Pamphlet
La quête d’identité par Bertolt Brecht
Un homme part acheter du poisson et se retrouve soldat. Absurde ? Pas pour Bertolt Brecht qui écrit en 1923 un pamphlet sur la volonté humaine et qui minimalise les différences pour démontrer qu’un homme peut être remplacé par n’importe quel autre, à tout moment.
Galy Gaye, docker, sort acheter du poisson. Interpellé par trois soldats qui cherchent un quatrième, il devient Jéraiah Jip, le temps de l’appel. De fil en aiguille, il y prend goût, encouragé par son entourage militaire. Moqueurs, manipulateurs, pervers, cruels… les soldats rusent sans cesse pour remplacer ce quatrième homme sans lequel ils seront éxécutés.
Galy Gaye, un homme comme les autres, se prend au jeu, accepte les humiliations et difficultés, enterre son identité, avant de clamer enfin haut et fort sa nouvelle identité : Jip, Jéraiah Jip. La transformation de sa personnalité, la quête d’une identité nouvelle en rejetant la sienne, la complaisance dans son nouveau rôle : Galy Gaye le docker devient pleinement Jéraia Jip le soldat et assume toute l’étrangeté de ce bouleversement.
Un homme = un homme ?
Un homme peut-il réellement être remplacé par n’importe quel autre à n’importe quel moment ? Cette pièce tend à répondre par l’affirmative. Mais Galy Gaye n’est pas d’une volonté de fer. Parfois même présenté comme simplet, il est chahuté, on se moque un peu de son incapacité à dire non. Pourtant il deviendra un homme imposant, prenant des décisions capitales, assumant un rôle auquel il n’aurait jamais eu accès auparavant. Jéraiah Jip serait-il devenu aussi imposant, aussi responsable ou aussi puissant que Galy Gaye ?
tout homme peut devenir un autre si le contexte l’expose à un tel choix
Bertolt Brecht pose ici la question tellement vaste de l’identité, des personnalités propres. Convaincu que la situation détermine tout dans les choix et les comportements, il démontre ici en mêlant burlesque et tragédie, que tout homme peut devenir un autre si le contexte l’expose à un tel choix. La question n’est plus alors sur la capacité à remplacer tel ou tel autre mais plutôt sur les limites de la volonté humaine et de la corruption spirituelle.
Un spectacle chorégraphié
Homme pour Homme de Bertolt Brecht est un spectacle compliqué. Pour que les spectateurs se retrouvent dans l’histoire et discernent précisément chaque étape de la métamorphose du personnage principal, la mise en scène doit impérativement fluidifier le texte. A ce jeu, Emmanuel Demarcy-Mota (metteur en scène) et Yves Collet (scénographe et créateur lumière) excellent.
Une maîtrise parfaite des lumières latérales, des éléments de décor qui apparaissent et disparaissent avec fluidité et discrétion, des acteurs nombreux qui se déplacent en permanence d’une manière très précise… Cette mise en scène s’apparente à une chorégraphie, légère, distinguée, tout en douceur. Le spectateur se retrouve dans chaque univers, quitte le port, grimpe en haut des tours avec les soldats puis redescend sur le ring avant d’escalader les montagnes. La mise en scène maîtrisée, le texte apparaît, frappe par son intelligence et sa pertinence avec la même force qu’à sa création, plus de quatre-vingt ans plus tard.
Amélie Féraud
Homme pour Homme de Bertolt Brecht
Mise en scène Emmanuel Demarcy-Mota
Scénographie Yves Collet
Photos : DR.
Au Grand T, du vendredi 18 au vendredi 25 janvier 2008
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