Quatorze films au Katorza
Rencontre avec le réalisateur nantais Smaïl Moustafy
Quatorze films ont été diffusés le 16 mai dernier au cinéma le Katorza à Nantes par Jolis Mômes Production. Fidèle à son engagement, Jolis Mômes Production accompagne des réalisateurs amateurs de la conception à la diffusion jusqu’au jour J de l’événement. Le résultat est stupéfiant, un sans-faute pour cette avant-première.
Cette réussite humaine vient de la logique d’un réalisateur, Smaïl Moustafy, initiateur du projet. Découverte indissociable de l’univers Jolis Mômes production et de Smaïl Moustafy.
Jolis mômes expérience
Depuis quatre ans, le mythique cinéma le Katorza projette une fois par an sur grand écran les courts métrages des productions Jolis Mômes. Cette année, il s’agissait de quatorze films tels que des clips, courts métrages, fausses pubs. La ligne directrice de Jolis Mômes se résume à accompagner des réalisateurs amateurs ou expérimentés amoureux du cinéma pour s’essayer à la réalisation cinématographique. Smaïl Moustafy, réalisateur, est l’homme qui ouvre la porte à cette opportunité. Il explique ses raisons : « tu as envie de réaliser des films ou envie qu’on parle de toi mais tu ne sais pas comment faire ? On lui dit : "viens avec nous et on va t’aider" ». Le concept est de produire des films sans thématique imposée pour raconter, dénoncer, distraire, apprendre. L’envie et l’univers du réalisateur sont respectés.
Quand les croisements des vies se font et que les talents s’expriment sans compétition, Jolis Mômes prend le parti de peu communiquer sur les réseaux sociaux. « Le public ne sait pas ce qu’il va voir. On donne juste la date et le lieu du rendez-vous », explique Smaïl Moustafy.
La réalisation, un engagement
Tout a commencé à Bellevue, dans un quartier populaire de Nantes. Début 2000, alors que la tendance est à la quête de la moindre image des quartiers en détresse pour alimenter les médias et les fantasmes de certains, Smaïl Moustafy, réalisateur, navigue à contre-courant en préparant son projet Jolis Mômes. Et, ainsi il va permettre à des amateurs passionnés de réaliser des films, et cela malgré les conditions sociales précaires liées au manque d’argent. Mais seule l’énergie humaine est le moteur de la passion du cinéma. Avec l’aide de sa bande de copains, Smaïl Moustafy crée un court métrage appelé Les Quais de la mémoire, dont découlera l’association portant le même nom.
Amateur, c'est aimer, tout simplement
Le mot d’ordre est l’accessibilité pour tous ceux souhaitant se réaliser par le cinéma. Smaïl Moustafy se confie : « j’ai réalisé une quinzaine de films à mon actif mais le film que je mettrais en avant, c’est La Maille. C’est le projet le plus fou. J’ai eu des difficultés à convaincre les financeurs : parce que quartier, parce que clichés. Alors que les quartiers sont remplis de talents. Et on avait tellement la niaque qu’on s’en moquait que le film plaise. C’est celui dont je suis le plus fier ». Les amateurs ne mesurent pas les risques, lui-même se revendiquant amateur. « Amateur, c’est aimer, tout simplement ». Et seuls les techniciens sont rémunérés pour le tournage. « On les sélectionne sur deux critères : avoir fait du bénévolat dans les quartiers et être compétents », ajoute-t-il.
Son engagement passe par la vidéo. « Si le film ne raconte rien, cela ne sert à rien de le faire. Un film doit passer sur le grand écran. Le cinéma est la maison du film ». Profondément de gauche, Smaïl Moustafy ne croit « à aucun parti mais aux gens. Dans plusieurs projets de films, on a dénoncé certaines injustices et dysfonctionnements. Je me fais entendre grâce à du concret (..) Jean-marc Ayrault, ancien Maire de Nantes a assisté aux précédentes avants-Premières ; il a toujours été ouvert aux débats. Et à Nantes, tu peux t’exprimer et échanger ».
Détecteur de talents
La personnalité joue beaucoup. Ton vécu donne ta personnalité
« La personnalité joue beaucoup. Ton vécu donne ta personnalité », observe Smaïl Moustafy. Parmi certaines de ses rencontres singulières les plus marquantes, il y a celle avec Nama Keita, réalisatrice. Smaïl Moustafy se souvient : « Elle a débarqué dans nos locaux, elle m’a à moitié braqué en clamant : "comment on fait des films dans cette ville ?" Elle dénonçait les barrages auxquels elle avait à faire face. Ses propos s’avéraient pertinents et justes. Et c’est ce qui m’a fait "kiffer" direct. Elle avait un scénario mais n’avait jamais réalisé de film. J’ai pris le temps de lire son scénario intitulé "Jusqu’au bout de mes rêves". C’est l’histoire d’une fille qui poursuit ses rêves d’être un jour comédienne. Depuis, elle l’a réalisé et sa trajectoire a changé ». À ce jour, elle a fait des études de cinéma et réalise des films. Quant à Nina Kibuanda, poète slameur : « j’avais déjà assisté à ses représentations. Mais c’est à l’évènement l’Apéro Slam, culture pour tous, à l’Insula Café, que la connexion s’est faite. Aussi, j’ai rencontré plein d’autres artistes ». Enfin, le plus abouti dans son projet de cinéma, Salim Boujtita, réalisateur, ne laisse pas indifférent. Smaïl Moustafy le décrit : « comme un chien fou, il avait faim et calculait tout : le scénario, la lumière avec tel machin. Et surtout, il est très curieux de ce qui se fait ailleurs. Il m’a fait découvrir plein de films : danois, américains ». Ces rencontres permettent à Smaïl Moustafy de rester à la page.
L’un des réalisateurs jolis mômes : Salim Boujtita
Natif de Nantes, Salim Boujtita, réalisateur de 22 ans, a réalisé plusieurs reportages et clips pour des artistes tels que le groupe de breakdance KLP, AL-K13, Androma ou encore Dtwice. C’est son dernier clip, Bright Light, du groupe Dtwice, en collaboration avec Antonin Naïm Atger, qui a été choisi pour l’avant-première de Jolis Mômes. Le clip Bright Light est composé d’une histoire rythmée par de belles images tout en apportant une atmosphère fantastique, onirique, s’inspirant de l’univers du réalisateur David Lynch.
Je me suis beaucoup cassé la tête avec la manipulation des ordinateurs et les caméras pour avoir le meilleur rendu
Le clip a été tourné en novembre en un week-end. Par contre, le scénario a demandé plus de temps. « Antonin Naïm Atger avait écrit une première version du scénario en septembre. Et par la suite, on l’a travaillé pour faire quelque chose de plus léger ». Le clip est idyllique mais sans toutefois enlever la réalité d’un accident. « C’est une fille qui est en train de mourir. Elle commence à délirer. On est dans les pensées de la fille : ses rêves sont représentés par les images en couleurs et le noir et blanc par celles de la réalité. Mais chacun est libre de son interprétation », explique Salim Boujtita. Un travail de qualité qui demande de la technicité mais qui s’acquiert par la pratique. « Je me suis beaucoup cassé la tête avec la manipulation des ordinateurs et les caméras pour avoir le meilleur rendu », confirme Salim Boujtita. Toujours dans la même ligne directrice, il se projette, avec l’ambition de réaliser des clips scénarisés.
Actuellement à Paris où il suit des cours de cinéma, il réagit sur son éventuel retour à Nantes : « mon objectif est de percer à Paris. C’est vraiment l’endroit où on retrouve des opportunités de projets et une multitude de boîtes de production. En fait, cela dépendra quelles portes s’ouvriront et quelles portes se fermeront, dans 3 ans ». Toutefois, il poursuit en parallèle sa collaboration avec Jolis Mômes qui continue à le soutenir, notamment sur le plan financier. Il est en plein montage de clip pour les artistes Scheeba et Djela pour le festival SPOT du 13 au 15 juin, organisé par la ville de Nantes. « Jolis Mômes m’a fait connaître depuis le début », précise-t-il. Tout en continuant sa quête pour travailler dans le monde du cinéma, il garde en tête qu’« enfant, avec mon cousin Antonin Naïm Atger, on s’imaginait réaliser des films, mais comme un rêve inaccessible ».
Nina Dia
Crédits photos : Alice Godeau, Lassad ,Thierry Mezerette, Raphael Fortin
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