
FOCUS
Ces Artistes débutants aux allures de futurs grands
Francofolies 2011
Les années se sont écoulées, les plaisirs sonores ont évolué. Certains artistes sont encore-là , sur la même scène. D’autres absents, envolés au paradis de la chanson française ou oubliés à jamais. Puis il y a ces petits nouveaux, aux charmes singuliers, qui débarquent en terres rochelaises pour la première fois. Ici, par goà »t de la nouveauté, nous allons vous exposer ces petits débutants aux allures de futurs grands. Des artistes de tous bords, français puisant leurs inspirations dans un ailleurs territorial, musical, onirique. Des artistes riches en émotions, comme les Francofolies savent si bien les dénicher.
Frànçois and the Atlas Mountains, la science des rêves
Frànçois and the Atlas Mountains a remporté, cette année, le prix Premières Francos de l’Adami, et lorsqu’on les croise enfin, après 4 jours de festival, sur la scène du Quai Valin, on se dit que la récompense est amplement méritée. Composés de quatre garçons dans le vent, menés (naturellement) par Frànçois, jeune rochelais exilé à Bristol, Frànçois and the Atlas Mountains apparaît comme le séduisant extraterrestre de la belle et talentueuse bande du Chantier des Francos [1]. Avec ses chansons oniriques et ses rythmes entêtants, Frànçois et ses comparses sillonnent une terre mystérieuse. Cette terre musicale a certainement connu d’autres aventuriers bien particuliers, un Dominique A par exemple pour la poésie imagée, et un Pierre Vassiliu pour le côté inclassable des chansonnettes. Frànçois et les siens explorent un songwriting épuré (« Be Water »), expérimentent les sonorités avec des percussions aux tonalités orientales et une guitare électrique sereine (« Piscine »). On plonge dans cet univers chimérique sans hésiter, parce qu’il est rare et par conséquent précieux. Infiniment gracieux dans un monde qui n’en connait plus la définition. À noter que leur premier album E Volo Love sortira début octobre chez le prestigieux label britannique Domino.
Myspace de Frànçois and the Atlas Mountains
June & Lula sur la route du folk
Quand June & Lula s’avancent sur scène en toute discrétion, on pense naturellement à un énième groupe dit « folk », plaisant mais en rien exceptionnel. On abandonnera vite notre méfiance en cours de route. La route en question c’est bien celle du folk, mais elle est traversée par tout ce qui fonde la musique américaine, un air de country par ici, un clin d’œil au blues par là. June & Lula semblent s’être évadées du célèbre film des frères Coen, O’Brother. La candeur de leur jeune âge les mène sur la route cabossée d’une Amérique oubliée. Joli duo surprenant, aussi bien dans ses textes espiègles en anglais que dans leurs voix jouvencelles où surgit la parole d’une musique fondatrice du mythe américain. Sur scène, leur complicité éclate, brise une timidité attendrissante pour ne retenir que la beauté du concept : deux voix et une guitare. La simplicité pour un résultat stupéfiant : des Thelma et Louise du folk on the road again oscillant, avec un naturel déconcertant, entre des mélodies joyeuses (« My Girl ») et des ballades poignantes (« Feeling you’re falling »).
Lamarca, l’étreinte poétique d’un garçon sauvage
Un mot suffit pour définir Lamarca : charismatique. Charisme à l’état brut, poète à l’état pur, il ne faudra que quelques secondes pour justifier son joli surnom de « little Rimbaud ». Animé par des textes efficaces, drogué à une guitare énervée, le jeune homme embarque toute la salle de La Coursive dans son monde où chaque tranche de vie est propice à une création fougueuse. Histoire d’amour, de sexe, de famille, Lamarca aligne les mots sur lequel un rock fiévreux s’emballe pour finir par nous emballer ! De tous les concerts vus à la Coursive, celui de Lamarca fut certainement l’un des plus intenses, l’un des mieux partagés avec le public. Car derrière l’œil charmeur et la touche romantique, il y a chez Lamarca ce qui manque cruellement à d’autres artistes : l’étreinte poétique avec l’assistance, le Graal de la musique. Les mélodies rock désarmantes se sont succédées pour créer une harmonie frissonnante, ultra-sensible. Le dialogue ne s’est jamais interrompu. L’artiste a exigé de son public un amour, un engouement enivrant, et le public a suivi, s’est noyé dans le rock romantique comme rarement il ose le faire. Garçon sauvage auquel il est impossible de résister, Lamarca est sûrement le genre d’artiste à écouter en boucle... et à voir impérativement en concert.
La Féline, « le beau est toujours bizarre »
Dans la pénombre du théâtre de la Coursive, la voix de La Féline surgit seule, subjuguant, glaçant toute l’assistance avec « Woolf and Wheel » a capella. Le chant est beau, une beauté hors-norme, comme celle si chère à Baudelaire. En quelques secondes, en l’espace d’un titre, l’ambiance est fixée par la voix énigmatique d’Agnès, silhouette sculpturale échappée d’un conte fantastique, chanteuse de La Féline. Pendant près de 40 minutes, le public plane dans un univers irréel, entre ciel et terre, entre une pop faussement innocente et une new wave revisitée. Alliant synthés vintage inquiétants et voix vaporeuses, ce trio efficace anesthésie les sens, transporte les âmes à mille lieux de la réalité, dans une contrée perdue, un paysage lynchien où l’anxiété et l’élégance guettent à chaque recoin. Cinématographique, le groupe a emprunté son nom à un film de Jacques Tourneur qui a révolutionné le cinéma dit « fantastique », La Féline se conçoit aussi comme littéraire dans sa manière d’enchaîner ses chansons. Chacune d’entre elles semble former un chapitre d’un conte fantastique, neuf et inspiré.
Cyril Mokaiesh, du rouge et des passions
Cyril Mokaiesh c’est l’artiste dont on n’arrive pas à prononcer le nom à en croire les deux soixantenaires assises au premier rang. Elles sont venues pour lui, pour sa prose idéaliste et son lyrisme époustouflant. « Je suis communiste, à ce qu’il paraît, rien d’héroïque oui mais, ça fait pas chic ! » clame t-il le drapeau rouge à la main dans son clip. Le drapeau rouge fait acte de présence sur la scène de La Coursive, il rappelle la chanson française d’antan, engagée, ancrée dans son époque, inspirée par ce regard perspicace sur la vie. La verve de Cyril Mokaiesh incite à « aller voir où ça mène », suggère la colère saine, le romantisme exalté et puis ce poing levé, solitaire et sincère, contre le manège d’un monde qui ne tourne plus rond. La voix grondante du jeune artiste de 24 ans fait naître en nous des émotions frissonnantes comme le fit certainement jadis pour nos aïeuls la voix inspirée d’un Léo Ferré. Sur scène, Cyril Mokaiesh n’a étrangement pas besoin de disserter avec son public entre les chansons, car ses chansons sont des dissertations à elles seules sur l’époque, celle qui « mondialise l’injustice », « cocoone le patronat » et « ratiboise la culture pour te ramollir toi qui taffes dur ». Ces mots chargés de violence poétisent la rébellion et réveillent les consciences... comme le firent à une certaine époque ceux de Bertrand Cantat.
Giedré, enchanteresse aux divines questions
Giedré c’est un joli mensonge sur la marchandise, une adorable fille venue nous rappeler que l’habit ne fait jamais le moine. Lorsque cette coquette demoiselle entre sur la scène du quai Valin, avec son look de touchante Candy guitare à la main, le public s’attend à une énième enchanteresse venue murmurer des odes folk. Mais la chanteuse d’origine lituanienne a prévu un tout autre programme pour son auditoire. Elle a une tonne de questions pour lui. Des questions horribles et inavouables qui, pourtant en silence, hantent les esprits de chacun. Giedré chante l’ode à la contraception, l’amour par derrière et autres comptines trashy habituellement interdites au territoire de la chanson. Giédré, ravissante petite blonde, est loin d’être idiote. Son truc à elle c’est les questions de la vie (comprenez « les horreurs de la vie ») subtilement misent en mots et en mélodies par son esprit tordu. Mais au fil de ces textes surprenants, l’auditoire aura beau ricaner ou s’horrifier, il comprendra très vite que ce n’est pas elle qui déraille mais l’affreuse réalité, tout simplement. Au départ, Giedré écrivait des chansons pour s’amuser. Celles-ci la mèneront à faire la première partie d’un atypique trublion, Raphaël Mezrahi, avant d’atterrir au Chantier des Francos et de sortir son « premier CdVd ». « Non, je ne suis pas méchante, chante t-elle, c’est le monde qui est pourri. Si la vie était moins violente, je le serais aussi ».
Rover, le charme british à l’état brut
Il aura certainement fallu une bonne dose de courage à Rover pour débarquer sur la scène de Saint-Jean d’Acre entre Cocoon et The Do, devant plus de 12 000 personnes, avec pour unique compagne de route : sa fidèle guitare. L’hexagone n’aurait peut-être jamais entendu parlé de Rover, si celui-ci n’avait pas été expulsé du Liban, il y a maintenant deux ans, pour une simple affaire de Visa. Le destin poussa donc ce jeune globe-trotter à se remettre au songwriting. Rover, Timothée Régnier de son vrai nom, s’inscrit dans la lignée de ces nouveaux groupes français pour qui la langue de Shakespeare possède quelque chose de supérieure dans l’expression des sentiments à la langue de Molière. Sentiments et états d’âmes s’échappent de sa voix modulable, surprenante et envoûtante. Énigmatique avec ses lunettes noires et son look à la Brett Sinclair, Rover voue un certain culte au monde anglo-saxon. Biberonné aux grands mythes du rock, de Bowie aux Beatles, Rover a su créer pour son premier EP une esthétique rock bien à lui, capable de grands écarts aussi étranges qu’éblouissants (l’ombrageux « Aqualast »)... Capable surtout de vous transporter dans une époque où le rock était, avant tout, une affaire d’élégance.
Eloïse Trouvat
[1] Le Chantier des Francos : Depuis 1998, tout au long de l’année à La Rochelle, Les Francofolies proposent des ateliers et des résidences de travail accompagnés par des professionnels professionnels permettant d’optimiser, perfectionner et affiner le projet artistique d’un point de vue scénique. Ce projet s’adresse (gratuitement) à tous les artistes émergents de la scène francophone qui répondent aux critères artistiques du Chantier. Ils ont fait escale au Chantier : L, Cascadeur, Arnaud Fleurent-Didier, le Prince Miiaou, Emily Loizeau...
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