Cinéma espagnol
Los Cronocrimenes : rattraper le temps pousse au crime
A l’affiche de l’Absurde séance dans le cadre du Festival du Cinéma espagnol, Nacho Vigalondo revisite le thème du voyage dans le temps avec "Los Cronocrimenes" (Les crimes du temps), un triller fantastique, comique et effrayant à la fois par l’engrenage criminel qu’il met en scène. Rencontre avec un réalisateur fasciné par le thème du temps.
Fragil : On vous connaissait à Nantes surtout pour vos courts-métrages (7.35 le matin, Choque), qu’est-ce qui vous a décidé à passer au long-métrage ?
Nacho Vigalondo : En vérité, la décision vient plutôt des autres, qui m’ont laissé faire un long-métrage. Et j’ai eu une chance énorme car mes producteurs m’ont laissé beaucoup de liberté. Il y avait bien des contraintes financières et, de mon côté, j’ai eu certaines difficultés à finir mon film, mais au final j’ai pu le faire comme je le voulais.
F : Vous êtes-vous basé sur un roman ou un scénario particulier pour faire ce film ?
N. V. : Non, l’idée du film vient de ma passion pour le thème du temps et du voyage dans le temps. Je souhaitais faire le récit définitif et réussi sur ce thème, mais également surprendre le spectateur. Il y a eu jusqu’à 11 versions du scénario, puis le personnage de la jeune femme [dans les bois ndlr] est apparu et avec lui la thématique tragique. Auparavant, le scénario était plus basé sur des principes mathématiques mais il n’y avait pas vraiment d’histoire.
Je souhaitais faire le récit définitif et réussi sur le thème du voyage dans le temps
F : Le thème du temps, c’est aussi celui de la question de la narration au cinéma, c’est ce qui vous intéressait ?
N. V. : Oui, car le cinéma s’intéresse à la question de la représentation du temps, à sa capture, et ici il s’agit de casser les règles du temps, de jouer avec ces règles. C’est ce qui est très intéressant pour un réalisateur. Ainsi, dans le film, je peux revenir sur une situation déjà vue, et en posant la caméra à des endroits différents, je fais apparaitre des éléments qui n’avaient pas été montrés, et la même situation se transforme.
F : Hector, le personnage principal, est un homme ordinaire au départ, pas le genre d’homme qu’on imagine pour ce genre de film…
N. V. : Plus on part d’un personnage ordinaire, plus la transformation est extraordinaire. Ici, il s’agit d’un père de famille espagnol banal, un personnage inattendu qui va vivre des choses inattendues. Je voulais casser l’image classique du héros attirant.
F : Vous lui faîtes subir une véritable transformation psychologique, au départ c’est un homme perdu, déboussolé par ce retour dans le temps, qui devient de plus en plus sûr de lui, voire machiavélique…
N. V. : Oui, ça m’intéressait de raconter cette transformation psychologique, parallèlement à sa transformation physique, d’où les trois "Hector" assez différents. Et la transformation physique devait être fondamentale donc je le malmène, je profite de chaque occasion du scénario pour le changer physiquement, lui faire subir des chutes, même absurdes.
F : Vous jouez avec le comique de répétition permis par les retours dans le temps du personnage, ce qui rend le film plus drôle que vraiment effrayant, même si l’engrenage criminel que raconte le film est effrayant…
N. V. : Oui, dans le scénario il y avait des détails effrayants (un visage bandé, des ciseaux, des bruits) un peu enfantins, et des détails plus ridicules qui me plaisaient et que j’ai accentués.
Ça m’intéressait de raconter la transformation psychologique du personnage, parallèlement à sa transformation physique
F : Le film de genre semble se porter assez bien en Espagne en ce moment, on pense au succès de L’Orphelinat de Juan Antonio Bayona, qu’est-ce qui explique ce succès à votre avis ?
N. V. : C’est un succès relatif, même si deux films de genre connaissent le succès en même temps en ce moment, L’Orphelinat et [Rec] de Jaume Balaguero et Paco Plaza qui va d’ailleurs sortir en France. Ces films-là fonctionnent mais certains réalisateurs de ma génération ne peuvent faire leur film en Espagne et doivent aller à l’étranger, aux États-Unis par exemple.
N.B. Sortie en France de Los Cronocrimenes prévue pour le 7 mai 2008
Propos recueillis par Emilie Le Moal
Photo du bandeau Patrice Molle
Le Festival du Cinéma espagnol de Nantes 2008
Le site de Los Cronocrimenes
Dossier sur le cinéma de genre espagnol sur Mad Movies.com
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