Planning familial Adoption et Comédie
Juno, 16 ans, en cloque
Un guignol dans le tiroir, mais elle garde la banane !
Après le cynisme de "Thank You for Smoking", le canadien Jason Reitman verse avec talent dans la comédie. Voici Juno, adolescente confrontée à une grossesse accidentelle. Le scénario de Diablo Cody, primé par un Golden globe, nous emporte dans un univers tendre et plein d’humour.
Un soir, à la place de regarder Le Projet Blair Witch à la télévision, Juno McGuff propose à Paulie Bleeker, garçon accro au Tic-Tac à l’orange, de coucher avec elle. Un acte qui va se révéler loin d’être sans conséquences.
"Le problème quand on est enceinte, c’est que cela se termine souvent avec un bébé à la fin". Juno prend toute la mesure de ce message, quand à 16 ans, elle découvre qu’elle est enceinte. Après trois tests de grossesse, afin d’être sûre, c’est l’inévitable interrogation : que faire du bébé ?
Le garder, non ce n’est pas possible. Juno est trop jeune et ne veut pas s’embarrasser d’un enfant. Avorter ? Oui, mais après un bref passage au planning familial, Juno se dit que ce n’est pas la bonne solution. Elle décide alors avec sa meilleure amie Leah, de trouver le couple adoptif idéal qui pourra au mieux s’occuper de son bébé. Son choix se porte sur Mark et Vanessa Loring qui rêvent d’adopter leur premier enfant. Soutenue par ses parents, elle rencontre le couple et signe avec eux tous les papiers d’adoption. Mais la grossesse ne fait que commencer et les choses sont loin d’être aussi figées que Juno le voudrait…
Des personnages loin des stéréotypes
Juno est loin du modèle de l’adolescente superficielle, mélodramatique et geignarde que véhicule souvent le cinéma contemporain made in america. Les clichés, ici, sont bousculés jusqu’au fond de leur retranchement. Juno a un look de garçon manqué, adore le rock des années 70 et les films d’horreur. Elle est pragmatique et possède un sens de la répartie incroyable. Néanmoins , elle reste une adolescente, qui se cherche, se pose des questions et ne sait pas trop comment gérer ses sentiments.
Le problème quand on est enceinte, c’est que ça se termine souvent avec un bébé !
Face à Juno, Paulie fait bien pâle figure. Sportif, mais maigre comme un clou, Paulie est aussi un fan de sciences sans les boutons. Le jeune homme est tout sauf le Don Juan sportif typique des teen-movies traditionnels. Sensible, il est réellement amoureux de Juno, et c’est sans doute pour cela qu’il garde précieusement la culotte laissée par celle-ci lors de leur première et unique relation sexuelle.
Pour les Loring, Juno est un cadeau tombé du ciel. Le couple souhaite plus que tout avoir un enfant, enfin surtout Vanessa : "Je suis née pour être mère". Mark et Vanessa vivent dans une belle maison, propre, blanche, parfaite. Si parfaite que l’ambiance en est aseptisée. Et l’arrivée de cette adolescente haute en couleur vient tout bousculer et révèle les véritables désirs du couple, et notamment ceux de Mark. Ce dernier est un ancien guitariste de rock reconverti dans la composition de musique de publicité. Nous pouvons croire au début du film qu’il s’est fondu dans le moule de la société, or il découvre peu à peu qu’il n’est pas prêt encore pour mener la vie bien rangée et bien étriquée que lui propose sa femme.
Le film pointe une certaine marchandisation de l’enfantement au travers de la figure de la mère adoptive
Diablo Cody : du strip-tease au scénario
La richesse de ce film tient en grande partie par les dialogues de Diablo Cody. Juno est le premier scénario écrit par cette autodidacte au parcours pour le moins surprenant. C’est en effet grâce à son blog que cet ancienne strip-teaseuse romancière s’est fait connaître. Son humour et son regard pertinent sont alors repérés par le producteur Mason Novik qui lui propose d’écrire un film. Ce sera Juno.
Golden Globe du meilleur scénario, le film cumule les perles d’humour. Du tac au tac, les paroles fusent et les rires retentissent dans la salle. La scénariste a préféré jouer sur le comique de mots plutôt que sur le burlesque ou le comique de situation lourdaud de la génération des American Pie. La réalisation rythmée de Jason Reitmann et le choix de la musique pop soulignent le ton volontairement décalé du film.
Sous l’humour, la critique sociale
Juno, interprétée par Ellen Page, n’hésite pas à dire ce qu’elle pense. Notamment sur sa vision de l’enfant. Elle n’hésite pas à comparer son bébé à un animal exotique ou un appareil de fitness en recherche d’un propriétaire. Le film pointe une certaine marchandisation de l’enfantement au travers de la figure de la mère adoptive. En effet, malgré un désir de maternité sincère, Vanessa donne l’impression que son besoin d’enfant n’est là que pour parfaire le tableau familial de l’American Dream.
Le film, même si, il ne se positionne pas sur l’avortement, le choix qu’adopte Juno par rapport à sa grossesse peut susciter le débat. Contrairement à la conception conventionnelle de la maternité de Vanessa, Juno prend la décision de ne pas s’embarrasser de cet enfant pour préserver sa liberté, tout en refusant la solution la plus "rapide" : l’avortement.
Malgré le sujet épineux d’une grossesse non désirée chez une ado, Juno ne tombe jamais dans le pathos. Vif, dynamique, tout sauf moralisateur, le film est une vraie bouffée d’oxygène, d’où l’on ressort la bouche en coeur.
Marie Delhaye
Le Katorza, salle d’art et d’essai de Nantes
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