
INTERVIEW VIDEO
TUNISIE, EGYPTE, LIBYE, YEMEN, JORDANIE… Quelle(s) place(s) pour la « révolution  » ?
En ces temps de profonds bouleversements des pays du monde arabe, l’heure est à la mise au point. Parce que la « révolution du Jasmin  » ne s’arrête pas, que l’Égypte continue de voir son peuple se soulever, que le peuple libyen exige le départ de Mouammar Kadhafi et que d’autres mouvements contestataires des régimes en place naissent ici et là , au Yémen, et en Jordanie…Le peuple du monde arabe se réveille. Fragil est allé à la rencontre de Yasmin Rahmani, danseur et chorégraphe nantais, pour qui la révolution est d’ores et déjà enclenchée.
Que nous soyons acteurs ou spectateurs de ces crises, une question se pose : s’agit-il de contagieuses insurrections populaires ou bien de véritables révolutions « tâche d’huile » ? Car la différence est grande entre une révolte et une révolution : la première naît plus souvent d’une indignation, d’un ras-le-bol, sans réel mot d’ordre et limitée localement. La seconde insuffle un changement radical de la société. Comment interpréter au mieux l’histoire saisissante qui est en train de s’écrire ?
La différence est grande entre une révolte et une révolution.
Un air de révolution au Théâtre universitaire
Pendant un mois, le TU de Nantes a été occupé par le Théâtre permanent, projet porté par le metteur en scène Gwenaël Morin et ses acteurs.
Un air de révolution flottait au TU : banderoles, tags avec comme slogan « le théâtre n’est pas mort, le théâtre est vivant ". Ce thème imprégnait le Théâtre permanent et sa tribune inaugurale menée par Jean-Marc Adolphe qui l’introduisait ainsi : « La révolution, il y a un pays où cela se passe, la Tunisie ». Lors de cette tribune, il téléphona à Fadhel Jaïbi, metteur en scène tunisien et créateur, avec Jalila Baccar, de la première compagnie de théâtre privée tunisienne. A travers ses pièces, il offre « depuis 40 ans un espace d’opposition et de résistance », expliqua J-M Adolphe. Outre les acclamations du public, F. Jaïbi eu droit à une lecture personnelle d’un passage d’Antigone par G.Morin ainsi qu’un note d’espoir de la part de Yasmin Rahmani, espérant que cette révolution ferait "tâche d’huile".
Suite à cette intervention, Fragil a eu envie d’en savoir plus sur la perception de Yasmin Rahmani, danseur et chorégraphe nantais d’origine marocaine, quant aux événements en cours.
Yasmin Rahmani from Magazine Fragil on Vimeo.
Lumière sur la « révolution »
D’abord « simple » révolte populaire découlant d’une indignation générale, sans chef ou mot d’ordre défini, ces mouvements tunisiens et égyptiens sont des révolutions prônant un changement radical d’hommes, d’institutions et de façons de penser. Au-delà d’une quête de liberté et de changement de régime, c’est le soulèvement premier de pays arabes, longtemps ancrés et soumis à des autocraties, à la corruption et des systèmes traditionnels rigides : « On n’aurait pas pensé qu’un peuple -surtout arabe puisque relativement soumis et traditionnel- puisse se soulever contre un dictateur. Cela a choqué d’autant plus monde car en fin de compte, on s’est dit que c’était possible : ils n’ont plus peur des représailles. » affirme Yasmin Rahmani. Après avoir été longtemps la tête sous l’eau, ces pays arabes sortent enfin de leur longue apnée.
Une révolution polymorphe
La révolution est sur tous les fronts. Web 2.0, politique, culture, autant de facteurs qui rimaient trop souvent auparavant avec répression, enfermement, et contrôle. Une révolution du web social : c’est avant tout via ces canaux sociaux qu’a pu se produire de tels rassemblements. Une moyen alternatif de diffuser l’information, de fédérer de gens autour d’une même lutte, enfin à disposition de ces pays longtemps brimés par la censure et une presse corrompue. Photos, vidéos, informations, rassemblements s’accumulent sur Twitter, Facebook. Plus ces réseaux phares attirent, moins la satiété est grande. Le terme révolution prend tout son sens : on prône ici et là la nécessité d’une totale liberté d’expression et de presse. Parmi les principales revendications politiques et libertaires, se trouve en trame de fond un besoin autre : celui d’un accès à la culture, aux arts, permettre à ces citoyens pleins d’espoir de s’enrichir, et de trouver d’autres voies d’émancipation intellectuelle.
La révolution : utopie ?
C’est ici qu’il faut en venir : L’art est une révolution permanente.
Il se pourrait bien que non. Chaque jour qui passe dans notre société est faite de révolutions, certes toutes proportions gardées, mais les luttes et les espoirs d’un peuple engendrent bien souvent des actes révolutionnaires. Tiens, prenons les arts : le théâtre, la danse, la musique, la littérature forgent les opinions sous un angle poétique, dévoilent la face cachée des choses. « Nous avons toujours eu besoin de penseurs pour nous éclairer », rappelle Yasmin Rahmani. Tous ont ce pouvoir de dépasser les mots de certains acteurs médiatiques et politiques. Plus que de longs discours figés et démagogues, ils permettent la transmission de sentiments à l’autre. Mais surtout laisser l’interprétation se faire sans imposer une vision unique. C’est ici qu’il faut en venir : l’art est une révolution permanente. Revendiquer, dénoncer, changer les mentalités et transmettre des idées. Alors on laisse croître en nous l’optimisme, aux côtés de Yasmin Rahmani, lui aussi plein d’espérance, mais soucieux du devenir de ces peuples : « Il faudra changer les mentalités pour que ça change vraiment, mais cela s’ouvrira, tôt ou tard, de toute façon ça y est, c’est enclenché. »
La révolution est plus qu’un acte de bravoure populaire contre un régime répressif, elle engage la volonté de pousser plus loin les limites de la liberté, qui aura toujours sa place ancrée au plus profond de l’esprit de chacun.
Pauline Bataille et Rozenn Le Proud’hom
Même auteur
-
Halles Alstom et quartier de la création : se souvenir pour redécouvrir...
-
Scopitone 2011 : du J.Daniels, des paillettes, de la popote
-
LOPPSI 2, lumière sur une loi fourre-tout liberticide
-
Le Festin des amateurs
-
TUNISIE, EGYPTE, LIBYE, YEMEN, JORDANIE… Quelle(s) place(s) pour la « révolution  » ?
-
Roulette russe lomographique
-
Gwenaë l Morin : Le théâtre comme lieu commun
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses