Déjà sensibilisé à la question de l’eau par un travail précédent qui l’avait conduit jusque sur les rivages désolés de la mer d’Aral, le journaliste Albert Solé a été contacté par les organisateurs de l’Exposition internationale de Saragosse 2008 afin de réaliser un documentaire sur l’eau dans le monde. En lien avec la thématique de l’Exposition qui est précisément "l’eau et le développement durable", il s’agissait d’expliquer de manière claire et pédagogique l’importance de la question de l’accès à l’eau dans le monde à travers l’exemple de cinq pays (Bénin, Inde, Pays-Bas, Gaza, Chili). Entre chaque séquence, des politiques et des spécialistes témoignent des enjeux fondamentaux liés à cette ressource essentielle et à sa bonne gestion.

Eau comme eau potable

Quand on parle de problèmes liés à l’eau, on pense généralement tout d’abord au continent africain et à différents pays en voie de développement qui connaissent des difficultés récurrentes à assurer à leur population un accès régulier à une eau de bonne qualité.

l'eau potable reste une denrée rare et chère dans bien des pays

L’Afrique et l’Asie sont donc effectivement présentes dans le film à travers les cas d’un village lacustre au Bénin et d’un bidonville d’une grande ville indienne où, pour des raisons différentes, l’eau potable est une denrée rare et chère. Dans les deux cas, ce sont les enfants qui sont chargés d’aller approvisionner la famille en eau au prix de fréquents et longs trajets pour la ramener à bon port. De la même façon, ce sont les enfants qui se baignent au risque de leur santé dans les eaux contaminées du lac béninois et dans les flaques boueuses formées par les fuites des conduites d’eau qui traversent le bidonville indien. Les enfants sont donc bien placés pour parler de ces problèmes et c’est à travers leurs témoignages et leurs voix que le réalisateur a choisi d’évoquer la vie au quotidien dans ces cinq pays. " Les enfants apportent l’élément émotionnel et symbolique, et ils posent aussi de bonnes questions", souligne A. Solé.

Un élément de structuration des territoires

Au-delà du problème de l’accès à l’eau potable, le film aborde également les différents risques liés à l’eau en tant qu’ enjeu politique et stratégique. Il rappelle ainsi que 12 conflits au sujet de l’eau sont identifiés actuellement à travers le monde. Malgré certaines difficultés diplomatiques, le réalisateur a ainsi souhaité tourner dans la bande de Gaza et en Israël, lieux emblématiques de l’affrontement de deux peuples pour la terre et ses ressources. Ambassadeurs symboliques de leurs pays respectifs, une jeune Israélienne et un jeune Palestinien se retrouvent, en dépit des check point à franchir, pour confronter leurs points de vue sur la gestion et le partage des ressources en eau, autre sujet de discorde entre les deux pays.

Si les risques de conflits existent donc entre plusieurs pays, c’est heureusement en général la coopération qui prévaut car l’eau reste une question trop vitale. Mais avec le changement climatique et l’augmentation de la population mondiale, cela pourrait changer. Selon Francisco Pellicer Corellano, "l’eau est un enjeu international de coopération entre les États. L’eau a toujours été un élément important dans la structuration des territoires qui se sont construits autour de la gestion de l’eau. Aujourd’hui, avec la mondialisation et les nouveaux réseaux d’accès aux ressources, une nouvelle gestion de l’eau est à promouvoir au niveau local et mondial".

Avec le changement climatique et l'augmentation de la population mondiale, les risques de conflits liés à l'eau pourraient s'intensifier

De nouveaux risques

Depuis peu, conséquence du changement climatique, de nouveaux risques sont apparus qui ne concernent plus seulement les pays défavorisés. Pays emblématique des régions concernées directement par la montée du niveau général des mers, les Pays-Bas figurent également dans le documentaire. Construits pour partie sur des terres gagnées sur la mer, ils assistent à la montée des eaux d’un demi-mètre par siècle et se posent la question de savoir s’il ne va pas leur falloir rendre une partie de leurs terres à l’eau pour éviter des inondations majeures. Comme l’indique Francisco Pellicer Corellano," les problèmes sont universels et tous les pays riches sont menacés par le changement climatique." Certains devront peut être s’inspirer un jour de solutions mises en place dans d’autres pays. Bel exemple de l’ingéniosité humaine, la séquence des "Chasseurs de brouillard " montre ainsi les résultats surprenants obtenus par les habitants du désert d’Atacama dans la lutte contre la sécheresse, avec pourtant très peu de moyens.

Conscients de l’actualité d’un thème choisi il y a sept ans déjà, les organisateurs de l’Exposition internationale de Saragosse 2008 espèrent donc que des solutions émergeront suite à l’exposition et à la prise de conscience généralisée. Elles seront peut être applicables à l’ Espagne, concernée également par des sécheresses chroniques et des problèmes de répartition des ressources en eau. Barcelone, que guette une sérieuse pénurie d’ eau, est ainsi actuellement en conflit avec Madrid au sujet des mesures à prendre pour y remédier. Petite pierre à l’édifice de la prise de conscience, le Rêve de l’eau est déjà diffusé en Amérique latine par le biais de l’Unesco et le sera dans toutes les écoles espagnoles, ainsi que sur le web, accompagné de matériel pédagogique en plusieurs langues.

Emilie Le Moal

Photos colonne : Le rêve de l’eau ; photo bandeau : Renaud Certin

Site du documentaire

Exposition internationale de Saragosse 2008 (14 juin-14 septembre)

Site de l’Unesco, programme WWAP (World Water Assessment Programme)