
En chantant...
Chansons, musique, poèmes...sur l’amour
Parce que Jacques Guillou a bien compris qu’on en avait assez de toujours voir l’amour sous son empreinte américanisée (et donc « nian-nian », cela va sans dire), il a proposé au Studio Théâtre, dont il est le directeur, le travail des élèves du conservatoire : « L’Amour... », un cabaret, dans la plus pure tradition scénique, puisqu’on y mêle chansons, musique, poèmes... Ici, vous vous en doutez, on parle donc bien d’amour, mais - même si le titre du spectacle est écrit sur les brochures en rose bonbon - on ne parle pas pour autant d’amour à l’eau de rose.
Ce bouquet de fraîcheur en cette aube printanière éveille nos sens de parfum de vérité. Pas la vérité comme on la rêverait... NON, la vérité VRAIE. Parce que l’amour est aussi parfois cruel, et même pourri, et bien ici on le dit. Et en chansons, s’il vous plaît !
1 piano, 13 frimousses, dont 8 filles, 21 textes, 15 chansons et des tables disposées un petit peu au hasard des spectateurs... Voilà la recette pour mettre en scène la volupté romancée de ces poètes amoureux. D’Aragon à Apollinaire, en passant par Rimbaud, Camille Laurence, Desproges, Gherasim Luca ou même Lynda Lemay, une effervescences de sentiments en fête, brillamment interprétés. On prie, on prône, on triomphe l’amour sous toutes ses formes, pourvu qu’il nous donne de quoi exciter nos papilles. Prouesses ou promesses amoureuses dictées avec passion par ces comédiens en herbe, élèves du second cycle de la classe d’art dramatique du Conservatoire National de Région, déjà destinés à un avenir prometteur.
Une première partie assez légère et très chantée, suivie d’une seconde plus incisive, avec des textes plus cruels, qui exposent tout ce que l’amour peut représenter de souffrances. J’ai voulu savoir comment tout ça c’était organisé...
D’où vous est venue cette idée de cabaret ?
Jacques Guillou : Ca fait plusieurs années que je l’exploite, pour les travaux d’élèves. Au tout début, je travaillais avec Jean Blaise (directeur du LU), au CRDC (Centre de Recherche pour le Développement Culturel) où il avait créé une école d’art dramatique supérieure. On a formé 36 comédiens sur 7 ans. Parce qu’il faut savoir que tout ce qu’entreprend Jean Blaise a une durée déterminée, qui tourne en général autour de 7 ans. C’est un principe. Dans le même temps, on a travaillé ensemble sur “Les allumés”. Là, ça a duré 6 ans. Et juste après, je commençais ma collaboration avec le conservatoire. Je crois que c’est de là que m’est venue cette idée de cabaret.
Pour le choix des textes, je suppose qu’il est complètement arbitraire ?
J.G : J’ai constitué une sorte de corpus, en fonction de mes goûts personnels, ensuite, j’ai laissé chacun libre de choisir son texte, en les guidant un peu. Je voulais pas que ce spectacle soit trop axé sur l’humour - oui parce qu’aujourd’hui c’est très à la mode, c’est dans toutes les notes d’intentions de tous les spectacles : il faut que ça soit drôle - l’amour c’est aussi quelque chose qui vous attrape aux cheveux et qui peut faire mal. Y’a quelque chose de grave dans l’amour, c’est une énergie qui doit tout emporter.
Dans l’interprétation à proprement parler, comment ça s’est passé ?
J.G : C’est une négociation entre l’acteur et le metteur en scène. Ils ont pu proposer leurs idées, mais y’a certaines propositions qui ne convenaient pas du tout à ce que j’attendais. Chaque texte a sa dynamique propre, il faut trouver son équation, la manière de le dire pour qu’il soit le plus percutant possible, le plus sincère, le plus vrai, qu’il y ait une espèce d’évidence dans ce qu’on dit. Et puis c’est un ajustement constant avec l’interprète. Mais il y a aussi certains textes que j’ai choisi volontairement, à contre emploi, pour des comédiens. Des fois, il faut cassé son jeu habituel. C’est pas toujours évident au début, donc on travaille pour changer ce jeu presque inné et faire quelque chose quasiment à l’opposé de ce qu’est l’interprète. A la base, c’est pas donné et au final, ça surprend tout le monde.
Il ont chacun à peu près 10 minutes de jeu, divisées en différentes scènes de deux minutes. Donc c’est en quelques secondes qu’ils doivent atteindre l’excellence. Dans ces deux minutes, il faut toucher le spectateur. Et dans cette mise en scène, il y a une proximité formidable qui impose un travail très complexe. Lorsque l’on voit le spectateur de si près, il y a une adresse directe qu’il faut pouvoir gérer. Il faut travailler à faire naître l’émotion, mais en même il ne faut pas être trop volontariste : il faut attendre la vérité de l’émotion.
Le seul défaut du spectacle : sa longueur peut-être ?
J.G : C’est vrai que c’est long. Mais 1h55, c’est à la fois la qualité et le défaut de ce spectacle. On l’a beaucoup travaillé et ça casserait quelque chose d’enlever des scènes. On l’a créer comme ça, avec 36 textes, tout confondu, donc il faut qu’il vive comme ça. Et puis je pense que c’est une expérience très intéressante pour eux d’expérimenter le jeu en direct avec le spectateur. Et pour ça, il faut du temps pour chacun. Ca leur permet de dépasser certaines notions d’apprentissage (langage, voix, ressenti...). Parce que l’art dramatique c’est pas uniquement un apprentissage. C’est aussi cette espèce de noyau personnel, irréfragable presque, qui va se dévoilé au cours de ces 5 soirs - en ce qui les concernent pour ce spectacle -, ils vont atteindre quelque chose en eux mêmes qu’ils ignorent encore. Ils vont renvoyer quelque chose au fond d’eux. « Ces sphères personnelles vives et intenses qui touchent à pourquoi ils font du théâtre »... CQFD (NDLR)
Quatre mois de travail (dont 2 heures de chant par semaine) pour laisser éclore ce bourgeon fécondé... Chapeau !
Manon HERICHER.
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