
20ème festival du cinéma espagnol
«  Tres dies amb la familia  » : une famille catalane dans une situation tendue
Entretien avec la réalisatrice Mar Coll
Trois jours en famille, premier film de la jeune réalisatrice Mar Coll, parle de relations familiales parfois compliquées : après la mort de son grand-père, Léa, étudiante à Toulouse, retourne à Gérone. Sa famille s’y réunit pour faire ses adieux au défunt. Léa ne les a pas vus depuis son déménagement en France. Lors de cette rencontre rejaillissent les tensions les malaises et les non-dits de la famille catalane dans laquelle la jeune étudiante a du mal à trouver sa place.
J'ai pensé que la famille était un excellent sujet pour commencer car j'avais déjà une expérience de 23 ans là-dessus. J'ai donc décidé de faire un film sur la famille
La famille, c'est à la fois un espace d'une grande intimité et un espace social
Mar Coll, ancienne étudiante à l’École Supérieure de Cinéma et d’Audiovisuel de Catalogne (ESCAC), a réalisé son premier court-métrage, La ultima polaroid, comme projet de fin d’études. Dans le cadre d’« Opera Prima », une initiative de son école, elle a pu réaliser son premier long-métrage Trois jours en famille. Pour Fragil, Mar Coll parle de la genèse de ce film, des réactions du public espagnol et de ses futurs projets.
F : Comment l’idée de faire le film Trois jours en famille est venue ?
Après avoir réalisé un premier court-métrage, je me suis dit qu’il fallait que je continue à faire du cinéma. Je savais qu’il y avait un projet à l’ESCAC, « Opéra Prima », qui donne l’opportunité aux anciens élèves de l’école de faire un premier film. Je voulais aborder un thème qui me soit proche, que je puisse connaître et traiter en profondeur. J’ai pensé que la famille était un excellent sujet pour commencer car j’avais déjà 23 ans d’expérience là-dessus, donc j’ai décidé de faire un film sur la famille. C’est comme ça que j’ai commencé à écrire le scénario de Trois jours en famille, avec l’idée d’aborder le sujet d’une façon qui ne soit pas blanche ou noire. Je voulais questionner la situation familiale sans pour autant la détruire. L’idée était plutôt de voir en quoi nous sommes attachés à la famille, et en quoi nous voulons nous détacher d’elle.
Après avoir fait le film, j’ai vu que ce n’était pas une coïncidence, que d’autres réalisateurs traitaient également de la famille dans leur premier film, par exemple Fernando Leon de Aranoa avec Familia. Je crois que c’est quelque chose de naturel, parce que si l’on veut parler de relations humaines, les relations familiales sont en quelque sorte à l’origine des autres relations. Ce sont celles qui te déterminent, qui te définissent, la famille est un peu le début de tout. Trois jours en famille a quelque chose d’un autoportrait, c’est un film personnel.
F : En quoi le film est-il autobiographique ?
Je n’aime pas dire qu’il est autobiographique parce que les personnages du film ne représentent pas ma famille. Par exemple, j’ai un frère, ma mère n’est pas française, mon père n’a pas trois frères et sœurs. Le scénario est donc inventé, c’est une fiction. Mais il est vrai que l’esprit général de la famille ressemble sans doute à l’esprit général de ma famille. C’est vrai aussi qu’il y a des détails que j’ai volés chez certaines personnes que je connais, pour les intégrer au film, et pour lui donner le réalisme et la crédibilité, pour le rendre plus vrai. Ce sont des petits détails comme, par exemple, la façon dont le père de Léa arrange les journaux sur la table, c’est quelque chose que fait mon père tous les dimanches. Mais cela ne veut pas dire que le personnage représenté dans le film est mon père.
F : Que voulez-vous transmettre au public ?
Je voulais réveiller une réflexion autour de la famille, autour des contradictions qui ont lieu au sein de celle-ci. La famille, c’est à la fois un espace d’une grande intimité et un espace complètement social. Cela veut dire que, parfois, les parents sont les derniers à qui l’on parle de ses problèmes dans la vie ; on en parle plutôt avec ses copains. Quand on a tout réglé, c’est là qu’ on le raconte à sa famille. Je voulais réfléchir aussi sur la structure patriarcale de certaines familles, sur la notion de clan et de protection des membres de la famille. C’est une structure qui est en train de disparaître.
Dans Trois jours en famille, le patriarche est mort, et le grand frère prend un peu sa place. Dans ce genre de famille, il y avait longtemps cette notion du père plutôt sévère, cette éducation fondée sur le respect, sur la morale, et pas tellement sur la fiction, ce n’était pas une éducation émotionnelle ou sentimentale. Dans la famille de Léa, l’absence de la grand-mère rend la situation encore plus forte. Cela donne ces personnages éloignés qui n’arrivent pas à communiquer. Le problème de cette situation émotionnelle fait que les personnages ne réussissent pas à s’exprimer sur les sentiments, surtout le personnage principal. Mais cette structure est en train de changer. A la fin, ce sont les trois petites-filles qui se retrouvent dans la chambre du grand-père, et qui sont un peu plus communicatives. Il y a la conversation de Léa avec son père où elle arrive à expliciter ses problèmes, à dire qu’elle ne va pas bien. Donc il y a quelque chose qui est en train de changer. Comme cette espèce de patriarcat est en train de disparaître, la famille n’est plus du tout comme avant.
F : Quelles étaient les réactions du public espagnol à Trois jours en famille ? En quoi ces réactions parviennent-elles à vous inspirer ?
En général, la réception a été très positive. C’est vrai que c’est stimulant pour écrire, comme cela donne la sensation que ton travail arrive à plaire ou à se connecter avec les gens. C’est l’objectif quand on fait un film. Mais à la fois il y a une certaine pression : maintenant, il y a une attente en Espagne pour le prochain film, donc il y a une certaine responsabilité. Mais c’est inspirateur en même temps.
F : Avez-vous déjà une idée pour votre prochain film ?
Oui, j’ai une idée, je suis en train de la développer, mais pour le moment je ne veux pas me précipiter. Je prends les choses avec calme. Je suis en train d’écrire avec la co-scénariste de Trois jours en famille, mais comme il n’y a personne engagé dans le film au niveau de la production, ce n’est pas solide. Donc peut-être que le deuxième film ne sera pas celui-ci. En tout cas, je me dis qu’il faut faire ce qu’il me plaît, ce que je ressens. C’est la seule façon de faire quelque chose qui soit honnête, sincère, et qui ait plus de possibilités de réussir.
Interview : Verena Schneider
Photo portrait de Mar Coll : Patrice Molle
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