
Sur la route avec Babylon
Il est clair que les Babylon sont avant tout des « bêtes de scène  », des passionnés du bitume et de voyages et particulièrement ceux hors de France. Avec le nouvel album « Dances of resistance  », Babylon Circus a enchaîné sur une tournée de 80 dates à travers la France. Rencontre avec David, un des deux chanteurs et guitariste, lors de leur concert à l’Olympic.
« La route, c’est une drogue et les voyages, c’est un rêve de gamins que tu réalises. On est un peu comme les fils du vent ! On a fait Berlin, Zagreb, Beyrouth, Damas, Dublin, Paris, Bruxelles, Copenhague… Voyager en musique faisait partie du projet de base, c’est un passe-partout génial, un super moyen de rencontres. Il s’agit d’un langage universel : un la majeur, c’est le même la majeur sur toute la terre ! On a commencé par des petites excursions en Pologne et en Allemagne, juste après la sortie du deuxième CD (« Au marché des illusions » small axe/tripsichord). Cela nous a donné envie de partir sur les routes et le résultat fut une tournée d’un an et demi à travers toute l’Europe et même le Moyen-Orient en 2003.
Dès que t’arrives dans une ville, c’est un nouveau départ à chaque fois. Tu débarques dans un pays où personne ne te connaît car les disques n’y sont pas distribués. Tu es dans un rapport de séduction total où il faut vraiment aller au charbon.. Ce genre de challenge est très plaisant et excitant. Normalement les dates étaient prévues par avance mais il est arrivé que la date soit annulée comme à Copenhague. Alors tu te démerdes, tu remues ciel et terre et tu finis à être le 7ème groupe dans un festival punk à 4 heures du matin. Et finalement, t’es pas connu, t’es pas prévu et c’est toi qui mets le plus le feu chez tous les crêteux !
Cette tournée fut extrêmement enrichissante car la barrière de la langue te force à développer d’autres moyens de communication plus corporels. Pour le spectacle, on aime bien que cela se passe comme dans un voyage et où tout le monde part en même temps. L’invitation se fait donc par la danse, par le jeu, par les mimiques, par le sourire. Tu vas parvenir à communiquer, mais en dehors de l’Allemagne et des pays anglophones, c’est avec un vocabulaire très limité. On fait toujours l’intro dans la langue du pays, donc en Syrie j’ai appris un peu d’arabe pour faire le début du concert mais il manque évidemment beaucoup de mots. Ceci t’oblige à réfléchir sur ta musique et à synthétiser beaucoup plus les idées essentielles que tu veux faire passer. Il faut avoir une approche nouvelle vis à vis de nos chansons et d’une manière ou d’une autre trouver tous les moyens possibles et imaginables pour être en relation avec le public. Tu ne dois pas partir en live tout seul mais avec tout le monde. »
« Des instants magiques »
« Les concerts en Syrie notamment, furent des moments très forts grâce à la composition du public qui était assez peu courante. Vu que le concert était gratuit et que la vie culturelle là-bas est assez pauvre, il y avait un mélange de générations extraordinaire. Là d’un coup, c’est un vrai rassemblement populaire où t’as des jeunes et des vieux qui prennent vraiment leurs pieds et où t’as des femmes voilées de la tête aux pieds et à côté d’elles des minettes sapées à l’européenne. Ça fait un mélange auquel on n’est pas habitué en France et qui fait très chaud au cœur car on arrive à faire danser tout le monde sur le même fil. T’as l’impression de servir à quelque chose. Une formidable énergie se crée qui donne lieu à des concerts interminables. Surtout à Damas, où on est resté un mois et où on a eu un local à disposition. C’est là où l’on a écrit les grandes lignes de « Dances of resistance ». Dans ce lieu, sont passés des musiciens syriens, aussi bien traditionnels que de variété. En France, on parle des intermittents du spectacle, là-bas, ça n’existe pas. Les mecs qui veulent vivre de la musique jouent 3 fois par jour et connaissent le répertoire de toute la musique de la Terre ! ...
... On a connu des types qui pouvaient jouer tout le répertoire d’Adamo, de Mike Brant ; ils ne savaient pas ce qu’ils chantaient mais ils connaissaient les paroles par cœur et les accords, parce que dans les hôtels les touristes plébiscitent ce genre de musique. Avec ces gens-là, on a monté quelques morceaux et des fusions avec nos chansons et c’est ces rencontres qui sont magiques.
Mais c’est clair que le rêve de gosse qu’on a tous et qui nous a rassemblés c’est, au-delà de l’Europe, le tour du monde. Dès le début, avec Manu (le 2ème chanteur et ex batteur) on a acheté un camion avant d’acheter une sono, on tripait sur les manouches, sur les spectacles de rue, sur tout l’esprit nomade en fait. Toute cette vie itinérante où tu vas d’un endroit à un autre en n’arrivant jamais les mains vides nous fascine. Tu viens faire de la musique, c’est des moments chaleureux, fédérateurs et c’est l’une des raisons profondes pour laquelle on a monté un groupe de rock. »
« Dances of resistance »
« L’enregistrement de « Dances of resistance » a été inédit car il n’y a jamais eu autant de plaisir à être en studio, beaucoup plus que par rapport aux albums précédents. On porte le poids d’être un groupe de scène et étant très à l’aise sur scène, on devient fébrile en studio face à la recherche d’une perfection que l’on n’aura jamais. Mais pour cet album, il y a eu une grosse différence, cette fois on a fait intervenir une personne extérieure à la tribu et ce réalisateur nous a beaucoup apporté. Outre le fait de prendre du plaisir, on a aussi trouvé l’interface parfaite entre le public et nous. Il nous a aidé à faire le tri dans nos idées et à aller vraiment au fond de ce que l’on avait envie de poser sur les bandes. Quand on a abordé par exemple des morceaux assez rock et qu’il nous voyait faire nos petits riffs avec quelques retenues, il a appelé le guitariste de la Mano qui nous a. amené des guitares bien péchues et qui nous a dit en gros « Allez maintenant, tu veux jouer du rock’n roll, vas y fiston ! » Ce genre de truc, c’est une grosse leçon de musique et d’enregistrement. C’est un super apprentissage. Le plaisir qu’on a pris se ressent à l’écoute du disque et nous a donné envie de continuer dans ce domaine là. Ceci nous a montré qu’il n’y avait pas que la scène comme terrain de jeu, on est dans une démarche d’évolution et d’apprentissage perpétuel.
Ce disque a été écrit lorsqu’on était en Syrie, pays frontalier avec l’Irak et la guerre venait de démarrer. On retrouve ces traces de guerre avec des chansons comme « L’huile sur le feu ». Ce morceau donne le point de vue d’un occidental face à la guerre qu’il ne connaît pas où alors seulement dans ce qu’elle a de spectaculaire, dans ce qu’il en voit à la TV, dans ce flot d’informations subjectives qui offre un mélange étrange : l’impression de passer à côté de quelque chose d’important, de le vivre tout en étant complètement impuissant. En tant que spectateur, avoir l’impression de jeter de l’huile sur le feu au lieu de résoudre les problèmes. Par ailleurs une chanson telle « Warlord » ne renvoie pas seulement à l’esprit de croisé de certains types qui partent, la bible sur le cœur, combattre le mal mais elle fait plus référence à ces seigneurs de guerre africains qui, parce qu’ils ont de l’argent, ont acheté une armée et vont aller coloniser un pays, comme avait fait Taylor au Libéria. »
La disparition annoncée des bars concerts
Lectrices, lecteurs nantais, considérez-vous privilégiés avec l’interdiction du « bruit » après 2 heures du matin. Dans d’autres villes comme à Lyon c’est une heure plus tôt. « Cela fait plusieurs années que le bruit est devenu un cheval de batailles. Dans la plupart des bars, les concerts se font sans batterie et sans sono. On a eu de la chance quand on faisait les tournées de bars en Bretagne, il y a quelques années car il y avait d’importants réseaux de bars où on pouvait jouer vraiment tous les jours. J’ai des souvenirs de tournées bretonnes où on faisait 7 concerts dans la semaine. On a été la dernière génération de groupe à avoir pu faire ça car tous les bars ont soit fermé, soit arrêté de faire des concerts à cause du voisinage et du bruit. Préférence désormais aux DJ qui arrivent avec leur platine, ça fait un seul repas à payer et un seul type à torcher ! Plus sérieusement c’est bien dommage car j’y ai découvert plein de groupes, j’ai vu Lo’jo dans un petit bar à la Croix-Rousse (quartier de Lyon), c’était magique. Ce mouvement s’inscrit dans une démarche globale qui est « d’astiquer la vitrine », de sauver les apparences. Il y a la solution de faire des apéro-concerts, mais des concerts kepun à 19 h semblent surréalistes. Tu tapes vaguement du pied en te dodelinant légèrement…et c’est pas la folle ambiance. »
La bande FM ?
On est diffusé sur toutes les radios locales. On a toujours fonctionné avec le bouche à oreilles, avec l’associatif. Notre meilleure publicité c’est le téléphone arabe et « ces petites radios » nous ont filé un coup de pouce énorme. Heureusement qu’il reste encore des gens comme ça pour promouvoir tous ceux qui n’ont pas l’argent pour acheter leurs places sur les radios nationales. C’est une chance qu’on a en France qu’outre la radio, il y ait un grand réseau de diffusion, qui a un pied dans l’alternatif et le deuxième dans l’institutionnel. Ça fonctionne très bien et permet à des groupes de notoriété moyenne ou petite de tourner dans des conditions décentes et la décence, ce n’est pas seulement pour les artistes c’est aussi pour le public. C’est plus agréable quand il y a une vraie scène avec une vraie sono et une vraie lumière. »
Indépendance créatrice totale de Babylon Circus
« On est producteur de nos disques. C’est nous qui choisissons la musique, la pochette, on décide de tout. On est chez Yélen musique, un label de Sony music mais quand tu sais où tu veux aller, que tu as déjà une histoire forte, tu peux toujours trouver écho même dans les multinationales sans que rien ne change à ton travail. Auparavant, on était chez Small Axe/TripsiChord mais ils ont dû arrêter leur activité il y a quelques mois à cause de problèmes financiers (leur dernière compile est téléchargeable sur Internet). Même s’ils sont un label indépendant, ils n’échappent pas au fonctionnement habituel d’une entreprise et à la nécessité de faire des bénéfices. »
Bérangère
Bloc-Notes
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