
PORTRAIT KREATIV
Gume : montages barbares
Derrière le pseudonyme Gume se cache Thomas. Il retouche, décompose et recompose des images récupérées sur le web pour en faire des photomontages. Créatures cybernétiques, corps estropiés... La chair se mêle à la machine dans une alliance ultime ou dans un rejet brutal, celui d’une mauvaise greffe, celui de la réalité pour le rêve.
« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». La célèbre maxime de Lavoisier résume assez bien le travail de Gume.
Le poétique côtoie le trash, bien souvent avec une touche d’humour...
Car il ne s’agit pas ici de peinture, ni même de 3D, mais d’assemblages d’images, de photos, piochées pour la plupart sur internet. Le procédé est pour le moins original et surprenant, tout autant que le résultat, à mi-chemin entre réalisme fantastique et surréalisme cybernétique. Car ce qui prédomine ici, c’est bien le rêve. Des visions fantasmagoriques, parfois cauchemardesques, mêlent l’organique et le mécanique dans ce qui constitue de véritables œuvres mutantes. Le poétique côtoie le trash, bien souvent avec une touche d’humour, et le résultat est troublant. Ce qui ne déplaît pas à l’artiste. « Si ça plaît à tout le monde ça veut dire que c’est banal, sans consistance, me confit-il, c’est mieux si ça dérange ».
S’il aime susciter des réactions chez ses spectateurs, il ne leur impose aucune idée directrice ou discours. Peut-être une manière de leur laisser la liberté dont lui même profite dans le processus de création. Pas d’idées préconçues, la pensée évolue au fur et à mesure que l’œuvre avance, avec beaucoup de sincérité et peu de prétention culturelle. On retrouve ainsi dans le travail de Gume les principes d’un Art brut, notamment dans ses dernières œuvres, qu’il juge être les plus abouties. S’il se sent aujourd’hui plus mature, c’est grâce aux rencontres et aux idées échangées. Elles alimentent une réflexion de plus en plus profonde, ainsi qu’une prise de conscience d’un public éventuel. « Je ne le fais plus uniquement pour moi » me confit-il, lui qui ne cherche pas nécessairement à plaire, mais plutôt à produire quelque chose de réfléchi et de personnel. Auparavant, son travail était plus décoratif, et plus en lien avec les techniques plastiques. C’était avant que son destin ne croise celui du génie logiciel.
Homme versus machine
Il est difficile d’appréhender le travail de Thomas sans s’intéresser à son vécu. Car sa relation à la machine est inhérente, d’un point de vue créatif d’abord, mais aussi dans son quotidien. En effet, depuis 2001, la donne n’est plus la même pour le jeune artiste. Victime d’un accident de voiture, il va perdre l’usage de ses membres inférieurs à la suite d’une rupture de la moelle épinière. Une lésion qui va considérablement modifier son rapport au monde et qui suscitera inéluctablement un recours à toute forme de vie mécanique ou électronique pour faciliter son quotidien. Les machines donc, Thomas les connait bien, étant lui-même tributaire d’un organe artificiel, sa « partie machine » comme il le dit, et ce thème lui est cher. Il fait allusion à sa condition certes, mais renvoie également à la condition de l’Homme dans une société hyper-moderne et déshumanisée, où la cybernétique appartient encore au domaine de la science-fiction et où elle incarne à la fois nos rêves comme nos pires cauchemars. « Dans mes assemblages je décris un peu le futur, tout du moins un futur possible ». Un futur qui s’annonce, comme souvent en science-fiction, bien sombre. Cette vision, il la doit à un certain H.R Giger, une référence pour Thomas comme pour beaucoup. Créateur d’Alien, il est également un des grands représentants du réalisme fantastique et de ce que lui même nomme la biomécanique. Dans ce registre éminemment fantastique et surréaliste, Thomas découvre « un monde violent, trash, mais très créatif » dont il va bien évidemment s’inspirer pour ses compositions mutantes.
Un artiste numérique ?
S’il y a bien une machine qui appartient au présent, c’est l’ordinateur. Et malgré son obsession pour le futur, cet ex-plasticien reste bien ancré dans cette époque où tout se numérise. Thomas reconnaît s’être converti par facilité et notamment en raison de ses troubles physiques. Et lorsqu’on lui demande s’il se considère comme un « artiste numérique », il avoue ne pas faire partie de ceux « qui créent par et pour le numérique, qui restent dedans, comme des créateurs de site web ou d’animations ». Ce recours au logiciel reste pour lui surtout un moyen d’acquérir des libertés et des possibilités artistiques supplémentaires. « Avec l’informatique on peut tout faire, aussi bien en vidéo qu’en musique, en montage ou en photo », s’enthousiasme Thomas.
Mais ce plasticien dans l’âme accorde toujours une importance capitale à l’objet et à la matière : « Le virtuel ne vaut pas le réel, du point de vue de la vérité, de la sincérité, des sensations physiques ». Voilà peut-être pourquoi ce dernier multiplie les expositions et les vernissages dans les bars nantais, lui qui accorde tant d’importance aux rencontres, et qui préfère finalement au contact de la machine le contact humain.
Johan Fel, M1 information & communication.
En hommage à Gume :
Une Fleur à la main
Lorsque je l’ai rencontré il y a de ça quelques mois, Thomas souffrait probablement déjà de ses maux mais à vrai dire, je ne l’ai jamais vu perdre le sourire, jusqu’à ce lundi 21 Mars... Depuis, je repense à ces moments que nous avons partagés et je me rappelle une de ses compositions. Un personnage laissant le fardeau de ses jambes gésir sur un parterre de fleurs, et dont le buste s’envole dans les airs au moyen d’un réacteur. Ce personnage avait un revolver à la main. Mais cette arme, Thomas la remplaça finalement par une fleur et lorsque je lui ai demandé pourquoi, il m’a dit tout simplement : « quitte à partir à la conquête du ciel, autant y aller en paix ». C’est ce que je lui souhaite donc, la paix de l’esprit, à lui ainsi qu’à ses proches.
Johan Fel mars 2011
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