
PORTRAIT KREATIV
La photo comme toile
Depuis 2003, Pierre-Olivier Vanier publie ses photographies sur Internet, sous le nom de Péo. Des monochromes minimalistes aux paysages grandioses et colorés, son univers se pare toujours d’émotions oniriques et d’ambiances éthérées.
D'un sujet déjà vu et revu, il tire un sens nouveau, et transforme ce cliché en un produit beaucoup plus personnel.
Pour chaque photographie, il se remémore un état d'esprit, une émotion du moment, et c'est cette sensation qu'il fait ressortir.
Péo... Le pseudonyme n’est pas très loin du prénom, Pierre-Olivier, et cette syllabe seule étonne. Péo, preneur de photo. Pourtant, Péo ne s’imaginait pas photographe. Péo, peintre ? Il confesse avoir toujours voulu dessiner ou peindre, mais il n’a jamais su se servir de ses dix doigts...« Ça a toujours été une très grosse frustration, depuis très jeune, de ne pas pouvoir représenter mon monde. » Péo ne peut pas s’exprimer comme il le voudrait. Et puis, petit à petit, initié par un passionné, il découvre et s’aventure dans la photo. Entre midi et deux, à la cantine de leur établissement, un collègue lui parle de photo.
Pourquoi pas ? Alors il photographie. Il prend pied. L’œil s’affirme, le regard s’assure. Il se rend compte que plutôt que de représenter la réalité, la photo peut lui permettre de faire ressortir ce que, lui, a envie de voir. En fait, de créer autre chose à partir de la réalité. Et voilà, Péo est devenu un photographe. C’est aussi simple que ça, et il nous le fait bien sentir. Grand, barbu et impressionnant, Péo ne se noie pas dans les détails, et ne s’invente pas de justification après coup. Désormais, ses balades se feront le regard vissé à l’objectif. L’obturateur ponctuera ses coups d’œil. Péo serait désormais un photographe ? Il n’est pas d’accord... « Pour moi, la prise de vue c’est un début, juste un départ vers quelque chose d’autre. » Ah. Et vers quoi donc peut le mener cette première esquisse ?
S’exprimer en retouchant
Par dessus l’esquisse d’une première photo, son encrage à lui, c’est la retouche. D’un sujet déjà vu et revu, il tire un sens nouveau, et transforme ce cliché en un produit beaucoup plus personnel. L’acte artistique, Péo lui donne toute sa place et l’installe dans la retouche. Chez lui, il s’enferme et développe ses photos numériques, sur son ordinateur... C’est le moment où il intervient en tant qu’auteur, là où il donne son « coup de pinceau ». Le coup de pinceau du peintre, alors...
Une fois aux commandes, il décide de l’avenir de la photo, de ce qu’elle exprimera, de son aspect final. C’est là où il passe le plus de temps. Son approche de la photo est celle du maître-queue à ses fourneaux : « la retouche c’est pimenter ou adoucir la photo... Mais il faut le faire comme la bonne cuisine, c’est à dire qu’il ne faut pas que ça soit trop pimenté ou trop sucré » sous peine de tout gâcher, plat ou image. La recette, il la trouve dans un petit détail de la photo, un élément qui détonne ou qui attire le regard. La science du détail qui marque ! « Par exemple, je vais prendre un champ en photo, un champ c’est chiant, mais si il y a un mouton tout seul ou une poubelle rouge... Ça peut m’intéresser. »
« Je suis plutôt un peintre d’extérieur »
Même s’il n’a pas de domaine de prédilection, la galerie de Péo compte beaucoup de paysages. Parmi ses préférés, des paysages bretons. « La Bretagne, ça a un côté bout du monde qui me plaît. Ce sont des paysages qu’on ne trouve nulle part ailleurs en France. Il y a des plages, des champs, comme ailleurs, mais tout semble un peu plus perturbé... » Et ça peut nous intéresser. Parce que c’est devant ces paysages que l’aspect technique s’estompe, que l’artiste s’exprime. C’est ce côté dur au mal, battu par le vent et la pluie qui ouvre la voie à l’imaginaire. Chez Péo, un paysage n’est jamais neutre. Sur chacune de ses lignes d’horizon s’écrit une émotion, appuyée par de délicates retouches. Rien que de les évoquer, on y retourne.
Péo ferme les yeux et retourne dans le Finistère : « Mon envie, avec ces photos, c’était de faire ressortir ce côté serein, spectaculaire, monumental, presque abstrait parfois. » Ces images tourmentées nourrissent l’artiste, peut-être même le placent-elles face à lui-même, à sa propre expérience. Pour chaque photographie, il se remémore un état d’esprit, une émotion du moment, et c’est cette sensation qu’il fait ressortir. Il s’en sert pour remodeler la réalité de la photo, qui devient une expression sans mots. Une phrase adressée à qui voudra bien la comprendre… Mais peut-être avant tout à l’artiste lui-même. « Tous ces métiers, ces activités artistiques, ne sont-ils pas des dialogues sereins avec soi-même ? Je pose la question. »
Antoine Piers, M1 Information et Communication, Université de Nantes
Crédits photos : Pierre-Olivier Vanier.
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