En concert à Nantes en première partie d’Afu-ra
La Jonction, rap multiculturel
Le 28 mars au Ferrailleur à Nantes, La Jonction, groupe de rap d’origine lilloise, est venu défendre son dernier projet, l’album Le Point sur le J, déjà sorti en 2013. L’organisateur de la soirée, Sound’Action Prod, a invité La Jonction en première partie de l’artiste Afu-ra. Le temps d’un concert, le groupe a présenté un hip-hop à la fois fun et adulte. Et, en MC inspiré, Skizo Gonzo, rappeur connu de la scène régionale a animé la soirée hip-hop à la nantaise. Rencontre.
Œuvrant depuis plus de 10 ans, La Jonction s’est forgé un réseau en béton dans le milieu underground du rap français. Avec une alchimie fraternelle, la connexion entre ses membres (Ywill, Prince, Saknes, Oprim, et Jocker le dj) est claire et sans détour. Tous prônent un hip-hop adulte touchant une large palette de thématiques, mais sans toutefois s’éloigner de l’une des valeurs du hip-hop : l’unité.
La sincérité des membres de La Jonction leur a permis de multiplier les concerts, festivals, assurant les premières parties de Kool Shen, Adl-al-Malik, ou encore Sniper, Sinik, Scred Connexion, etc. « On se fait souvent inviter par des réseaux militants de par notre discours. On n’est pas de cette politique partisane : on ne se revendique ni de gauche ni de droite. Nous, la politique, elle prend son sens au quotidien dans notre manière de se comporter avec nos proches et dans nos actions. Aujourd’hui, rien que le fait d’assumer d’où tu viens, qui tu es, et de le revendiquer haut et fort dans un micro, cela a un sens et une portée politique. La politique se retrouve au quotidien dans les ateliers d’écriture ou lors d’une prise de parole en plein concert devant un public à l’écoute », analyse Saknes.
Du rap humain au rap engagé
« On fait du rap humain pour tous les gens qui se reconnaissent. On n’est pas des porte-parole. C’est un grand mot. Il n’y a pas de porte-parole dans le rap. Même si à l’époque, NTM, l’un des premiers groupes médiatisés, était dans les premiers à s’exprimer légitimement comme le porte-parole d’une génération », explique Oprim. Pour autant, La Jonction est un groupe composé d’une bande de potes portés par une passion commune que constituent le rap et la scène. Un vecteur qui leur permet de transmettre des messages à la place de ceux qui n’osent pas prendre la parole.
On n'est pas des porte-parole. C'est un grand mot. Il n'y a pas de porte-parole dans le rap.
« On va pas trop dans le rap délire bling-bling, ajoute Ywill. On attache de l’importance au texte. Les thématiques vont toucher à la vie au sens large : on parle de ce que l’on vit, de ce que nos amis et nos proches vivent et de ce qu’on voit au quotidien. Après, cela peut être introspectif comme cela peut être un constat sur ce qui se passe sur notre quartier, dans notre ville, dans notre pays, dans le monde. On est aussi portés sur l’ego trip, mais alors pas en mode bling-bling. On essaye de joindre le fond et la forme. L’adéquation entre le contenu et ce qu’on doit raconter tout en alliant les jeux de mots. On essaye vraiment de trouver le juste milieu et je pense que c’est ce qui définit La Jonction. »
Oprim poursuit : « Il faut savoir qu’on est un groupe qui a débuté avant Internet. À l’époque, on allait dans les magasins spécialisés pour avoir la face B et rapper dessus. On utilisait les vinyles d’Afu-ra ou d’autres rappeurs américains sur lesquels on posait nos morceaux. On n’avait pas encore nos propres sons ! On a commencé par le son, contrairement aux nouvelles générations qui ont accès aux ateliers d’écriture. C’est quelque chose qui s’est démocratisé. On est autodidactes. »
« On a grandi avec l’âge d’or du rap français, poursuit Prince, où tout le monde faisait des efforts : il y avait des innovateurs talentueux de flow, de la technique, des punchlines alliant le fond et la forme (...). J’ai des choses à dire étant Africain d’origine rwandaise et sénégalaise (...) Franchement, il faut le dire, à l’origine, ceux qui ont fait le rap, c’étaient les noirs et les Arabes, mais aussi les blancs qui ont du vécu. Là je ne vois vraiment aucune différence et c’est ce qui se passe au sein de notre propre groupe. On traite les mêmes sujets, mais de façons différentes. On ne parlera pas du même vécu et des mêmes histoires. Je pense aux noirs qui ont vécu l’esclavagisme et à mon éducation où on m’expliquait qu’il fallait faire plus d’efforts qu’un blanc. »
L’ancrage à la rue
Il y a pas mal de gens qui prônent ce côté quartier ou cité, et qui n'y sont pas forcément nés
On retrouve les références à l’ancrage à la rue dans le rap de La Jonction. « On n’oubliera pas, mais on en fera jamais notre business. Il y a beaucoup de groupes qui portent leur business un peu là-dessus. Il y a une phrase que je dis : “Je me barre du ghetto”, mais ce n’est pas mon fonds de commerce. Personne ne souhaite y mourir, surtout ceux qui y naissent. Il y a pas mal de gens qui prônent ce côté quartier ou cité, qui n’y sont pas forcément nés et qui aujourd’hui en font tout un commerce. Cela pourrit l’esprit des gens. On relativise tous le fait d’avoir un toit sur la tête », observe Oprim. « On assume le côté nord de France, et on le représente, car ce sont nos racines, mais on essaye d’élargir le message à tout le monde », ajoute Saknes.
Dj Joker, issu de la génération 1980, l’un des pionniers de la Zulu Nation belge apporte à La Jonction sa culture musicale : soul, funk, new jack, RnB... « La rencontre avec La Jonction, c’est un coup d’affinités. Ils m’ont demandé un coup de main un jour, les choses se sont enchaînées sans obligation, sans forcer, naturellement. On se voyait dans des concerts et événements différents, et comme je travaille au feeling : c’est ma base de travail. Je les vois comme des amis, pas comme un simple groupe. »
Texte Nina Dia
Photos : Nina Dia et La Jonction
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