
EXPOSITION
Roulette russe lomographique
Bertin Bichet Architectes invitent Pierre Basson à exposer ses lomographies
A chaque développement la surprise est la même. Pierre Basson en fait l’expérience lorsqu’il prend son Lomo LC-A. Le créateur choisit de nous surprendre lors de Supersampled, une exposition réalisée avec Anne-Laure Bertin et Marjolaine Bichet qui bouscule les préconçus. Rendez-vous le 14 Octobre à partir de 18H30 à l’occasion du vernissage.
Des couleurs saturées aux contours spumeux, striées par des bandes verticales. C’est ce que l’on retient d’abord de ces photographies sorties tout droit d’un songe... Puis un motif, un sujet, se dégage du flou, se dédouble, et avec un peu d’imagination donne naissance à une forme. Bref, on peine à retrouver le réel dans ces images surprenantes plus proches de l’hallucination que de la réalité. Pourtant elles sont bien le fruit d’un instant immortalisé, qui a existé quelque part. Le regard décontracté et voyageur de Pierre Basson les capture.
Ce photographe amateur brouille les pistes. Il prend le contre pied des techniques photographiques modernes afin de laisser la part belle au hasard. Aucune idée du résultat avant le développement, et donc une surprise devant chaque composition. On prend du plaisir à imaginer comment le photographe en est arrivé à un tel résultat.
Résultat imprévisible
Depuis qu’il a fait l’acquisition d’un Lomo LC-A au Japon en 2007, le photographe ne cesse de provoquer les heureuses coïncidences. Malgré le processus photographique mécanique et scientifique, le créateur a à cœur de le rendre aussi imprévisible que possible. Pierre utilise deux appareils photos cheap le Lomo LC-A , un compact 35mn standard, et le SuperSampler, qui prend quatre photos en deux secondes. À l’origine commercialisés en Chine et dans les anciens pays soviétiques, ces appareils photos bons marchés, sont jugés médiocres, catastrophiques par les professionnels. Des défauts que certains utilisent comme des atouts pour créer : les adeptes de la lomographie. Aujourd’hui c’est un succès commercial grandissant. Si Pierre utilise les codes de ce courant, il ne se revendique pas lomographe. Par certains points, il s’en détache.
Comme de nombreux lomographes, ce qui a attiré l’oeil de ce photographe, c’est l’utilisation simpliste de ces appareils. Peu de réglages sont nécessaires. Mais ces appareils peuvent être capricieux et peu fiables : il en est à son cinquième SuperSampler. Ainsi la prise de vue se fait de manière très rapide et instinctive, mais aussi « décontractée ». Pas besoin de réfléchir aux paramètres d’exposition.
Il suffit de « sentir si la lumière est suffisante » et de cadrer selon son envie. Libéré de ces contraintes, Pierre « shoot un peu quand ça [lui] prend, pas forcément n’importe quoi, juste des choses qui [lui] plaisent ». Ces appareils engendrent souvent des défauts tel que le vignettage ou bien des entrées de lumière dans le boîtier. L’utilisation de pellicules périmées ajoute une part d’imprévu et des défauts tel que le voilage. Ces défauts sont difficilement calculables. Le photographe ajoute une technique de surimpression. Ce procédé consiste à exposer deux fois un même film par deux appareils différents. Autrement dit, chaque pellicule passe dans les deux appareils successivement et les images se superposent. À cette étape, le hasard intervient encore plus lorsque l’on apprend que Pierre ne cherche pas à mémoriser l’ordre de ses prises de vue ni à calculer ses effets de surimpressions. Au contraire, il n’hésite pas à oublier pendant plusieurs mois une pellicule au fond d’un placard avant de la réutiliser. Il lui est même déjà arrivé d’échanger des négatifs avec d’autres photographes adeptes de ces méthodes, sans connaître les sujets photographiés précédemment.
Pierre Basson triture ses films dans tous les sens. Il expose le négatif à l’envers pour donner une teinte orangée à ses photos ; il développe le négatif avec des solutions pour diapositives. Utilisé dans les années 80 par les photographes de mode, cette technique permet de saturer les couleurs et de donner une certaine teinte dominante.
Dernière étape avant le tirage sur papier, le scanner. Pierre Basson scanne ses films développés et Photoshop l’aide pour retoucher. Ces manipulations hasardeuses sont aux antipodes des canons photographiques. Elles peuvent être paradoxales à l’heure où les nouvelles technologies rendent nos appareils multifonctionnels toujours plus performants. Réussite et qualité systématique sont à la portée de tous grâce aux automatismes électroniques aujourd’hui.
Grâce à ces imprévus, ces « accidents photographiques », on voit que l’argentique perdurera aux cotés du numérique.
C’est justement parce qu’il connaît le numérique et ses qualités, que Pierre cherche à s’en éloigner. Retrouver le plaisir de la surprise entre le moment de la prise de vue et celui du tirage était essentiel. Parce que finalement « on tente beaucoup plus de chose quand on a rien à perdre, et l’on est d’autant plus surpris par les résultats. » Le revers de la médaille, c’est que toutes ces expérimentations ne donnent pas naissance à des compositions réussies. Les déchets, les pertes et les pellicules gaspillées ont été nombreuses. Toutes ces manipulations ne font qu’augmenter la probabilité de donner naissance à des photographies dites « ratées ». Enfin tout dépend de quel point de vue on se place... C’est pourquoi le photographe « a appris à ne pas attendre grand chose des photos » qu’il prend. Une manière de se préserver de la déception au développement. Mais aussi de rester très « détaché » lorsqu’il appuie sur le déclencheur. Grâce à ces imprévus, ces « accidents photographiques », on voit que l’argentique perdurera aux cotés du numérique. C’est pourquoi chacune de ces techniques et outils offrent des rendus et des sensations bien différentes et uniques pouvant se compléter sans jamais se remplacer.
Deux savoir-faire, un rendez-vous
Un photographe vs deux architectes : on peut se demander comment ces trois-là en sont venus à travailler ensemble. Ce n’est pas par hasard s’ils se sont croisés. La clé se trouve en Bourgogne. Tous originaires de cette région, ils ont passé leur jeunesse ensemble et ont tissé des liens malgré leurs parcours différents. Mais qui sont ces deux architectes ? Anne-Laure Bertin et Marjolaine Bichet se sont rencontrées à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes. Complices dans le travail comme dans la vie, leur collaboration a commencé avec des projets d’étude et des concours pour jeunes architectes.« Il faut bien s’occuper le soir et les weekends » nous confie Marjolaine. À priori, rien de plus commun. Monter concrètement leur entreprise leur est apparu comme une évidence. Après une période d’auto-entrepreneuriat, elles ont décidé de fonder leur propre cabinet en SARL.
Deux femmes à la tête d’un cabinet d’architecture. Il y a peu de femmes à s’installer à leur compte dans ce domaine. « On aime les challenges ! » Si elles ne se définissent pas par un style architectural particulier, c’est pour mieux se concentrer sur des projets audacieux, des lieux à sublimer et surtout des questionnements environnementaux bien définis. Jetez un coup d’œil à leur projet d’éco-lodges autosuffisants en Vendée ou à leur réaménagement de la péniche Santez Anna dans la Sarthe. Ou encore à cette réhabilitation d’une fleuristerie à Nantes et vous comprendrez. « Nous exerçons une architecture ouverte ». C’est bien cette capacité d’ouverture, de rencontre, cette curiosité qui leur a permis de monter un projet si créatif avec un jeune photographe nantais.
Aujourd’hui implantés dans l’Ouest, Pierre, Anne-Laure et Marjolaine profitent de l’installation des bureaux nantais de Bertin Binet Architectes. Le 2 rue Marcel Sembat est un endroit en plein essor pour se réunir. À l’initiative de Pierre Bournonville après une période de rénovation, cet ancien local du port Atlantique Nantes/Saint-Nazaire ouvre ses portes à de jeunes architectes, graphistes, designers, artistes... Ce lieu ambitionne d’être un plateau créatif nantais majeur. Les travaux sont terminés depuis à peine plus d’une semaine et Anne-Laure et Marjolaine rêvent de partenariats avec les autres locataires. En attendant, elles profitent déjà de l’inauguration de leurs locaux pour présenter une création photographique signé Pierre Basson. Celui ci présente Le vernissage de SUPERSAMPLED le vendredi 14 octobre à 18h30. SUPERSAMPLED durera tout le week end. A noter que l’entrée est libre et accessible à tous.
Marie Ferec et Julianne Coignard.
Bloc-Notes
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