
Festival Hip OPsession - Reportage
Battle Loyale : en lice avec l’Arcopom Crew
Cette année, les danseurs de l’Arcopom Crew sont venus participer à la deuxième journée de la compétition Battle Opsession, le temps fort historique du festival Hip OPsession, qui avait lieu le samedi 13 février dernier au lieu unique. Break Bern, Chey et Shyno sont venus d’Espagne pour mettre le feu pendant le festival Hip OPsession organisé par l’association Pick Up Production. Alors, mission accomplie pour l’Arcopom Crew ?
À eux trois, ils ont parcouru plus de 3 400 kilomètres pour venir participer à l’édition 2016 des battles du festival Hip OPsession. Des trois compères, c’est Break Bern qui est arrivé le premier le 10 février de Barcelone. Chey et Shyno, venant respectivement de Madrid et de Grenade pour l’événement, sont arrivés le 12 février, la veille de leur participation au Battle Opsession.
Break Bern est un habitué de la compétition. Il est venu pour la première fois à Nantes pour le festival en 2013. Il n’a cessé de revenir chaque année depuis et s’est trouvé une deuxième famille à Nantes. Pour finir par entraîner dans son sillage ses amis Chey et Shyno. Chey, lui, est déjà venu l’année dernière. Et si pour Shyno c’est une première, il n’a pas fallu beaucoup le convaincre. L’enthousiasme des deux autres membres de l’Arcopom Crew est manifeste.
Samedi 13 février : Battle OPsession jour 2
Il y a foule dans le hall et au bar du lieu unique. C’est la deuxième journée de la compétition Battle Opsession. On remarque une majorité de casquettes et de bonnets sur les têtes, des baskets aux pieds, backpacks sanglés sur les épaules. Si on devait donner un code vestimentaire à la culture hip-hop, ces éléments en feraient sans doute partie. Certains attendent assis contre les murs, casque audio sur les oreilles, smartphone à la main. D’autres font déjà la queue pour rentrer dans la salle. On différencie les danseurs des spectateurs assez facilement : les danseurs sont ceux qui s’arrêtent à la table d’inscription. Et puis les spectateurs ont l’air plus détendu.
Il est 14h. La salle ouvre enfin. Danseurs et spectateurs entrent. Après être passés s’inscrire à la compétition en 3vs3 Crew, Break Bern, Chey et Shyno ont pu rejoindre la salle principale du lieu unique. Les phases de qualifications vont pouvoir commencer. Mais en attendant son passage, le trio se change, et passe de tenue civile à tenue de cypher (ndlr, le cercle ; ici, le carré de béton nu sur lequel ils vont danser). Pas de loges, les trois danseurs se changent au milieu de la foule qui afflue vers les gradins. Leurs vestiaires, ce sera entre un écran qui projette les battles et les gradins qui remontent jusqu’à la régie. Ils entassent à la va-vite sacs et vêtements contre un pilier. T-shirt, sweat, pantalon de survêtement et baskets usées par la danse, voilà leur uniforme pour la compétition. L’échauffement peut commencer.
Chacun s’échauffe assis dans son coin. Ils se lancent quelques mots en espagnol. « S’échauffer, s’étirer, c’est important pour ne pas se blesser », explique Shyno, « On va s’échauffer jusqu’à ce qu’ils nous appellent », ajoute-t-il dans un anglais parfait. Rien d’étonnant. Shyno danse depuis 2001 et est un professionnel du cirque Éloize, qui tourne dans le monde entier. Il fait aussi partie des membres fondateurs de l’Arcopom Crew, avec lequel il a pas mal voyagé aussi. « On avait commencé ça à trois en 2003, et maintenant nous sommes une douzaine de danseurs », raconte-t-il.
Chaque passage est une finale
Cou, poignets, genoux, chevilles... toutes les articulations y passent, lentement, méthodiquement. Chey a le sourire. Un sourire sérieux. « Même en qualifications, chaque passage est une finale. » Il hoche la tête. « On peut faire du bon travail. Dans l’équipe, on s’amuse, on rigole, ça rend les choses plus faciles. Pour moi, c’est une fête ! » Chey danse depuis 2008, et est aujourd’hui danseur professionnel. Comme Break Bern, il a rejoint l’Arcopom Crew récemment. Il commence à exécuter quelques mouvements au sol.
Pour Break Bern, l’échauffement s’interrompt de temps en temps par des poignées de mains et des accolades. Car le seul Espagnol francophone de l’équipe est un local, à Nantes. Il a habité sept mois ici, et s’est fait des amis parmi l’équipe de Pick Up Production. Ses deux comparses confirment : « Bernie, il connaît tout le monde ici ! Et plus on voyage, plus on connaît de personnes. » Eux aussi croisent des connaissances. Le monde de la danse hip-hop a l’air petit, vu du lieu unique. Un peu partout des danseurs s’interpellent. Les « How are you, what’s up ? » fusent dans toutes les langues. Peu à peu, l’échauffement devient plus acrobatique, comme cette figure exécutée par Break Bern sous les yeux de Shyno.
Le trio espagnol continue son échauffement, tout en jetant des coups d’œil à l’écran géant. Chacun s’exerce, pose quelques figures, et s’arrête pour observer les battles qui ont lieu. Break Bern, lui, est « bien motivé. Un petit peu nerveux, mais être nerveux, ça aide ! » Sans qu’ils s’en aperçoivent, une heure a déjà filé. Il est à présent 15h, et les trois membres de l’Arcopom Crew ne sont toujours pas passés. L’excitation est palpable. Shyno fait quelques mouvements de danse à la Michael Jackson, pour rigoler, tout en discutant avec Chey et Break Bern. Shyno n’est jamais avare d’une bonne vanne à servir à ses amis.
15h06 :
Les danseurs de l’Arcopom Crew sont appelés pour concourir face à trois danseurs parisiens du Bad Trip Crew. Dj Cléon lance le son. Sous les projecteurs, c’est aux danseurs de s’exprimer. C’est Shyno qui ouvre le bal. Ensuite, Parisiens et Espagnols se renvoient la balle face au jury.
L’enjeu est simple : parmi la quarantaine de crews présents en qualifications, seuls quatre seront sélectionnés pour s’affronter. À la clef : deux places dans les phases finales du soir. Alors effectivement, comme le disait Chey quelques minutes avant d’entrer en scène, « chaque passage est une finale ». Les trois Espagnols jouent la carte de la déconne et se chambrent entre eux, mais aussi leurs adversaires dans le cercle. Une accolade de remerciements entre les deux équipes et c’en est déjà fini. En moins de cinq minutes, ils ont dû prouver qu’ils méritaient leur place parmi les quatre sélectionnés. Break Bern, Chey et Shyno quittent le carré de béton dans la lumière, essoufflés mais contents.
Une nouvelle attente commence pour les danseurs de l’Arcopom Crew. Celle des résultats. Chacun occupe son temps et récupère à sa façon. Shyno est étrangement silencieux. Lui qui ne perd pas une occasion de blaguer est assis en tailleur dans son coin, les yeux fixés sur l’écran d’une minuscule caméra. « Je l’avais donné à quelqu’un au bord du cercle avant qu’on ne commence à danser. Comme ça, je peux voir ce que j’ai fait. Même si tout est filmé, avec ça je peux le voir tout de suite et me corriger. Même s’il y a eu quelques erreurs, la vibe était bonne ». Il se plonge à nouveau dans son visionnage, au milieu du bruit environnant. Les battles se suivent, sous les acclamations du public. Break Bern et Chey discutent, rejoignent Shyno et débriefent sur leur performance. La tension retombe, tout doucement.
Le temps passe. Break Bern, c’est le danseur réfléchi du groupe. Peut-être un peu trop. « Je réfléchis beaucoup, alors je vais essayer de me relaxer un peu quand même », glisse-t-il. Les trois comparses sont à présent assis par terre, en attendant les résultats, toujours un œil sur l’écran géant. Car les délibérations sont pour bientôt. Chey reste silencieux, concentré sur son téléphone. « Je ne sais pas si on a été assez bons, mais il faut se préparer, au cas où », précise Shyno, qui s’étire et masse les épaules de Break Bern, qui a l’air toujours un peu tendu, mais souriant. « Là, on affronte quarante crews d’un coup, pas seulement le crew contre lequel on tombe dans le cercle », développe-t-il. Sans le dire, tous l’ont bien en tête : seules quatre équipes sur quarante pourront espérer danser le soir même.
15h55 :
Le jury prend vingt minutes pour délibérer, et libère le public des gradins, mais laisse encore les interrogations planer pour les danseurs. Ils se rhabillent, et profitent de la pause pour aller au photocall, à quelques pas seulement de là où ils se sont échauffés et entraînés tout l’après-midi avant et après leur battle. Un sourire, une pose, pour un cliché souvenir, quelque soient les résultats.
16h15 :
On y est. Le jury est de retour pour annoncer son verdict. Shyno a remis sa casquette noire, Chey a renfilé sa chemise par-dessus son t-shirt, et Break Bern porte son sweat homonyme sur le dos. Les trois danseurs espagnols se lèvent pour faire face à l’écran géant.
« Arabiq Flavor
Créteil Style
La Smala
Soul Mavericks »
Les quatres noms des crews qualifiés ont résonné les uns après les autres dans la salle du lieu unique. La clameur du public salue chaque nom énoncé. Et à chaque nom, quelque part dans la salle, trois danseurs se félicitent, pendant que d’autres placent un espoir dans l’annonce suivante.
Il y avait un très gros niveau
Pour l’Arcopom Crew, la compétition en 3vs3 Crew se termine à 16h16. Tous trois applaudissent la victoire des autres équipes. L’espace d’un instant, la déception passe sur leurs visage. Mais le sourire et l’envie reprennent le dessus, alors qu’ils se félicitent les uns les autres pour leur performance.
Comme le dit Break Bern, « il faut perdre pour s’améliorer. C’est une bonne excuse pour bosser encore plus. » Chey renchérit : « Pas de problème, c’est ça, les battles ! C’est une motivation pour s’entraîner plus quand on rentrera à la maison. » Et le programme pour la suite est plutôt simple : « Assister aux battles, manger et profiter ! » Même son de cloche pour Shyno. « Ceux qui ont gagné l’ont mérité, il y avait un très gros niveau. C’est toujours un risque de venir à un événement comme ça uniquement pour la compétition. On peut perdre, mais c’est surtout une leçon pour travailler après. Maintenant, je compte profiter, regarder, danser et m’amuser ! » confie-t-il.
En quelques minutes, ils ramassent leurs affaires et partent manger. Le soir, ils ne manqueront pas les phases finales. Ni l’after party animée par Para One. Pour l’instant, rideau.
Le concours 1vs1 BBoy
Quelques heures plus tard, le concours 1vs1 BBoy commence, peu après 19h. Si Shyno et Chey sont dans les gradins avec leurs sacs à dos depuis plusieurs minutes, en bonne place pour ne pas rater une miette du spectacle, il y en a un qui est toujours accroupi sur le béton de la salle du lieu unique, l’air songeur.
Toute la journée, il a eu cet air pensif avant de rentrer dans le cercle. Break Bern observe les autres danseurs qui s’exercent avec lui, à côté de l’entrée du cypher. Un breakdancer de Rodin. Une place s’est libérée dans la compétition 1vs1 BBoy. « Quand on me l’a dit, ça allait, j’étais tranquille. Petit à petit ça m’a rendu un peu nerveux, mais après avoir discuté avec les gars ça va mieux, je ne suis plus trop stressé. Le but, c’est de bien m’exprimer, de bien danser comme je sais le faire. »
Il s’échauffe quelques minutes encore. Il est le premier à passer en huitième de finale, contre le Portugais Lagaet. Chacun a trois passages pour convaincre le jury et aller en quart de finale. DJ Marrrtin envoie le son.
Mais c’est Lagaet qui remporte la victoire. Pour Break Bern, la compétition est terminée, sans trop de regrets. « J’ai réussi à être calme », souffle-t-il en sortant du cypher, « et j’ai réussi à danser comme je le voulais, pour moi c’est gagné ! », poursuit-il en s’essuyant le visage. Le temps de boire un coup, de reprendre son souffle, il regarde la suite des battles. Un peu plus tard, il ira retrouver Shyno et Chey.
Pour eux, la soirée ne fait que commencer. Après seulement, ils rentreront en Espagne.
Texte et propos recueillis par Marie Jousseaume
Photos : Xoel Freire
Vidéos : CLAC / Hip OPsession
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