
Keziah Jones à La Carrière
Rencontre avec le père du Blufunk
Mercredi 21 janvier, l’équipe de Fragil se dirige non sans enthousiasme vers La Carrière, salle nantaise où Keziah Jones jouera le soir même. Il n’est que 19h, le concert est prévu pour 20h30, mais le public commence déjà à faire la queue pour cet artiste repéré dans les méandres du métro Parisien. On s’installe, on patiente et le tant attendu inventeur du “blufunk” se présente enfin… Poncho rouge, bonnet péruvien, lunettes de soleil, sa tenue vestimentaire est aussi éclectique que sa production musicale, qui va du blues à la soul en passant par le “funk acoustique”. Pas le temps de s’arrêter sur tous ces mélanges, la conférence de presse démarre… Si peu de temps, et tellement de questions !
Ce que je fais repose sur une grande part de spontanéité ; la musique reste ainsi ‘fraîche’, pour moi mais aussi pour le public !
Je veux voir les choses changer, être là pour le changement.
Cela fait plusieurs fois que tu viens à Nantes, qu’en penses-tu ?
Eh bien je n’ai pas eu le temps de visiter, mais je suis déjà venu plusieurs fois, lors mes précédentes tournées… J’ai donc vu deux trois trucs, mais pas beaucoup… En tout cas, ce que je sais, c’est qu’à chaque fois qu’on joue ici, c’est vraiment bien. Le public est enthousiaste et on a un bon retour.
La spontanéité te semble essentielle, comment fais tu pour la conserver sur scène avec tes musiciens ?
Le live a toujours un aspect spontané que j’adore. Jouer en live doit être spontané, avec une part d’improvisation importante, sinon cela perd toute sa saveur. Chaque concert de Keziah est différent, chaque personne qui vient à un concert de Keziah Jones en aura un souvenir différent. Tu vois ce que je veux dire ? Chaque concert est spécial, je choisis quelle chanson jouer, comment la jouer… Ce que je fais repose sur une grande part de spontanéité ; la musique reste ainsi “fraîche”, pour moi mais aussi pour le public !
Enrichis-tu tes albums avec l’expérience acquise sur scène ?
Eh bien aujourd’hui non, parce qu’African Blufunk et Africain Space Cruft je les ai joués et enregistrés live. Aujourd’hui c’est différent. J’écris, j’enregistre et ensuite seulement, je pars en tournée. L’expérience live reste live et n’est pas sur l’album. Ce que j’essaierai de faire plus tard, après cet album, tient plus de l’album live. Retour aux source ! Écrire, jouer live et ensuite enregistrer. Voilà mon prochain projet.
Tu dis qu’avec ta musique, tu veux créer des liens et changer les gens. Penses-tu que ce sont tes influences, Jimi Hendrix, Fela Kuti, qui te poussent vers ce but ?
Je pense que toutes les personnes qui sont passées avant moi m’ont facilité le chemin. C’est plus facile pour moi de m’asseoir maintenant et de parler de ma musique, de jouer dans cette grande salle, de venir à Nantes… Si il n’y avait pas eu Jimi ou Fela… Tu sais, sans tous ces héros, je ne serais pas là aujourd’hui. C’est comme maintenant, il y a des jeunes artistes nigérians qui montent, Ayo, Asa, et Nneka, par exemple… C’est plus facile pour eux d’exister aujourd’hui, parce que j’ai déjà entamé le processus. Quand j’ai commencé il n’y avait aucun homme noir du Niger qui jouait de la guitare. Et maintenant il y a tous ces artistes. Tout le monde aide tout le monde. Donc oui, il était nécessaire pour moi de m’exprimer aujourd’hui après m’être nourri de l’expérience des autres.
Es-tu un chanteur militant, comme Fela ?
Non je ne dirais pas que je suis militant. Je dirais que je suis… hmm… “pratique” (rires). Tu vois ce que je veux dire ? Je veux voir les choses changer, être là pour le changement. La plupart des militants ne sont pas là quand les choses changent, spécialement les militant noirs. Parce que tout cela, c’est juste des clichés. Dans les années 60, tu pouvais peut-être parler de ce genre de chose, mais aujourd’hui, le monde est tellement fracturé et complexe que tu ne peux pas dire si tu es militant ou pas. Tu dois juste être “pratique”. Utiliser tous ce que tu as, tout ce que tu dis pour faire passer ton message. Tu dois être là pour voir le changement !
Pourquoi as-tu décidé d’écrire la chanson My Brother, par exemple ? Est-ce à propos de la condition Nigériane ?
C’était à propos de la situation des Afro-américains. Dans les années 60, on s’appelait “my brother”, aujourd’hui tout le monde dis ça, tout le temps, et beaucoup l’utilisent vraiment trop facilement. C’était pourtant le résultat d’une véritable lutte des classes. Les années 60 avaient unifiés toutes les classes, et détruit tous les modèles existants : classe supérieurs noire, classe moyenne noire, classe ouvrière et classe encore plus basse. On ne parle plus de cette culture noire collective, où tout le monde était égal… Nous sommes aujourd’hui tous différents, à cause de nos statuts économiques. C’est de cela que parle My Brother. Si on est frère, alors pourquoi souffre-t-on ? Avant, tout le monde aidait tout le monde, tout le monde comprenait qu’on menait tous la même lutte. Aujourd’hui, tout le monde travaille pour soi-même, de manière très individualiste, à cause de la situation économique. J’ai donc écrit une chanson sur ça… Et pas seulement sur la situation des Afro-américains, mais sur la culture africaine aussi… Ça arrive tout autour du monde, vous savez… Les riches sont de plus en plus riches, et les pauvres de plus en plus pauvres.
Un mot pour Obama ?
Garde ton sang froid ! Essaie d’être intelligent car être vraiment révolutionnaire, c’est être très, très calme. Tu ne peux pas t’attendre à arriver quelque part et immédiatement tout changer autour de toi. Le meilleur moyen de le faire c’est de le faire très doucement et très profondément, pour que le changement dure. Mais en fait, je n’ai aucune suggestion à lui faire, je suis sûr qu’il sait exactement ce qu’il fait.
Merci Keziah, et bon concert.
À la prochaine !
Propos recueillis par Chloé Mackie
Photos : Patrice Molle
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