
Hip opsession 2009
Le hip hop allemand, cet inconnu
En France comme en Allemagne, à la fin des années 80 des curieux ont ramené dans leurs valises, des vinyles, des sons funky et une envie d’adapter ce qui se passait de l’autre côté de l’Atlantique au vieux continent. Cependant l’évolution s’est faite de manière très différente des deux côtés du Rhin, français-allemands : tous fans de hip hop.
La richesse et l’ouverture culturelle, c’est ce que Pickup prod a décidé de mettre en avant cette année encore avec Hip Opsession. Le festival devient l’évènement culturel de l’hiver et tend à faire oublier le vent glacial qui souffle sur l’agglomération nantaise. Fragil ne pouvait donc pas passer à côté de ce réchauffement climatique culturel sans parler de ce mouvement qui a envahi toutes les métropoles européennes.
Rap français vs rap allemand
Si on demande à des connaisseurs en matière de hip hop, on remarque qu’ils ont quelques difficultés à nous donner un exemple de groupe allemand. En effet les Fantastischen 4, Max Herre (Clip), Dynamite Deluxe et Kool Savas sont quasi inconnus en France alors qu’à quelques kilomètres des strasbourgeois, ils remplissent les stades et font la tournée des festivals. Pourtant, à l’inverse, les Allemands connaissent I AM et NTM. Certains rappeurs tels que Sefyu ou le groupe Nouvel R se sont vus invités au Splash Festival à Leipzig (le site), un des plus grands festival hip hop en Allemagne -la preuve : Jay-Z était là aussi ! Les groupes français s’exportent très bien de l’autre côté du Rhin alors que l’inverse, non. Quel est le problème ?
J’ai posé la question à Shen Roc, beat-boxeur notoire de la région nantaise qui fait partie depuis plusieurs années maintenant du groupe Nouvel R (myspace vidéo), un groupe qui a su se faire une place au pays des « Bretzels ». Selon lui, les héritages culturels de chaque pays sont les bases de son hip hop. L’image de la chanson française dans le monde est réputée et appréciée au même titre que sa baguette ou son camembert. Ainsi le rap français, qui grandit grâce à cet héritage s’est tout de même construit une identité propre plus facile à exporter. Les groupes de rap en France ont d’ailleurs très vite compris qu’il fallait se démarquer du rap américain, se construire sa propre identité : le rap français est un rap dit « conscient » suivant l’image de Public Enemy. La musique allemande, elle, est trop souvent résumée pour beaucoup d’européens aux grands compositeurs baroques, classiques et romantiques. La chanson populaire ne tient pas une place si centrale. Le hip hop a donc du émerger d’une manière différente, sans fondations musicales solides, il est donc toujours en recherche.
Si on demande à des connaisseurs en matière de hip hop, on remarque qu’ils ont quelques difficultés à nous donner un exemple de groupe allemand
L’allemand, une langue qui râpe
L’autre problème qui se pose est celui de la langue. Bien que l’allemand soit la langue la plus parlée en Europe, elle n’est pas la plus simple et encore moins la plus appréciée. Les rappeurs pour lesquels le flow est essentiel ont déjà des difficultés avec le français par rapport à l’anglais. La langue allemande est encore plus difficile a travailler : « Ca ne sonne pas ! » me dit Shen Roc. De plus, très peu de jeunes gens choisissent d’apprendre l’allemand, lui préférant l’espagnol. Les paroles ne peuvent plus être comprises, ce qui reste quand même un gros problème quand on aime le rap et quand l’essentiel est de comprendre le message qu’il véhicule. Les rappeurs sont donc malheureusement cloîtrés dans leur pays s’ils ne chantent pas en anglais. Puppetmastaz sont allemands, qui l’eut cru. D’autres groupes ou producteurs ont compris très tôt qu’ils devaient parler anglais pour s’exporter ; c’est le cas de Snowgoons dont un des album, German Lugers, a été enregistré aux Etats-Unis et en Allemagne.
Un hip hop qui s‘exporte
Il apparaît cependant que, rap mis à part, les graffeurs, beat-boxeur ou DJ’s allemands ne sont en rien à la traîne sur le plan du hip hop mondial. Dj Rafik a gagné de nombreuses fois des titres de champion du monde, Lordz of fitness ou Noisy Stylus aussi. Les sons allemands s’exportent très bien. Le hip hop fait donc partie intégrante de la culture allemande mais à un autre niveau qu’en France. « Les allemands vivent le hip hop à 200% ». La Battle of the Year, compétition de danse hip hop en Allemagne existe depuis 20 ans. Ils sont d’ailleurs toujours en recherche dans le domaine culturel, sont curieux de ce qui se fait à l’extérieur, contrairement à certains groupes français qui, campant sur leurs acquis, ne se donnent pas les moyens d’évoluer. On a pu constater par exemple que lors de la Berlinale 2008 un film sur le beat-box (video) a été projeté : Love, peace and beat box, s’ouvrir à l’autre style, à l’autre culture est essentiel.
C’est donc ce que nous propose Hip Opsession, un éventail de culture Hip Hop ouvert pour Nantes.
Marina Baril
Photos : Valérie Pinard
Même auteur
-
Itinéraires artistiques : Citadelle de NGC 25
-
Noureddin Khourchid & les derviches tourneurs de Damas
-
Dans les coulisses du Festin des amateurs
-
Le hip hop allemand, cet inconnu
-
"Die Legende von Paul und Paula" ou le succès d’un film populaire en ex-RDA
-
Die Legende von Paul und Paula oder der Erfolg eines populären Films in der ehemaligen DDR.
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses