« Étudiants en colère  »
On y était : manifestation du 9 mars contre la loi Travail
Entre 224.000 et 500.000 personnes ont répondu à l’appel à la mobilisation contre la loi El Khomri, ce mercredi 9 mars 2016. Des manifestations qui se sont déroulées un peu partout dans les grandes villes de France dans une ambiance bon enfant, un peu trop calme pour certains. A Nantes, ce sont environ 10.000 personnes qui se sont déplacées pour manifester dans les rues. Récit de l’intérieur par une primo-manifestante.
Environ 10.000 personnes se sont rassemblées place du Bouffay à Nantes le 9 mars 2016 pour faire part de leur opposition à l’avant-projet de loi prévoyant la réforme du Code du Travail. Chacun sa pancarte, son slogan et sa détermination pour crier son mécontentement. Certains manifestent pour la première fois :
« C’est la première fois que je manifeste, il y a plein de monde, je trouve ça génial. C’est important de dire que l’on n’est pas d’accord avec cette fichue loi. Je suis partie du campus à 13h et je suis fière de manifester en tête de file aujourd’hui. Pour moi cette loi n’a pas lieu d’être : désolée pour le langage, mais on a une gauche qui mérite des droites. »
Andréa (19 ans), licence de sociologie à la faculté de Nantes
Une gauche qui mérite des droites
J’attends moi-même à Bouffay que la marche commence. Armée de mes baskets et de mon sweat rose fluo, histoire de ne pas avoir froid et d’être facilement repérable parmi la foule, j’attends patiemment. On me distribue des tracts, Bouffay est un rassemblement intersyndical impressionnant : tout le monde a son petit drapeau de couleur. J’entends dire que des milliers d’étudiants arrivent du campus. Partis vers 13h après une assemblée générale, ils débarquent en fanfare. Des lycéens arrivent aussi nombreux. Puis le cortège démarre joyeusement et rapidement (peut-être un peu trop rapidement pour certains), parcourant les rues de Nantes, les jeunes en tête. Une jeune fille avec une pancarte « Étudiants en colère » attire mon attention :
« On est tous impactés par ce projet de loi. D’ailleurs je trouve ça nul que les « jeunes » soient à l’avant et les « vieux » à l’arrière : on est tous impliqués là-dedans et on devrait tous être mélangés et marcher ensemble. Le licenciement arbitraire que prévoit la loi El Khomri, ça concernera tout le monde ! L’augmentation des heures de travail aussi. Il faut que l’on soit solidaire sinon cela n’aura aucun impact ».
Marie (25 ans), école de graphisme à Nantes
On crie, on scande, on chante : on n’est pas contents. Le message est clair et on le fait savoir à tous ceux qui ne veulent pas l’entendre justement. Je ne retiendrai qu’un seul chant, plutôt potache, de toute cette manifestation, les autres étant bien trop loin pour que je puisse les comprendre. « Chaud patate, chaud patate : Grève générale ». L’un des auteurs de ce slogan accepte de m’expliquer pourquoi il est ici aujourd’hui :
« J’en ai marre que l’on nous oublie, nous les jeunes. On est censés partir travailler demain et voilà ce qu’on nous propose ! Déjà que la plupart des jeunes sont au chômage aujourd’hui : comment avoir envie d’aller travailler quand on sait ce qui nous attend ? Je ne veux pas perdre ma vie à la gagner. »
Romain (24 ans), au chômage, recherche du travail dans l’audiovisuel
De la manifestation bon enfant aux bombes lacrymo
Après une heure et demie de marche dans les rues de Nantes, le cortège revient à son point de départ et s’arrête : Bouffay nous revoilà. Pas tout à fait. Certains continuent d’avancer sur la ligne de tramway. Allez, je continue, il n’est pas question pour moi et mes amis de s’arrêter. On ne connaît pas la suite du parcours, mais ce n’est pas grave. Arrivée vers la gare, je m’interroge en rigolant « Ah ok, on va prendre le train et continuer la manifestation à Paris en fait, c’est ça ?! ». Que nenni.
Les CRS sont là avec leurs boucliers noirs et nous attendent. Des policiers en civil aussi. Tout va très vite et j’ai du mal à comprendre. Je vois des manifestants cagoulés jeter ce qui me semblent être des pierres sur la gare. Une vitre explose. Et, d’un coup, cette odeur. Cela me brûle la gorge et je sens mes yeux se noyer rapidement de larmes. Je ne vois plus rien. Les bombes lacrymogènes sont jetées par les CRS dans la foule et il faut courir. J’attrape la main de mon amie et je pars me réfugier derrière un bus bloqué sur la route. Pas de chance pour nous, le bus est lui aussi attaqué de lacrymogènes : impossible de respirer ici. Quelques centaines de mètres plus loin, l’air est frais. Un jeune homme distribue du sérum physiologique pour les yeux rougis des manifestants. Une nouvelle salve de gaz lacrymogène décourage les derniers présents qui refluent vers Bouffay.
Terminée la manifestation, beaucoup moins bon enfant sur la fin. Les opposants à l’avant-projet de loi vont-ils réussir à faire reculer le gouvernement ? Depuis la manifestation du 9 mars, les amendements apportés à la loi El Khomri n’ont toujours pas convaincu les étudiants et les lycéens qui, ont remis le couvert le 17 mars, avec moins de mobilisation, et prévoient à nouveau de descendre dans la rue les 24 et 31 mars prochains.
Texte et propos recueillis par Charlotte Dugast
Photos : Charlotte Dugast et Kévin Lemoine
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