
Concert dessiné
Dupuy & Berberian, Rodolphe Burger : trait rock
Un célèbre duo de dessinateurs – Philippe Dupuy et Charles Berberian – rencontre un non moins célèbre rockeur, Rodolphe Burger. Qu’est-ce qu’ils se racontent ? Des histoires de musique et de dessins... ça donne des riffs de guitares saturées et des dessins aux traits endiablés et ça s’appelle un concert dessiné.
Une salle de spectacle un samedi soir. Au centre, quatre musiciens : Julien Perraudeau à la basse (notamment connu avec son groupe Diving with Andy), Alberto Malo à la batterie (qui a travaillé avec Tété, Jacques Higelin, Sophie Hunger...), Éric Truffaz à la trompette et Rodolphe Burger, guitariste, compositeur et chanteur de renom qui a collaboré avec de nombreux artistes comme Alain Bashung, Françoise Hardy ou Jacques Higelin.
Jusque-là, rien d’anormal puisque nous sommes à un concert. Ça groove, c’est rock, la voix profonde et suave de Rodolphe Burger n’a rien à envier à un Lou Reed. On se tourne côté jardin et c’est là que ça se corse. Charles Berberian saute dans tous les sens, le crayon à la main, le rock endiablé des musiciens semble lui donner la fièvre ; côté cour, Philippe Dupuy, élégant avec son costume noir et sa cravate blanche, briquet à la main, jette des paillettes et brûle un dessin. Et oui, on n’assiste pas à un simple concert mais bien à un concert dessiné et l’ambiance est déjantée.
La musique n’adoucit pas le trait
Le dispositif est impressionnant. Chaque dessinateur est face à sa table à dessin, caméra braquée sur leur gestuel et surtout écran face à eux pour que chacun puisse voir ce que l’autre produit simultanément. Le but étant de réaliser un dessin à quatre mains à chaque morceau joué. Derrière les musiciens, un écran géant sur lequel est projeté en direct une image fusionnée des expérimentations graphiques des deux dessinateurs. Loin de se contenter d’illustrer la musique, Dupuy et Berberian font partie intégrante du concert. Leurs gestes suivent le rythme musical, leurs corps tressautent au fur et à mesure que la soirée avance et leurs dessins deviennent plus acérés à chaque morceau (tête de mort, corbeaux malveillants, paysages maléfiques). Si la musique adoucit les mœurs, en revanche, elle n’adoucit pas le trait des deux dessinateurs.
Ça groove, c'est rock, la voix profonde et suave de Rodolphe Burger n'a rien à envier à un Lou Reed.
Dupuy et Berberian sont connus pour leur bande dessinée "Monsieur Jean", chronique douce amère de la société contemporaine dans laquelle évolue l’homme moderne qui y traîne sa solitude. Le quatrième tome de cette série a reçu le Prix du meilleur album au festival d’Angoulême en 2000 et en 2008, c’est le Grand Prix de la Ville que les deux compères reçoivent. Ici c’est une véritable performance d’artistes qu’ils accomplissent. Ils sortent des cases, agrandissent les bulles, abandonnent le crayon pour le pinceau. L’énergie rock de Rodolphe Burger les contamine et vitamine leur trait graphique. L’instant d’un concert, les dessinateurs se transforment en rockeurs et le guitariste devient encore un peu plus artiste, se mutant en chef d’orchestre de ce petit monde.
Le dessin devient animé
C’est en 2005 que le concept de concert dessiné est né à Angoulême. Thomas Fersen, Brigitte Fontaine et bien d’autres s’y sont déjà essayés. La force de ce concert-là avec Rodolphe Burger aux manettes, c’est l’énergie qui s’en dégage. On sent bien que tout le monde s’inspire et se motive. Il en résulte que la musique et le dessin deviennent inséparables et notre regard est autant porté vers les musiciens que vers les dessinateurs. Ils forment un vrai groupe dont on suit chaque fait et geste avec attention. Le dessin se fait alors musical, animé et terriblement vivant.
C’est pour cela que le premier dessin qui apparaît sur l’écran géant, à la fin du premier morceau, nous serre la gorge. Traits après traits, c’est le visage d’Alain Bashung qui se dessine. Rodolphe Burger rend ainsi hommage à son défunt ami. Et les spectateurs de la salle du Manège ce soir-là repensaient au concert de Bashung qui avait eu lieu ici-même lors de sa dernière tournée il y a maintenant trois ans ; l’artiste était déjà malade et on se doutait bien que c’était son dernier tour de scène. Dupuy et Berberian l’ont fait revivre le temps d’un dessin ou comment faire se rejoindre musique et art graphique. Si on doutait encore de la force d’un concert dessiné, ce samedi soir, la démonstration a été faite.
Delphine Blanchard
Retrouvez les concerts dessinés du 27 au 30 janvier prochain au festival de la BD d’Angoulême. Quatre représentations en tout : un par jour à 14 heures pétantes. Le scénario est réalisé par Charles Berberian, l’orchestre est dirigé par Areski Belkacem mais le casting graphique n’est dévoilé qu’au dernier moment.
Photos : © Alain Baulet / © Dupuy et Berberian
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