié à l’art indien et donc au Kathakali. De cette passion pour ces deux disciplines est né le spectacle Kalam/Terre, fruit du mélange entre ces deux arts. Le résultat : une danse contemporaine indienne.
Le chorégraphe a en effet choisi de créer sa propre danse à partir de deux disciplines traditionnelles et ancestrales indiennes. Mais ce n’est pas tout, cette danse unique en son genre se déroule à l’intérieur d’un espace tracé au sol, le Kalam Ezhuttu. C’est un dessin religieux destiné à un rituel hindouiste issue des temples du Kérala. Le Kalam est une peinture éphémère de type mandala, représentant une divinité hindoue. Il tient le rôle d’offrande. Il est réalisé à la poudre de riz à l’aide d’une palette de 5 couleurs (blanc, jaune, rouge, vert, noir). La réalisation de ce dessin prend plusieurs heures (5 heures pour le spectacle). Dans le rituel hindou, une fois l’œuvre terminée, une offrande est faite aux 5 éléments de la terre, accompagnée par de la musique percussive et des chants religieux. Kalam/Terre est donc le résultat de la fusion de trois disciplines artistiques : « L’idée était de relier le dessin du Kalam avec l’art du Kathakali, le parallèle entre le rituel et cette danse est inédit ».
Le sens du spectacle
« Ce spectacle représente une cristallisation de la beauté qui est éphémère, le Kalam Ezhuttu est un espace hors du temps ».
A travers ce spectacle, Michel Lestréhan souhaite exprimer l’idée d’un cycle, notion fondamentale dans la religion hindouiste. Mais quel cycle ? Sans doute celui de la vie nous menant jusqu’à la mort. Une idée qui se traduit dans le spectacle à travers les deux danseurs indiens Sadanam Manikandan, expert en Kathakali, et P. Swaroop, spécialiste du Kalaripayat, arrivant sur scène portés par le peintre du Kalam, Haridas Kurupp, à l’image d’un père donnant la vie à ses fils. Ensuite, les danseurs se lèvent et s’animent pour exprimer leur art. L’espace tracé au sol dans lequel ils évoluent est le Kalam et celui-ci finira par être totalement détruit à la fin de la représentation, comme pour signifier la mort représentée par nos deux danseurs à terre... la même terre dont est issue la poudre végétale servant à réaliser le Kalam. Là encore, l’idée du cycle est présente. Mais un spectacle de danse est aussi synonyme de splendeur. Une beauté éphémère que le plasticien, danseur et chorégraphe Michel Lestréhan nous expose le temps d’une représentation : « Ce spectacle représente une cristallisation de la beauté qui est éphémère, le Kalam Ezhuttu est un espace hors du temps ».
Voir des espaces qu’on ne peut amener sur scène
Cette beauté s’illustre également à travers la vidéo diffusée sur deux écrans disposés en fond de scène : « La vidéo sert à voir des espaces qu’on ne peut pas amener sur scène, comme l’espace naturel du Kerala qui est une terre liée à l’eau ». La vidéo et la danse représentent deux univers et énergies différentes. Dans ces images, on aperçoit les deux danseurs faisant corps avec différents éléments naturels : la terre rouge du Kerala dans laquelle ils sont enfouis, l’eau d’un lac, ou l’herbe verdoyante : « Le sens universel de la vie à la mort lié à la nature ».
Le choix de la musique réalisée par François-Bernard Mâche est en total harmonie avec le sens du spectacle : « La musique du spectacle est contemporaine, elle n’a rien à voir avec la musique traditionnelle du rituel du Kalam ». Elle se compose de sons de la nature auxquels s’ajoutent des instruments. Le résultat est minimaliste, doux et léger. Elle se décompose en deux mouvements, Maréa (Mer) et Aréa (Aire), et fait bien évidemment référence à la nature, chère au chorégraphe.
Pour Michel Lestréhan, « la danse est une exploration du mouvement dans sa continuité et sa fluidité ». Son exploration, il compte la poursuivre à présent à travers la danse africaine, dans le cadre de la création d’un spectacle issu de la rencontre entre des danseurs indiens et burkinabé (Burkina Faso).
Texte : Jonathan Gerin, photos : Juan Cardona
Site de la compagnie Prana
Même auteur
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses