
DÉBAT QUARTIER
Jeunes et médias : un chantier éducatif pour un impératif démocratique
A l’initiative du Conseil de Développement de Nantes Métropole, 24 acteurs nantais de la sphère des médias et du monde numérique émergent s’expriment pour envisager l’horizon 2030. Un ouvrage collectif vient de paraître. Il rassemble des éléments de la réflexion à conduire. L’association Fragil présente une contribution sur une nécessaire démarche d’éducation aux médias à mettre en œuvre dans la métropole nantaise.
Avec le développement de l’offre d’outils et de médias numériques, les espaces d’échanges, de débats et d’interactions sociales s’accroissent. Désormais nous devenons au quotidien des producteurs d’informations avec nos téléphones portables, par notre participation aux réseaux sociaux, aux contributions à des sites Internet venant à concurrencer les journalistes auxquels la société leur a conféré le rôle de chercher l’information, la vérifier, la commenter, la mettre en forme et la hiérarchiser. Bien que la défiance envers les médias s’agrandit (et son corollaire : la perte d’influence dans la posture du journaliste), une nécessité de disposer de repères, de connaissances vérifiées s’imposent à nous pour progresser dans un monde en profonde mutation. Nous devons tous être en capacité d’analyser les messages produits par les industries des médias qui sont le résultat de constructions car ces représentations ne sont pas le simple reflet de la réalité.
Les pratiques des jeunes
Nous devons tous être en capacité d’analyser les messages produits par les industries des médias
Les mass-médias s’imposent désormais comme supports de socialisation. Les objets culturels qui ne procurent aucun profit de sociabilité sont de moins en moins acceptés dans les cultures juvéniles. Emerge chez les adolescents une culture numérique où le matériau issu des mass-médias (musique, séries, cinéma) devient l’objet même des échanges entre pairs. De ce nouveau rapport aux médias nait de nouvelles formes d’échanges, de pensée, d’écriture, de lecture qu’il convient d’analyser. Agnès Pecolo [1] appelle Génération-Média, les jeunes qui sont sans complexe, branchés nouvelles technologies, autodidactes dans une culture du bidouillage. Dès lors, il faut s’attacher à observer ces relations sous l’angle de l’appropriation. Les jeunes ont tendance à imiter ce que font leurs amis, à se conseiller mutuellement par le bouche à oreille et à découvrir entre eux de nouveaux usages. Si Internet s’est imposé au quotidien dans les usages des jeunes, ils sont loin d’en connaître les principes de fonctionnement et d’organisation. Google, Facebook, MSN, Twitter… les réseaux sociaux préférés des jeunes sont aussi des outils privés qui déploient en réseau le nouvel esprit du capitalisme. Dans une société en basculement identitaire, la société de l’information doit avoir un rôle central. C’est par l’information et le savoir que le citoyen se positionne dans la sphère sociale et publique. Les jeunes ont besoin de repères et de clés de compréhension transmis par les éducateurs (parents, enseignants, animateurs… l’éducation est l’affaire de tous !) pour exercer pleinement leur vie de jeune citoyen vers l’autonomie.
Dans une société en basculement identitaire, la société de l’information doit avoir un rôle central. C’est par l’information et le savoir que le citoyen se positionne dans la sphère sociale et publique
Un chantier éducatif
A mesure que les jeunes deviennent des producteurs et des créateurs de contenus sur les réseaux numériques, l’appropriation des TIC permettent de tourner l’apathie citoyenne actuelle en activisme citoyen [2] Les outils et médias numériques contribuent à l’émergence de nouvelles modalités de participation citoyenne à la vie publique. Besoin de redonner du sens à la démocratie qui se fait conjointement avec l’apparition d’une nouvelle revendication : la réappropriation de l’espace public par les citoyens. Les réseaux et médias propre au mode connexionniste sont autant d’outils susceptibles de favoriser de nouvelles formes d’émancipation dans une démarche qui conjuguent militantisme, éducation, expérimentation sociale, critique et prise en compte des enjeux sociaux. [3] Face à un impératif démocratique s’ouvre alors un chantier éducatif pour proposer aux citoyens et notamment les plus jeunes une compréhension et une maîtrise plus fine.
Les pratiques des TIC, des médias contribuent à fédérer les jeunes. En partant de leurs expériences et de leur intérêt, il sera plus facile de créer des actions éducatives autour des médias plutôt que de leur soumettre une approche qui ne correspond pas à leur désir. On a affaire à des technologies participatives très évolutives qui font que les élèves seront de plus en plus exigeants sur ce plan. Il y a une obligation pour les éducateurs à intégrer le fait qu’ils ont affaire à des publics outillés sur lesquels ils doivent compter. Il faut tenir le plus grand compte de ces nouvelles pratiques.
Les initiatives à encourager dans la métropole nantaise
Pour y parvenir, l’association Fragil propose une méthode éducative active : grâce à l’immersion permise par la production d’un média, les contributeurs découvrent un événement, explorent une thématique, comprennent les mécanismes de production de l’information
C’est à partir de leurs usages des TIC, de leur mode de consommation de l’information, de leurs questionnements que les éducateurs disposeront d’une latitude pour apprendre aux jeunes à déconstruire les représentations transmis par les messages médiatiques, et ainsi forger leur esprit critique. Certaines initiatives fort intéressantes expérimentent une démarche d’éducation aux médias dans la métropole nantaise où l’on note une pluralité de médias (Presse écrite, radios, télévisions, presse en ligne, des médias de statuts privés côtoient des médias associatifs). Du côté de l’école, soulignons le travail du CLEMI, le groupe Ouest-France pour la semaine de la presse. Pour les actions complémentaires de l’école publique, notons les actions éducatives conduites par les fédérations d’éducation populaire (les CEMEA, Les Francas…), le travail militant conduit par l’association les Pieds dans le PAF, mais aussi l’engagement de médias associatifs qui favorisent l’expression et la citoyenneté : les radios, les médias jeunes Europa et DIPP et le magazine Fragil qui fort de son expérience de la contribution volontaire de citoyens, de jeunes a inscrit au cœur de son projet la volonté de mener sur les territoires une expérimentation de l’éducation aux médias. Pour y parvenir, l’association Fragil propose une méthode éducative active : grâce à l’immersion permise par la production d’un média, les contributeurs découvrent un événement, explorent une thématique, comprennent les mécanismes de production de l’information. Sûrs de leurs compétences acquises de manière ludique entre pairs avec l’aide de professionnels, ils en viennent à exercer leur esprit critique et à agir en citoyen libre et informé. Une démarche d’accompagnement, d’apprentissage avec la présence de formateurs, d’animateurs, d’éducateurs est essentielle pour les participants, notamment ceux qui sont éloignés des offres éducatives et culturelles, afin de les mobiliser comme acteurs des médias et non pas comme simples consommateurs.
L’éducation aux médias permet d’apprendre à exercer sa citoyenneté, en ouvrant des fenêtres sur le monde et sur les autres pour enrichir ses connaissances et devenir un explorateur autonome, comme un spectateur actif, capable d’une lecture critique des messages et des représentations que proposent les médias
A l’horizon de Nantes en 2030, il convient d’encourager et de soutenir le développement de ces initiatives dans l’accompagnement des usages. L’éducation aux médias permet d’apprendre à exercer sa citoyenneté, en ouvrant des fenêtres sur le monde et sur les autres pour enrichir ses connaissances et devenir un explorateur autonome, comme un spectateur actif, capable d’une lecture critique des messages et des représentations que proposent les médias. Elle favorise l’expression et contribue à développer les capacités critiques et créatrices des citoyens.
Pascal Couffin
- Président de l’association FRAGIL
- Trésorier et fondateur de l’association la MIN’ (Médias Indépendants Nantais) qui rassemblent les éditeurs du territoire de la métropole nantaise.
Nantes 2030. Nouveaux médias, nouveaux réseaux numériques. 24 acteurs nantais des médias et du numérique s’expriment dans un ouvrage collectif pour le Conseil de développement. Il est disponible en consultation ou en téléchargement.
[1] Agnès Pecolo, Maître de Conférence à l’Université Bordeaux III
[2] Divina Frau Meigs, Sociologue des médias, Université Paris 3 Sorbonne, Directrice du Master Pro « Ingéniérie de la formation à distance et éducation aux médias »
[3] Nathalie Boucher-Petrovic, La société de l’information appropriée par l’éducation populaire, une tradition en question.
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