Hip Op Session 2016 - Reportage
Hip OP Session is in the hood
Pour la première fois, deux festivals ont partagé une date à la Maison de Quartier des Dervallières. Cette année, le Festival des Projets de Breil-Dervallières coïncide avec le Hip OP Session. Une soirée de concert, mais aussi un temps de valorisation de projets menés par les jeunes du quartier. À Malakoff, la création partagée «  Entrez dans le cercle  » a débuté en amont du festival. La présence du festival au sein des quartiers : une réalité ?
« Le hip-hop est né dans les quartiers, c’est un mouvement culturel qui s’est développé pour venir toucher le centre-ville et enfin la hype », analyse Pierrick Vially, responsable de l’action culturelle pour l’association Pick Up Production. Le constat est là : la culture hip-hop s’est démocratisée. À Nantes, le festival Hip OP Session est là pour le prouver. Deux semaines de festival avec concerts, exposition, battles de danse qui mettent à l’honneur la culture hip-hop. Et à l’occasion du festival, le hip-hop est aussi mis en avant là où sont ses racines : dans les quartiers.
Projets dans les quartiers et investissement des jeunes
Car des projets et des actions menées dans les quartiers, il y en a. Certes moins médiatisés que les concerts des salles du centre ville. Pour Pierrick Vially, Hip OP Session « n’a jamais été qu’un festival de centre ville. Il y a moins de concerts sur les quartiers », concède-t-il, avant de poursuivre : « Il y a des stages ou des ateliers de danse ou de graffiti qui y sont organisés, mais qui ne sont pas toujours visibles du grand public. On n’a pas de fidélité absolue pour un quartier nantais, le festival est volontairement nomade et va se balader d’un quartier à un autre. »
L’année dernière, le projet européen de résidence artistique All 4 One avait posé ses bombes de peintures à la Fabrique Dervallières et la création avait été présentée à la Maison des Haubans de Malakoff. On peut aussi mentionner les projets de créations partagées qui avaient été mis en place dans les quartiers Doulon-Bottière et Nantes Nord. Cette année, c’est à Malakoff que le projet Entrez dans le cercle va s’étendre de janvier à juillet 2016. Aux Dervallières, le Festival des Projets s’allie au festival Hip OP Session le temps d’une soirée de concert à la Maison de Quartier.
Il y a aussi l’organisation du festival, qui mobilise les jeunes à plusieurs niveaux. Ils sont plus d’une vingtaine de jeunes en atelier chantier d’insertion professionnelle venant des Dervallières, Nantes Nord et Bottière à s’activer dans les coulisses des événements programmés pendant le festival. Le tout encadré par des structures comme l’ADPS (Agence Départementale de Prévention Spécialisée) ou la MLDS (Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire). « Par exemple certains jeunes des Dervallières en Plan job sont investis dans l’organisation du concert du 25 février. Il y a aussi les deux jours de battles, où ce sont les jeunes de Bottière Pin-Sec en lien avec l’ADPS qui vont gérer les repas des artistes avec l’équipe de catering : service, mise en place des tables, accueil des danseurs, etc. Les jeunes de Nantes Nord en lien avec la MLDS vont participer à l’organisation du concert au Pôle Étudiant le 24 février », recense Pierrick Vially.
Malakoff entre dans la danse
Pour donner le coup d’envoi de la création partagée Entrez dans le cercle, pilotée par Pick Up Production et la Compagnie de danse Engrenage dans le quartier Malakoff, une conférence-spectacle retraçait l’histoire des danses hip-hop à la Maison des Haubans le 23 janvier dernier.
Ils étaient trois sur scène face au public de la Maison des Haubans : Franco et Marie de la compagnie de danse Engrenage, et DJ Pharoah derrière ses platines. Les trois compères ont donné une heure de spectacle conférence autour du hip-hop et de son histoire parfois méconnue.
Marie conte l’histoire de la danse hip-hop en remontant le temps avec à l’appui, des photos et des images d’archives qui défilent sur l’écran. Franco accompagne le récit par des démonstrations de danses rythmées par les sons de DJ Pharoah. Tout y passe, depuis les work songs des champs de coton des États-Unis, jusqu’aux années 90 où la culture hip-hop explose en France, en passant par le gospel et le breakdance du Bronx des années 70. Le public écoute et hoche la tête. Franco se prête à la démonstration de funky steps comme le funky chicken ou le funky penguin (le poulet et le pingouin funky), poursuit avec le Electric Boogaloo des frères Salomon. Electric Boogaloo ? C’est la danse du robot, qui est née dans les années 70, et qui, comme beaucoup de danses, se sont fait connaître avec l’émission de télévision américaine Soul Train.
Vient ensuite le tour du breakdance new-yorkais qui voit l’avènement des battles de danse avec des mouvements au sol, encerclés par les spectateurs. Franco décortique les pas de danse et prend la pose, il freeze. L’occasion de donner un peu de vocabulaire. En break, on trouve les toprocks, les mouvements exécutés par les danseurs (B-Boy et B-Girl) avant de descendre au sol, puis les footworks, qui sont les mouvements au sol. À cela, on peut ajouter les spins, ou le fait de tourner sur une partie du corps, le plus impressionnant étant le headspin. Franco se met à tourner sur la tête, sous les applaudissements du public. Ça, c’est un power move, une grande figure acrobatique qui rythme les pas du B-Boy.
Un peu d’histoire, beaucoup de danse
Créer la rencontre
Les danseurs de la compagnie Engrenage n’ont pas ménagé leurs efforts et ont accueilli dans leur cercle des danseurs nantais venus pour l’occasion lors des démonstrations. « La danse, c’est une façon de partager et d’échanger. Le plus important pour moi, c’est de rencontrer les gens », explique Franco. « L’idée c’est de créer la rencontre avec les gens, et entre les gens », ajoute-t-il en souriant.
Et des rencontres, il y en aura, tout au long du festival Hip OP Session, mais surtout au fil du projet Entrez dans le cercle. Franco se produira du 16 au 19 février au TNT avec le spectacle Seul à sol, mais animera aussi des ateliers de danse dans le quartier Malakoff jusqu’au mois de juin. Objectif ? Transmettre les techniques de danse mais aussi les valeurs de partage et d’ouverture du hip-hop.
Le but du jeu, pour le projet Entrez dans le cercle, c’est de « susciter la curiosité et de mobiliser les jeunes comme les moins jeunes du quartier autour de la danse », affirme Pierrick Vially de Pick Up Production, qui organise le projet en partenariat avec la ville de Nantes et les associations du quartier Malakoff. « Au programme, il y a des spectacles, des ateliers et des battles de danse. Enfin, la restitution de la création aura lieu le 9 juillet. Ce sera une déambulation dans tout le quartier, avec une fanfare et des danseurs. » Le quartier Malakoff n’a pas fini de groover.
Deux festivals pour Breil-Dervallières
Un hasard, donc, si le Hip OP Session et le Festival des projets concordent en 2016 ? Pas vraiment. « Hip OP Session permet de mettre un peu plus en avant les projets des jeunes, et de toucher plus de monde. C’est une bonne locomotive », explique Jude Courcoul, chargé de mission jeunesse pour les quartiers Breil-Dervallières. Si l’association du festival des projets avec le Hip OP Session semble naturelle à Jude Courcoul, c’est aussi parce que « la culture est un levier pour faire avancer les jeunes. Et comme le sport, la culture hip-hop passionne beaucoup de jeunes ». Même avis du côté de Pick Up Production. « Être présents sur les quartiers, c’est aussi l’occasion de faire se déplacer les jeunes sur d’autres événements, et de se familiariser avec d’autres lieux culturels », souligne Pierrick Vially.
Historiquement, les Dervallières, c'est un lieu de hip-hop
Et il y a aussi l’histoire du quartier Dervallières qui est liée avec le hip-hop nantais, comme le rappelle Gweltaz Lamour, animateur et responsable de la salle de spectacle de la Maison de Quartier des Dervallières : « Historiquement, les Dervallières, c’est un lieu de hip-hop. Il y a eu des groupes dans les années 90, la création de l’association de promotion de la culture hip-hop, RapACité, qui s’est arrêtée depuis... Aujourd’hui tout ça est un peu tombé à plat, même si il y a l’association Résilience qui redonne vie à toute cette culture hip-hop. »
Et puis cela faisait cinq ans que le festival Hip OP Session n’était pas venu aux Dervallières. « Le Festival des projets est un bon moyen pour recréer un lien avec les acteurs du quartier » confirme Pierrick Vially. Un lien entre le festival et les quartiers qui paraît nécessaire pour Gweltaz Lamour : « C’est important de faire accéder à la culture les gens qui en sont le plus éloignés. Après, notre objectif ici, c’est surtout de développer l’humain. Pour nous la culture n’est pas une fin en soi, mais un outil de sociabilisation. Et pour cela, il faut plus qu’un événement ponctuel. » Ce qui semble aussi être l’objectif chez Pick Up. « Bien sûr qu’on a envie de développer des projets avec les quartiers nantais. On est toujours content d’y remettre les pieds », déclare Nico Reverdito, le directeur du festival.
Et ce Festival des projets, qu’est ce que c’est ? Ce sont les projets CLAP (Comité local d’aides aux projets des jeunes), qui ont démarré il y a trois ans sous l’impulsion de la ville de Nantes. Avec un succès...inexistant au départ, puisque la première année, aucun projet n’avait vu le jour. L’année dernière, 15 projets ont été menés.
L’initiative est proposée aux jeunes de 16 à 25 ans qui souhaitent réaliser un projet, dans quelque domaine que ce soit (sportif, culturel, citoyen), avec l’accompagnement des acteurs associatifs de leur quartier. Cette année, à #breivderv (Breil-Dervallières), ce sont 11 projets qui ont vu le jour et ont été mis en œuvre par une quarantaine de jeunes.
Parmi les associations locales qui ont mis la main à la pâte, il y a l’association Dclic. Davis Moukala explique pourquoi l’association a choisi de soutenir ces jeunes :
« L’objectif, c’est que les jeunes de plus de 16 ans deviennent acteurs et s’ouvrent à leur quartier », développe Jude Courcoul. Mais pas seulement. Le festival est aussi l’occasion de s’ouvrir au monde, quand on voit la variété des projets. « Il n’y a pas de petits projets », continue Jude Courcoul. « Ça va de l’organisation d’un tournoi de foot en parallèle à l’Euro 2016 à l’édition d’un EP de rap, en passant par un voyage au Maroc pour mieux comprendre le printemps arabe... ». Un vaste panel de projets, en effet. Qui seront tous présentés lors de la soirée du 25 février à la Maison de Quartier des Dervallières, avant le concert de TLF dans le cadre du festival Hip OP Session.
De la zumba à un tournoi de foot
Tous les porteurs de projets seront présents à la maison de quartier des Dervallières. Parmi eux, il y aura Sarah. À 16 ans, la jeune fille a eu l’idée de monter un projet autour de la zumba. « Je fais de la danse depuis que je suis toute petite, et de la zumba depuis 2 ans. Dans le cadre de mon Bac S à l’Externat des Enfants Nantais, je devais soit organiser un événement sportif, soit donner des cours aux jeunes. J’ai choisi de faire les deux ! » Avec le Festival des Projets, Sarah organise six cours de zumba à la Maison de Quartier des Dervallières pour les jeunes de 15 à 18 ans. Et le samedi 16 avril, elle finira avec une zumba géante au parc de Procé gratuite et ouverte à tous. « C’est une invitation à venir s’éclater et faire du sport en même temps ! », glisse-t-elle en riant.
Aujourd’hui, le projet de Sarah suit son cours : un shooting photo pour l’affiche avec la professeure de zumba, Karlyne Le Gall-Kervadec, mais aussi un tournage de tutoriels vidéos pour ceux qui ne pourraient pas assister aux cours et qui aimeraient venir à la zumba géante. Ce qu’elle retient de cette expérience ? « J’ai appris à organiser un événement de A à Z et à contacter les partenaires comme l’association Les Deux Rives ou la Maison de Quartier des Dervallières. » Elle réfléchit un instant. « Et puis ça m’a donné plus confiance en moi. Malgré le contexte de la crise, on peut créer tout ce qu’on veut, si on travaille et qu’on s’en donne les moyens », conclut-elle avec sincérité en esquissant un sourire.
Eux, leur projet, ce n’est pas pour tout de suite. Mais ils vont bientôt chausser les crampons. John Efoya-Bongolé et Florian Nagry sont des amis d’enfance et des joueurs de foot. Alors le projet qu’ils préparent tous les deux est venu naturellement. « On a vraiment à cœur d’organiser un événement sportif dans le quartier, car le foot y est une partie importante de la culture. » Et John d’expliquer : « Notre projet, c’est d’organiser un tournoi de foot aux Dervallières, pour les jeunes de 11 à 13 ans. » En partenariat avec l’ACSD (Association Culturelle et Sportive des Dervallières), et soutenu par les associations Résilience et DClic, le tournoi de foot aura lieu au gymnase des Dervallières le dimanche 29 mai. Si le jour J paraît loin, les grandes lignes de l’événement sont déjà là. « Pour les phases éliminatoires, les matches auront lieu sur le terrain synthétique. Et pour les phases finales, ce sera dans le gymnase, ça mettra de l’ambiance », développe John.
La cerise sur le gâteau ? « On compte inviter des joueurs du quartier qui ont réussi pour participer. Ils seraient là pour coacher les équipes, mais surtout pour raconter leurs parcours et échanger avec les jeunes. On aimerait bien faire venir Jean-Charles Behlow, Anthony Walongwa, Chaker Alhadhur... » Des têtes d’affiches qui font envie. Et lorsqu’il évoque ces noms, John a le sourire. Pour les deux compères, le but du jeu est aussi de délivrer un message aux jeunes du quartier. « Le message principal du tournoi, c’est le respect. Mais c’est aussi l’occasion pour les jeunes de prendre en exemple les grands frères qui ont réussi, que ce soit dans le foot ou autre chose. » Pour John, ce projet est aussi une forme d’épanouissement personnel. « Avant, je restais dans ma bulle. J’ai compris qu’il faut être ouvert, et pas seulement rester dans son univers. Il faut vouloir aller vers les autres ! »
Le Festival des projets, ce n’est pas que du sport. C’est aussi de la musique, et notamment du rap et de la danse, comme avec le groupe L.I.A, qui organise un voyage professionnel à La Place, un centre culturel dédié à la culture hip-hop qui vient d’ouvrir ses portes dans le quartier des Halles à Paris. En attendant de partir, les trois compères se produiront le 25 février en première partie du concert de TLF organisé à la Maison de quartier des Dervallières dans le cadre d’Hip OP Session.
Tous les publics connaissent et peuvent désormais apprécier le rap, le graff, le deejaying et la danse. Et si l’on reconnaît que le hip-hop a sa place dans le paysage culturel de toute l’agglomération nantaise, il n’en oublie pas pour autant ses origines. Il est donc naturel qu’il ait sa place aux quartiers.
Texte : Marie Jousseaume
Photos : David Gallard / Pierre Pigeault
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