
Zenzile se fout des conventions...
...au festival Scopitone
Le Dub n’a plus à faire sa place dans la scène musicale française et musicale tout court d’ailleurs, Zenzile l’a prouvé à Scopitone avec leur dernier album Modus Vivendi qui met tout le monde d’accord. Entre les voix planantes de Jamika et Sir Jean Gomis, le groupe nous emporte dans son dub-raggae-rock-et-qu on-peut-continuer-encore-lontemps comme-ça-à -poser des-étiquettes...Entre les violons de Vincent Segal et leur façon unique d’expérimenter chaque nouveau son, Zenzile se foue des conventions et fait de Modus Vivendi une nouvelle claque instrumentale !
Lorsque j’arrive enfin au coin presse, tous les journalistes sont déjà agrippés sur eux ! Raggy me fait signe que je pourrai faire l’interview juste après...Malgré la faim et la fatigue, ils prennent le temps de répondre à mes questions...Non-contents de faire de la bonne musique, ils sont en plus très sympas... C’est désespérant !
Fragil : Tout le monde parle de perfection pour ce dernier album, quelles sont vos principales évolutions par rapport au dernier et à vos débuts ? Zenzile : On joue mieux ! On a une meilleure approche du travail de notre musique en général. On synthétise mieux comment faire un morceau, comment le mixer...Au départ, on avait tendance à faire ça de manière un peu empirique quand on avait 32 pistes à remplir. Maintenant on essaie d’enregistrer des trucs plus proches de la version finale mais on s’autorise toujours à délirer dessus. On dégage un savoir-faire à force de faire, c’est plus abouti, plus consensuel...
Fragil : Le dub est un terrain d’expérimentation, est-ce que vous vous posez quand même des limites ? Y-a-t-il des terrains que vous ne voulez pas explorer ?
Zenzile : (Rires)La variété française ! Et le Zouk ! Quoique, quoique...Sur le prochain album, du copié-collé, coupé-décalé ! C’est vrai qu’on se donne pas de limites. Comme on dit, on expérimente, après, c’est dans les goûts, dans la manière de faire. Je pense qu’on boit tous à la même source !
Fragil : Votre renommée n’est plus à faire, comment se passent les démarches pour les concerts ? On vient vous chercher maintenant ?
Zenzile : Les deux. Notre tourneur a moins de mal à nous classer même s’il a toujours le travail en début de tournée de viser certains buts ; On joue dans telle région donc on va plutôt faire telle ville, etc, etc...C’est vrai que maintenant par rapport aux débuts, on a plus le problème de dire : on est un groupe de dub, on fait de l’instrumental, y’a pas de chanteur...Les gens savent ce que c’est et effectivement, on nous appelle plus.
Fragil :Le coordinateur du label Jarring Effect a dit : « Le terme dub est en train de se galvauder de la même manière que le nom techno au début des années 90 est devenu un générique fourre-tout, englobant tous les styles de musiques électroniques. » Vous partagez cet opinion ?
Zenzile : Des fois, je peux être d’accord avec lui. Y’a des groupes qui ont l’étiquette dub parce que c’est pratique. Les médias ont réussi à faire passer ce nouveau terme donc maintenant ils s’en servent, donc même pour des groupes qui ont du mal à y venir, on peut l’utiliser en fait. Ca devient comme le Trip Hop. Le Trip Hop pour moi, c’est Massive Attack, des choses qui ressemblent à du hip-hop mais en plus lent, plus dark...presque de la musique de film, un peu plus enfumée... Le problème avec le dub, c’est qu’à la base, c’est un genre fermé, qu’est la face B jamaïquaine, vraiment très liée au reggae. Les anglais, ils en ont fait quelque chose et sur la scène française, ce qui nous a branché là-dedans, c’est le mélange énergie des punks, petits blancs avec l’énergie des raggaeman plus la vision Dub, le côté expérimental. Donc c’est ces trois choses-là ! C’est pour ça qu’ maintenant, on dit qu’on est rock, mais on s’en fout, on « dub » un peu de rock etc...De toutes façons, ce qu’on préfère, c’est être reconnu en tant que Zenzile pour notre son, notre manière de composer... C’est ça l’essentiel et depuis le début. L’étiquette Dub, oui, on l’a eu parce que ça nous branchait à un moment d’aller faire les petits rats de laboratoire et de dubber. Mais j’ pense qu’y’a des groupes qui correspondent plus à cette définition-là. Maintenant, on l’a fait aussi au début mais dans notre évolution, on ne peut pas rester un groupe dub super-fermé, on n’a pas envie de ça. Du dub à la jamaïcaine tout l’ temps, ça a déjà été fait avant nous.
Fragil : C’est vrai que les principaux groupes de dub, High Tone, Improvisators Dub.... ont réussi à trouver chacun leur style, leur personnalité...
Zenzile : Certains, oui. Les plus importants, je trouve, les premiers. C’est un peu dur, c’est pas que c’est mal mais après ça rappelle d’autres groupes, c’est la rançon du succès. Ca suscite aussi des vocations, ca influence des jeunes musiciens, c’est très bien. A ces jeunes musiciens de prendre leur indépendance et de marquer leur différence.
Fragil : Est-ce que vous cherchez quand même à faire passer des messages à travers la musique ?
Zenzile : Nous, personnellement, non. Le fait de choisir de faire de la musique dans la vie plus qu’autre chose, le fait de choisir de ne pas avoir forcément quelqu’un qui assène des vérités, des slogans publics, le fait d’être un groupe expérimental qui se réfère pas forcément à des dogmes et qui soit libre, ça je pense que ça dégage quelque chose ! On invite des chanteurs qui eux ont leur propre texte avec lequel on est en accord. .Jean Shô Gomis (le chanteur de Mei Tei Schô, ndrl)ou Jamika qui a des paroles qui peuvent être relativement engagées (sur le morceau Up is a long way to go, ndrl). Nous, on veut faire de la musique, si dans cette musique-là, y’a la place pour telle ou telle idée, très bien mais c’est pas le plus important.
Fragil : Quelles ont été les réactions du public face à votre musique, notamment aux débuts ?
Zenzile : Vraiment au début, y’a des gens qui restaient assis pendant tout le concert et qui attendaient le chanteur. Mais on a commencé à tourner au moment où il commençait à y avoir des live machine un peu dans les salles de concerts en France donc y’a eu une période où les gens avaient pas trop l’habitude de ce genre de performance. Quand on a commencé à développer notre musique, y’a des gens qu’arrivaient avec des machines et qui faisaient un live donc assez rapidement les gens ont commencé à arrêter de se poser des questions et ont réagi à la musique directement sans se poser de questions et sans chercher à coller des étiquettes ou attendre un chanteur !
Fragil : On parle beaucoup de « violence contenue », de « rage rentrée » pour ce dernier album, vous avez voulu créer une tension ?
Zenzile : C’est pas calculé, y’avait 22 morceaux, on en sort 11 parce que ça fait parti de nous, c’est une de nos facettes...Et tu vois, ça c’est beaucoup plus honnête par la musique parce que tu laisse passer des choses, t’es une éponge .C’est pas pareil quand t’écris un texte. Un chanteur peut avoir cette démarche : bon là, je vais écrire tous les malheurs du monde, il ouvre un canard et tout...Ton activité intellectuelle et ta démarche sont complètement différentes. Les chanteurs, les artistes qui parlent peu, ils parlent de ce qu’ils connaissent et ils ne jouent pas les démagos à parler de ce qu’ils ne vivent pas. Quand un mec habite à Beverly Hills et te parle de la misère dans le monde, ce n’est pas crédible.
Fragil : Vous avez déjà des idées, des plans pour votre prochain album ?
Zenzile : On aura toujours envie de faire des rencontres, on les fait sur la route ou à côté de chez nous avec les musiciens comme avec l’accordéoniste qu’est sur le disque...On commence à réfléchir mais y’a rien de concret.
Fragil : C’est quoi la suite maintenant ?
Zenzile : Cet été, on fait une quinzaine de dates. A l’automne, on va faire une tournée de 10 dates avec High Tone plus quelques dates sporadiques à côté. Pendant ce temps-là, on va continuer à produire des choses, un maxi avec High Tone qui s’appelera Zentone à priori.
Fragil : Une dernière question, c’est la tradition :Y a t il une question que j’ai oublié ou qu’on vous pose jamais et que vous aimeriez qu’on vous pose ?
Zenzile : (Réflexion) Euh non, ce serait des choses perso et y’a quand même une distance...(Rires) On se connaît pas assez encore ! « Alors, comment tu vas ? » « Qu’est-ce que tu as mangé c’matin ? »(Rires) Par contre, on peut retourner la question : « Est-ce qu’il y a des questions que vous ne voulez plus jamais qu’on vous pose ? » Genre, « Ben on va faire un petit historique du groupe ! » On ne sait pas ce qu’on veut mais on sait ce qu’on veut pas ! (Rires)
Propos recueillis par Sabrina Rousseau.
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