
Folk psychédélique
Summer of Love Is Over : Marissa Nadler au Pannonica
Pannonica, Nantes, 19 mai 2008
Vallées fertiles, sérénades aux défunts et à la recherche du temps perdu. Le mois dernier, au Pannonica, les mélomanes avertis arrivés tôt au concert de Jesse Sykes ont eu la chance d’entendre un petit bout de femme avec une très, très grande voix.
Pannonica, Nantes, le 19 mai 2008. Une frêle créature, vêtue d’une robe violette tombant jusqu’à terre, se dresse fièrement devant une foule de 500 Nantais anonymes. La scène a quelque chose d’éthéré – une scène sombre, dépouillée, un halo de lumière jaune, une grande guitare jaune tenue bien haut sur la poitrine, une cascade de longs cheveux bruns. On ne peut s’empêcher d’être touchés à la simple vue de Marissa Nadler ; étrangement familière, elle nous apparaît comme la synthèse d’innombrables archétypes féminins : la chanteuse folk venue du fond des sixties, la déesse grecque et son luth, le troubadour voyageur de la Renaissance, ou encore l’une des treize muses de Father Yod.
Sur scène, deux guitares électroacoustiques, l’une à six cordes, l’autre à douze, et un triptyque de microphones : le premier est sans effet, le deuxième fortement réverbéré, le troisième ajoute à la réverbération un effet d’écho. Plus que toute autre chose, trois quart d’heure avec Marissa Nadler signifient trois quart d’heure de délectation. Son soprano de sirène, source inextinguible de sons surnaturels, transmet ses histoires hors du temps ; son fingerpicking scintillant, plus mélodique qu’harmonique, chatoie contre le timbre chaleureux de sa voix telle la rosée du matin sur les flancs des montagnes alpines.
“Summer of Love Is Over”
Ce qui est frappant chez Marissa Nadler, c’est sa sincérité, son authenticité.
“C’en est fini de l’été de l’amour”, chante Nadler. L’amour, la perte, la mort, ces thèmes inusables sont les préférés de Marissa Nadler. Un sentiment de nostalgie imprègne toutes ses chansons, mais c’est une nostalgie qui s’étend bien au-delà de ses tribulations personnelles. Le projet de Marissa Nadler veut être une sorte de carrefour fertile où se croisent expériences individuelles et mémoire collective, jeu personnel et idiome folk traditionnel. En ce sens, une chanson sur les derniers vestiges de l’été peut trouver un second souffle, du point de vue des paroles comme de la musique, si on l’entend comme une complainte plus générale sur la perte d’une époque, celle de ce fameux “été de l’amour” que la plupart d’entre nous (y compris Marissa Nadler) n’ont pas vécu. Un lieu commun, si l’on considère le revival psychédélique des dix dernières années. Mais ce qui est frappant chez Marissa Nadler, c’est sa sincérité, son authenticité. Plus Vashti Bunyan que Joanna Newsome, elle nous apparaît comme l’incarnation d’un passé plus paisible et plus vert, l’apôtre d’un monde à la fois pré-industriel et pré-revival.
Y a-t-il eu d’autres “étés de l’amour” ? Marrisa Nadler pourrait probablement vous raconter quelques histoires à leur propos, et elle serait probablement capable de vous convaincre (et de se convaincre elle-même) qu’elle y était.
Emilie Friedlander
Traduction : Sophie Pécaud
Photos : Jason Rothenburg
À écouter :
The Saga of Mayflower May, Beautiful Happiness Records, 2006.
Songs III : Bird on the Water, Peacefrog Records, 2007.
Bloc-Notes
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