
Théâtre
Quand le romantisme allemand devient hilarant
La Crà »che Cassée de Heinrich Von Kleist au Grand T
Heinrich Von Kleist, auteur renommé germanique nous offre une comédie alléchante, intrigante, mise en scène et modernisée par Frédéric Bélier-Garcia et racontée par des comédiens survoltés et attachants.
Le juge Adam se voit contraint d’instruire son propre procès après une nuit de débauche avec la jeune Eve. En s’enfuyant, surpris par le fiancé de cette dernière, il casse une crûche, objet principal de cette véritable enquête… à l’envers. Surveillé de très près par un conseiller de justice débarqué à l’improviste, le magistrat devra accuser tour à tour les uns et les autres pour éloigner de lui tout soupçon.
Un pari loin d’être gagné
Lorsque Heinrich Von Kleist écrit La Crûche Cassée avec Goethe en 1805, c’est un fiasco. Personne ne rit, personne n’en parle. Cette pièce passe alors complètement à la trappe et l’auteur allemand voit sa dépression prendre de plus en plus d’ampleur jusqu’au suicide.
Comment une personne capable d’écrire des comédies virevoltantes peut-il être aussi sombre dans la vie réelle ? La réponse vient peut-être du mal nommé récemment « schizophrénie ». Mal que l’on retrouve d’ailleurs chez chacun des personnages de cette satire comique. Une ambivalence, une hésitation permanente entre le bien et le mal, les actes positifs et ceux plus cruels.
Chaque être devient accusé puis victime, bon puis méchant. Ces alternances pourraient perturber le public. Or, celui-ci rit, s’amuse de ces caractères auxquels l’identification paraît inévitable. On ne juge pas, on ne se moque pas. Même le coupable, pervers, je-m’en-foutiste, manipulateur et de mauvaise foi devient attachant. La mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia permet ce sentiment de ressemblance et de compréhension voire de tolérance des crimes commis par le juge Adam. Des accessoires très modernes dans un cadre classique pour restituer une sorte de pièce intemporelle et universelle.
A Marseille, une personne m’a dit qu’elle avait eu très peur que je joue affreusement mal. Ensuite, elle a compris que c’était mon accent naturel.
Au pays des Flamands
Cette pièce est une coproduction franco-belge. Le Théâtre de Namur apporte donc son lot de comédiens, dont le principal, avec leur petit accent belge. Au début une légère hésitation, puis l’oreille s’habitue à ce mélange de répliques tantôt en belge, tantôt en français. Le juge Adam, Jan Hammenecker confie : « A Marseille, une personne m’a dit qu’elle avait eu très peur que je joue affreusement mal. Ensuite, elle a compris que c’était mon accent naturel. D’autres m’ont félicité pour mon travail sur l’accent et les intonations belges. Ils pensaient que tout était joué ! » Il rajoutera par ailleurs que les Belges se délectent également de l’accent français.
Ce mélange pourrait détoner et pourtant une étrange cohérence naît de ces disparités. Chaque comédien apparaît avec des tempéraments propres, des attitudes propres (la bonne Louise, Christelle Cornil, ne dit pas un mot et pourtant rempli tout l’espace avec une présence incroyable). Ces individus forment pourtant un ensemble harmonieux, liés par une mise en scène sans faute.
Le Grand T accueillait cette pièce pour la dernière représentation nationale et c’est avec grand plaisir que nous avons pu apprécier le talent de l’auteur, des comédiens comme du metteur en scène. L’impression d’être chanceux devant une œuvre éphémère, chargée d’histoire, de passions et de folie.
La Crûche Cassée se jouait au Grand T à Nantes du lundi 3 au mercredi 5 mars 2008.
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