
PORTRAIT KREATIV
Marion Jdanoff : sociologie d’un trait
Marion Jdanoff est à l’image de son trait, directe et sans fioritures. Loin des principes classiques de perspectives et de proportions, elle construit son trait à partir de son vécu. Aux écoles de dessins, elle a préféré la vie, nourrir son imaginaire et trouver sa propre ligne de fuite.
« J’adore le mot parcours, j’ai l’impression d’être un berger allemand qu’on emmène tous les samedis faire des petits sauts, slalomer entre des plots et courir à fond les ballons dans de petits tunnels en plastique » ironise-t-elle. Lui parler de parcours la fait rire. Avoir un projet professionnel, enchaîner les diplômes, très peu pour elle. Elle voit plutôt les choses sans esquisse, au stylo ou à l’encre. Si on rate, on réincorpore avec la fameuse « sournoise technique des petits traits », un procédé affectionné par Marion Jdanoff.
« La plupart du temps sans crayonné, la forme mute au fur et à mesure de l’avancée, ledit loup va avoir successivement trois têtes différentes.»
La vie pour influence
Rebondissante et vivante, elle compose avec les accidents et assume par exemple sa brève incursion dans une école de dessin. Trois mois pour comprendre quelle aversion elle nourrissait pour la rigidité académique : « rencontrer des gens qui ne savent pas ce que veut dire 2B (ce qui permet de différencier les crayons) me semblait nécessaire pour apprendre la vie ». Elle a préféré sortir des sentiers battus, là où l’on se confronte à la vie et où les herbes sont hautes, en dehors de l’Institution : « J’ai fait de la sociologie, rencontré la chose politique, j’ai fait grandir mon rapport au monde avec des gens incroyables, j’ai glandé un peu, me suis perdue, me suis coupée en deux, ai tenté de recoudre, réussi à moitié ». De projets autogérés à l’usine à pizza, elle s’est laissé le temps de digérer, de « se passionner pour des choses non productives, non notées, non rentables ».
À travers chacun de ses dessins, Marion Jdanoff partage une part d’elle-même. Si bien que lorsqu’on lui demande de nous parler d’une expérience bouleversante, c’est très simplement qu’elle cite Stanley Milgram (sociologue américain) et son ouvrage, Soumission à l’autorité. Un livre sociologique avant d’être artistique.
Un trait sensé
Avec ses chevaliers zoomorphes, à la frontière entre le mystique et le figuratif, elle se joue des mythes de notre société. Elle se méfie comme de la peste des religions, des gens qui respectent Mère nature, des idéologies totalitaires et des croyances en une morale universelle qui existerait hors de tout contexte socio-économique. Marion joue à se créer des totems. Elle se saisit des choses qui l’effraient, pour les tordre : la méthode cathartique.
Un trait en appelle un autre. Et si celui-ci va à contre-sens, peu importe, il sera bientôt submergé par une nuée de nouveaux petits traits. « La plupart du temps sans crayonné, la forme mute au fur et à mesure de l’avancée, ledit loup va avoir successivement trois têtes différentes, car je les rate les unes après les autres ». À la manière d’un gourou qui contrôle les âmes impressionnables (un rêve d’enfant, paraît-il), elle insuffle à ses dessins, sculptures et films d’animation une puissance évocatrice.
Actuellement en collaboration avec une compagnie de marionnettistes, Marion Jdanoff, dessinatrice à plat et en volume (elle s’essaie également à la sculpture), ne troquerait son parcours contre rien d’autre.
« La forme, c’est le fond qui remonte à la surface » écrivait Victor Hugo, alors ses petits traits, ses mitochondries, elle les apprivoise, les fait remonter à la surface.
Charlie Bréval
M1 Information & Communication
Site de Marion Jdanoff : http://marionjdanoff.net/
Courts-métrage en collaboration : http://murmeltierbar.free.fr/
Crédits photos : Marion Jdanoff
Guillaume Marmin, Marion Jdanoff & Frédéric Marolleau / OISEAU 30.0 from Ecran Total on Vimeo.
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses