
Festival Univerciné Britannique 2010
Some dogs bite : Les jeunes en difficulté ne mordent pas
Entretien avec la scénariste Lin Coghlan
Venue présenter son premier long-métrage Some dogs bite à l’occasion du festival universitaire de cinéma britannique, Lin Coghlan nous plonge dans un road movie émouvant qui met en scène trois frères en quête d’ identité. Peinture sociale et poétique de jeunes livrés à eux-mêmes dans l’Angleterre d’aujourd’hui.
Scénariste d’origine irlandaise, Lin Coghlan est particulièrement touchée par les problèmes liés aux enfants confiés aux services sociaux. Sa propre histoire l’a sensibilisée à ce sujet : à 18 ans elle a quitté l’Irlande pour trouver du travail en Angleterre et s’est rendu compte des difficultés des jeunes pour entrer dans la vie active. Les jeunes sont seuls et livrés à eux-mêmes : « Ce fut 4 ans de galère, je n’avais aucune aide. » Elle devient alors écrivain et décide de travailler dans les prisons. « Je suis écrivain et j’enseigne l’écriture. J’ai travaillé dans des prisons avec des jeunes en difficulté. Beaucoup d’écrivains enseignent aux enfants en prison et à l’école car un grand nombre d’entre eux ont été virés des écoles et ne peuvent pas aller en cours. » Après avoir écrit quelques pièces de théâtre sur ce thème, elle a souhaité raconter une histoire sur les jeunes enfants en difficulté aujourd’hui en Angleterre.
Des hommes sensibles, des acteurs justes
Il a l'air dur mais à l’intérieur il est comme nous, il est sensible.
Some dogs bite est un road movie qui suit le parcours de trois frères à la suite du décès de leur mère, abandonnée par le père du cadet, Casey (14 ans) et du benjamin, Severino, (10 mois). Casey décide d’enlever le bébé à sa famille d’accueil et entraîne son frère aîné, Hage (18ans), chômeur et délinquant, à la recherche de son père parti vivre en Ecosse. Ce film touche par son rythme lent et son réalisme : « Je suis surprise que ce film ait autant plû, il est inhabituel qu’un film lent tel que celui-ci plaise en Angleterre. » Et pourtant, il a été très bien accueilli sur le sol anglais, et ovationné à Nantes.
Le film dresse le portrait d’un adolescent et de jeunes adultes encore en construction. Il est en grande partie centrée sur l’évolution de Hage, le frère aîné, caractérisé par son silence et sa difficulté à extérioriser ses sentiments. Les productrices et Lin pensaient d’ailleurs que faire un film sur ce genre de figure masculine n’intéresserait personne. Hage ne parle pas, il est très secret : « Il a l’air dur mais à l’intérieur il est comme nous, il est sensible. Il représente tous ces jeunes en difficulté que l’on croit difficiles alors qu’ils prennent soin les uns des autres et sont loyaux. » Le film est porté par le jeu des acteurs, tous très touchants. Malgré son mutisme, Hage fait passer beaucoup d’émotions. Le bébé est également un personnage très important : « Il représente le bébé qui est à l’intérieur de Hage et Casey, le bébé qui a été négligé. » Au-delà de la symbolique, le bébé introduit l’humour, la tristesse... Le public est gêné, tendu lorsqu’il pleure, seul, sans personne pour le prendre dans ses bras. Mais c’est aussi lui qui détend l’atmosphère et fait sourire le public par ses mimiques. « Il a fallu trois bébés pour tourner ce film, et faire en sorte que les scènes paraissent naturelles n’a pas été tâche facile », avouent les productrices.
Après la souffrance vient l’espoir
« Ce n’est pas parce qu’on ne les voit pas qu’ils n’existent pas. »
Selon les productrices, le lien entre la culture et le social est important dans ce film. Un petit nombre d’enfants sont dans des situations d’éclatement familial en Grande-Bretagne. C’est donc une minorité, mais elle a, et pose, beaucoup de problèmes. Il est ainsi fréquent que des jeunes échappent au suivi des services sociaux. En voyant le film, des personnels de l’assistance sociale ont avoué que certaines situations pouvaient arriver, que parfois les frères et sœurs n’avaient pas le temps de se dire au revoir au moment de leur séparartion. C’est en effet l’un des moments marquants du film, lorsque le petit frère est arraché aux deux autres et qu’ils n’ont pas le droit de se dire adieu.
La séparation est un thème récurrent. La séparation des frères, des enfants et de leur mère décédée, de leur père qui les a abandonnés et du soldat qui décède brutalement. Cette mort marque un tournant dans le récit, le soldat rencontré sur la route est renversé par un camion. Personne ne s’attend à cette scène. Pour Lin Coghlan, cette mort est un évènement poétique, ça libère Hage et lui fait accepter la mort de sa mère. Les deux frères avaient besoin d’enterrer quelqu’un, ce n’est pas une mort sans espoir. Le soldat a été abandonné par son père tout comme Hage et Casey, mais il a l’espoir de fonder une nouvelle famille. Il dit en parlant de sa fille : « Elle pourra faire médecin, artiste, n’importe quoi si je suis là pour elle. » Ces jeunes ont l’espoir d’une vie meilleure pour leurs enfants. Si Lin a voulu faire ce film c’est surtout parce que : « Ces jeunes sont invisibles, ils n’apparaissent pas à la télévision, à la radio ou dans les films. Ce n’est pas parce qu’on ne les voit pas qu’ils n’existent pas. »
Laurette Bouysse
Portrait de Lin Coghlan : Laurette Bouysse
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