
Entretien
Jacco Gardner, la musique sous toutes ses formes
Avant son passage à Stereolux samedi 5 décembre, Jacco Gardner, le prodige néerlandais de la folk psychédélique, s’est arrêté pour nous parler de musique, de créativité, de ses influences et de ses envies.
Jacco Gardner fait partie de ces musiciens qui ne sont pas nés dans la bonne époque. A peine 27 ans au compteur et le Néerlandais maîtrise la folk psychédélique à merveille, si bien que les références et les comparaisons aux artistes culte des sixties tels que Syd Barrett fusent. Jacco Gardner s’est d’abord fait remarquer avec l’album Cabinet of Curiosities, sorti en 2012, dont est extrait le single Clear The Air. En 2015, il publie un second disque acclamé par la critique, Hypnophobia (sur le label Full Time Hobby, distribué par PIAS en France). Depuis 2012, le Batave est sur la route, entre l’Europe et les États-Unis, pour partager sa musique. Samedi 5 décembre, il était de passage à Stéréolux, l’occasion pour Fragil de discuter avec lui.
De la musique et des images
Fragil : J’ai lu dans certaines de tes interviews que tu étais très attaché aux arts visuels, que pour toi la musique est connectée à ce que tu vois dans ton esprit, et tu as même dit que tu aimerais réaliser un film. Quelle est ta relation avec le cinéma ? Est-ce une grosse influence ou cela reste-t-il un hobby ?
Jacco Gardner : Oui, regarder des films est un loisir pour moi. Mais c’est aussi lié à ce que je fais : il y a tant de musique dans les films et elle a une fonction spécifique. J’arrive à rentrer dedans et à m’y sentir connecté. Donc c’est un hobby, j’aime en regarder, mais j’ai un goût cinématographique particulier, je crois.
Fragil : C’est-à-dire ?
J.G. : C’est comme la musique, j’en apprécie pour telle raison et d’autres pour telle autre raison. C’est la même chose avec les films, il y a certains films que j’aime parce qu’ils sont visuellement très plaisants, surtout les vieux films.
Fragil : Qu’en est-il des images que tu diffuses derrière toi lors des concerts ? C’est le genre de choses que tu aimes regarder, cela fait-il partie de tes influences ?
J.G. : J’utilisais des morceaux de films dans ces visuels, notamment des extraits des premiers films de Georges Méliès, des films des années 20 ou 30, de très vieux films. Mais je les ai mis à jour avec des visuels plus récents. Ça marchait plutôt bien mais je sentais qu’il fallait des visuels plus en adéquation avec ma musique.
Fragil : Tu as réalisé un de tes clips vidéo (Clear The Air), tu en as monté un autre (Summer’s Game). Comment cela t’est-il venu ?
J.G. : La musique que je fais est très visuelle et c’est très subconscient. Quand j’entends de la musique ou quand je suis inspiré, cela semble venir d’un endroit dans mon esprit qui n’est pas uniquement du son, ni uniquement des images. Mais c’est connecté, comme deux mélanges l’un dans l’autre, c’est pourquoi je ressens que ma musique et que les images viennent de ce même endroit. Donc dans ce sens-là, la musique devient rapidement très visuelle parce que j’aime induire certaines images ou jouer un peu avec cela. Donc utiliser des vidéos ou faire des vidéos par moi-même pour illustrer ma musique est un moyen de montrer cela aux autres. Ça me vient rapidement parce que c’est MA musique et que cela vient de cet endroit dans MON esprit. C’est très facile d’ajouter certaines choses pour améliorer un peu l’ambiance et amplifier l’effet de la musique, pour que cela devienne plus facile aux autres de la comprendre et de l’apprécier.
Fragil : As-tu des compositeurs préférés en termes de bandes originales ?
J.G. : J’en aime tellement. Ennio Morricone est l’un des plus grands. Beaucoup de gens ne le connaissent que pour les westerns, mais il a fait beaucoup de choses psychédéliques aussi, que j’aime beaucoup, et des trucs d’horreur vraiment cool.
Ennio Morricone est l’un des plus grands. Beaucoup de gens ne le connaissent que pour les westerns, mais il a fait beaucoup de choses psychédéliques aussi
J’aime beaucoup la musique de François de Roubaix. Il y a aussi Alain Goraguer, il a fait la bande originale incroyable de La planète sauvage, un film d’animation français. Ou encore la bande originale de Valérie au pays des merveilles, un film tchèque, composée par Luboš Fišer. Sa musique est géniale et vraiment bonne. Cela marche tellement bien avec le film que c’est presque comme si la musique était la plus importante dans cette expérience… J’aime les films dans lesquels la musique a beaucoup de pouvoir, où cela n’est pas simplement une bande-son dans le fond. Goblin est un groupe italien qui faisait du rock un peu progressif et qui a fait la bande originale de Suspiria, l’un de mes films préférés. Ils sont très bons et c’est important pour moi de les mentionner.
Expérience immersive
Fragil : Tu as écrit toutes tes chansons, as-tu ce même rapport avec la littérature et les mots ?
J.G. : J’adore améliorer l’expérience de lecture avec de la musique mais c’est différent des films parce que le rythme n’est pas le même. Les films sont un moyen plus direct. Si j’écoute de la musique en lisant un livre, cela peut très bien marcher et cela donne clairement une ambiance. Si je finis le livre, je repense à l’histoire, je repense aussi à la musique et à l’ambiance que cela a créé. J’aime lire mais je travaille la plupart du temps, et quand je ne travaille pas, j’essaie juste de me relaxer. Quand c’est le cas, je ne vais pas nécessairement attraper un livre et le lire. La plupart du temps quand je suis en tournée, à l’intérieur du van, je préfère écouter de la musique et regarder à travers la vitre, rêver ou penser plutôt que de lire et de fixer un objet alors que l’on traverse ces paysages et que l’on bouge tout le temps. Mais oui, j’aime la littérature ainsi que d’autres formes d’art comme les jeux vidéo auxquels je joue parfois.
Fragil : Vraiment ?
J.G. : Oui, j’aimerais faire de la musique pour des jeux vidéo, ce serait vraiment cool. Quand tu joues à un jeu vidéo, tu dois t’ouvrir à certaines choses. Certaines personnes qui commencent à jouer n’accrochent pas et se disent « Ça n’est pas pour moi ». Ça, c’est valable pour la plupart des gens, mais d’autres franchissent cette étape et comprennent vraiment le jeu, et ils s’ouvrent à ce que le créateur recherchait. Tu entres dans cette ambiance qui peut être bien plus immersive que d’écouter de la musique, lire un livre ou regarder un film parce que tu fais vraiment partie de tout ce qui se passe : c’est bien plus interactif. Et la part que la musique joue dedans est vraiment géniale. Je n’ai jamais essayé de faire de la musique pour un jeu vidéo mais j’aimerais essayer un jour.
Fragil : As-tu un jeu vidéo particulier en tête ?
J.G. - J’aime ce jeu vidéo appelé Limbo par exemple. Il n’y a pas trop de musique dedans. Parfois c’est un dessin ou juste des sons, surtout des puzzles avec des sons mais l’atmosphère de ce jeu est tellement évidente que ça en fait le gros du jeu. Ce sont des puzzles avec une atmosphère géniale dont tu fais partie. C’est plutôt ce genre de truc que j’aimerais faire : plus indépendant, plutôt sombre, un peu expérimental ou surréaliste. J’adorerais faire un jeu vidéo avec de la réalité virtuelle comme Google Cardboard.
J’adorerais faire un jeu vidéo avec de la réalité virtuelle comme {Google Cardboard}
Ajouter de la musique ou du son à quelque chose qui serait l’expérience la plus immersive qui soit. J’adorerais faire ne serait-ce que le design sonore. Tout ce qui est réalité virtuelle est en train d’exploser en ce moment , donc espérons que je puisse être de la partie un jour.
Fragil : Dans une vieille interview, tu as dit que tu aimerais réaliser un film, monter ton propre label, donc à présent, on peut ajouter « Faire de la musique pour un jeu vidéo » à cette liste ?
J.G. : Pourquoi pas !? (rires). Le truc est que j’aimerais faire ces choses tout autant. J’ai beaucoup d’idées, mais je n’ai pas d’expérience ni de connaissances dans ces domaines. J’aimerais donc travailler avec quelqu’un qui soit ouvert à mes idées, qui soit sur la même longueur d’ondes que moi. Peut-être que je ne ferai que des suggestions pour que la musique ait un rôle plus évident dans le film ou que les scènes soient plus fortes. J’aimerais participer à un projet de film, mais sans pour autant totalement prendre le rôle du réalisateur parce que je ne suis pas expérimenté, je ne l’ai jamais fait auparavant.
Profession : artiste en tournée
Fragil : Après la sortie de Cabinet Of Curiosites (2012), tu as été en tournée pendant longtemps. Tu as eu une petite pause, mais comment vis-tu le fait d’être toujours en tournée ?
J.G. : Tu t’y habitues...Une partie de toi devient de plus en plus habituée à chaque fois que tu joues, tandis qu’une autre partie devient de plus en plus frustrée, au point que tu ne peux plus faire la tournée, tu deviens fou. Tu espères que ces deux parties vont s’annuler entre elles pour que cela soit impossible de se sentir frustré. Mais malheureusement, elles sont trop différentes. Si tu fais une tournée trop longue, tu perds l’attache à la réalité et ta vie ne tourne qu’autour de cela…Je n’ai eu qu’une petite pause, cela a été vraiment très intense…
Fragil : Penses-tu pouvoir garder ce rythme ?
J.G. : L’année prochaine, je pense prendre un peu de vacances. Du temps pour me concentrer sur d’autres projets afin d’élargir mes horizons. J’espère que je voyagerai et que je me mettrai en contact avec d’autres genres de musique et d’autres cultures, plutôt que de me limiter à ce que je vois en tournée. Les choses que j’ai vues et vécues sont incroyables, c’est une bénédiction, mais j’aimerais voir des choses moins liées à ma musique et être inspiré par tout cela.
Fragil : Entre Cabinet of Curiosites et Hypnophobia, tu as signé chez Full Time Hobby (ndlr : label basé à Londres, représentant Jacco Gardner dans le monde en dehors de l’Amérique du Nord et du Benelux). Mis à part les accords financiers, qu’est-ce que les labels t’apportent ? Quelle est ta relation avec eux ?
J.G. : Ils ont l’habitude de travailler avec des artistes comme moi, ils sont assez indépendants. Pour certains artistes, ils en font bien plus qu’ils n’en font pour moi. Je suis surtout en contact avec eux pour discuter de leurs idées, par exemple pour faire une affiche spéciale. Comme ce que j’avais fait pour Polyvinyl (ndlr : label basé à Chicago, représentant Jacco Gardner pour l’Amérique du Nord), c’est-à-dire une série de singles sur une cassette 4-pistes avec onze autres de leurs artistes qui avaient tous écrit une chanson pour ce projet. J’ai vraiment apprécié un projet comme celui-là. Mais parfois, quand un label veut faire une réédition de l’album, ils demandent s’ils doivent faire une édition colorée ou pas, et je sais, dans un sens, qu’ils veulent faire ça parce qu’ils ont besoin de… Ils aiment donner une raison aux collectionneurs d’acheter un nouvel album.
Si tu fais une tournée trop longue, tu perds l’attache à la réalité
Fragil : C’est un peu mon cas ! Tu te sens coupable d’une certaine manière ?
J.G. : Exactement ! Parce que moi aussi, je suis collectionneur, et donc je me sens coupable de faire de l’argent en me servant de l’addiction des gens qui aiment aussi collectionner (rires). Mais j’essaie d’équilibrer les choses. Parfois je dis « Non, je ne suis pas d’accord avec ça », mais la plupart du temps, leurs idées fonctionnent plutôt bien avec les miennes.
Fragil : Donc personne n’essaie de te corrompre et ne t’oblige à penser qu’au business ?
J.G. : Non, non, non ! (sourire) J’ai un manager (ndlr : Niels Post) avec qui je travaille depuis le début et il me soutient totalement dans tout ce que je fais. Si je décidais d’arrêter la musique pour faire… je ne sais pas, n’importe quoi ! Eh bien, il me soutiendrait toujours et ça, c’est vraiment bien.
Nous sommes interrompus à ce moment-là par l’ingénieur du son de Jacco Gardner, lui posant une question en néerlandais. Jacco s’excuse et m’explique la situation.
J.G. : Il me demandait si j’avais préparé l’ordinateur pour Michael Rault (ndlr : qui jouait en première partie), parce qu’ils utilisent mon micro voix et j’ai mes propres effets sur mon ordinateur. J’ai chargé un nouveau patch qui sonne bien avec leur musique.
Fragil : D’ailleurs, comment as-tu connu le groupe du Canadien Michael Rault ?
J.G. : Ils faisaient ma première partie à Philadelphie quand j’y ai joué plus tôt cette année, en mars (ndlr : c’était en juin). On me les avait suggérés pour qu’ils fassent la première partie, j’ai écouté et j’ai vraiment aimé. Puis plus tard, nous avons vu un autre de leur concert quand nous étions à New-York. Nous n’y jouions pas, nous avons regardé leur performance et c’était vraiment bien. Puis nous nous sommes revus à Toronto. J’ai ensuite eu l’idée de les faire venir pour un festival où j’étais curateur en novembre, le mois dernier (ndlr : Le Guess Who, en novembre, à Utrecht, ndlr). Il s’avère que nos agents se connaissent bien et ils ont suggéré, en plus du festival, de faire toute la tournée ensemble. La tournée est vraiment sympa, ce sont des mecs très bien et leur musique est vraiment cool aussi.
Se sentir vivant
Fragil : Tu étais ici à Stereolux, il y a deux ans pour le festival des Inrocks, pas dans la salle Micro mais dans la Maxi, tu t’en souviens ?
J.G. : Je me souviens de notre arrivée ici, je pense qu’on avait fait la fête la veille parce que les Anglais de London Grammar étaient allongés sur les canapés violets psychédéliques (ndlr : dans les loges de Stereolux), complètement cassés et perdus, en train d’essayer de dormir. Je me souviens que c’était une soirée sympa. Ce n’était pas aussi intime que ce soir parce que c’était bien plus grand et qu’il y avait plein de gens de tous les autres groupes, c’était plus comme un festival itinérant mais c’est vraiment cool de revenir ici pour un concert complet. Je ne savais pas que c’était complet, je l’ai appris aujourd’hui. Je reviens d’Allemagne et là-bas, le nombre de billets le plus bas que l’on ait vendu à l’une des salles était de six…Seulement vingt personnes sont venues ! On a joué dans des plus petites salles en Allemagne cette fois, mais habituellement, quand on joue à Berlin, c’est complet. Quand on joue à Munich ou Hambourg, plein de gens viennent aussi, on a été complets pour l’une des deux villes. C’est rafraîchissant d’arriver ici depuis l’Allemagne. Hier, la date à Nancy était incroyable, il y avait ces filles qui criaient et qui essayaient de monter sur scène. C’était dingue et je me disais « Wow, c’est très différent de l’Allemagne », là où les gens ne connaissent pas trop ma musique. Avant cela, à Sheffield, pendant la tournée en Grande-Bretagne, il y avait peut-être cinq personnes dans une grande salle et tout le monde s’en foutait. Il y avait cette ambiance bizarre, c’est très démotivant. Et maintenant on arrive ici et je suis presque une pop-star ! Je me dis « Pourquoi je ne joue pas uniquement en France ? »
En France, les gens viennent pour cette addiction à la vie qui est peut-être l’addiction la plus saine que l’on puisse avoir
Fragil : On dit que le public nantais est parfois difficile à faire bouger, tu t’attends à quoi ce soir ?
J.G. : Mes attentes sont assez élevées maintenant parce qu’hier c’était de la folie. Ce n’était pas complet mais la foule était vraiment dingue. Ça m’a rendu vraiment très heureux et très excité d’être de retour en France.
Fragil : Je n’essaie pas de te faire peur...
J.G. : C’est une bonne chose de me l’avoir dit, je peux revoir mes attentes un peu à la baisse et m’attendre à un public plus exigeant que d’habitude. On a commencé à jouer à Strasbourg, qui était vraiment cool aussi. Près d’une centaine de personnes a acheté du merchandising par exemple. Il y avait une longue file d’attente, j’ai vendu la moitié de mon stock, maintenant je n’ai plus aucun vinyle. Tout est parti. Mais j’ai remarqué ce soir-là à Strasbourg, et chaque fois que je joue en France, que les gens viennent vraiment pour ce sentiment de vivre et de vraiment profiter de leur passion. Les Néerlandais ne ressentent pas trop ça quand il s’agit de concerts, pareil pour les Allemands. En France, les gens viennent pour cette addiction à la vie qui est peut-être l’addiction la plus saine que l’on puisse avoir.
Fragil : D’ailleurs, le 7 décembre, tu joueras au Café de la Danse à Paris, magnifique salle, dans le 11ème arrondissement, tu sais où ça se trouve ?
J.G. : C’est très proche du Bataclan.
Fragil : Je ne vais pas te demander comment tu te sens par rapport à ce qui s’est passé, mais… (il m’interrompt)
J.G. : C’est exactement pour cela que je te parlais de cette volonté des Français de de sentir vivants. C’est aussi quelque chose que je recherche quand je joue, je veux me sentir vivant et je veux leur montrer ce qu’ils cherchent tout autant. La musique, c’est ma passion et c’est leur passion, donc si quiconque se met en travers, je serai prêt à me sacrifier.
La musique, c’est ma passion et c’est leur passion, donc si quiconque se met en travers, je serai prêt à me sacrifier
Je n’ai pas peur de ce qui pourrait arriver, je ne vais pas changer mon style de vie à cause de personnes qui essaient de se mettre en travers de mes passions. Et je pense que beaucoup d’artistes qui n’ont pas annulé leur tournée seraient d’accord avec ça. Parce que des personnes essaient d’arrêter ou d’entraver la chose que tu aimes le plus au monde et qui donne du sens à ta vie, je pense qu’il y a quelque chose qui ne va pas. ce qui donne du sens à ta vie doit valoir le coup de mourir. Tu n’es pas d’accord ?
Fragil : Bien sûr que si.
J.G. : Et je pense que tout le monde devrait être d’accord avec cela, et les gens qui ont fait ces choses horribles sont probablement d’accord… Ils sont passionnés et ils mourraient pour cela. Cela peut être quelque chose d’horrible, mais aussi quelque de chose de beau, ce qui est un paradoxe en soi. Dans l’ensemble, j’essaie d’envisager ce concert comme n’importe quel autre concert. Et c’est aussi ce que les gens recherchent. Ils ne veulent pas qu’on leur rappelle ce qui s’est passé, ils veulent oublier aussi vite que possible. Ils veulent oublier émotionnellement, parce que ce n’est pas agréable de ressentir cette peur lorsque l’on essaie de vivre. S’inquiéter de la mort alors que tu profites de la vie n’est pas une bonne chose. Pour n’importe qui, dans n’importe quelle situation. C’est toujours une mauvaise idée de s’inquiéter de la mort alors que tu vis ta vie.
De l’importance de la musique et des parcs d’attraction
C’est toujours une mauvaise idée de s’inquiéter de la mort alors que tu vis ta vie
Fragil : Donc la culture, la musique, c’est ce qui est le plus important dans ta vie ?
J.G. : Oui, la musique est ma vie. Je ne fais rien d’autre. Je regarde des films mais il y a de la musique dedans. Je joue parfois à des jeux vidéo, il y a encore de la musique. Je ne peux pas m’éloigner de la musique, parce que c’est toute ma vie, je rêve de musique…C’est un talent que j’ai et qu’il serait dommage d’ignorer. Si tu vis ta vie et que tu te découvres un talent, alors l’ignorer et faire autre chose… eh bien les personnes religieuses diraient que c’est ignorer un don. Je ne suis pas la personne la plus religieuse au monde mais je pense que c’est pourtant vrai (rires). On doit faire ce pour quoi on est passionné et doué. Et on est le plus souvent doué pour les choses qui nous passionnent. Dans un sens ou dans l’autre.
Fragil : Revenons à ce que tu as dit auparavant. Un jour, tu aimerais, si l’occasion se présente, avoir un label. Quels groupes aimerais-tu y voir ? Quel genre de musique ?
J.G. : Cela engloberait tous les genres de musique différents que j’écoute. C’est généralement de la folk, du krautrock, des pionniers du synthé ou des bandes originales de films d’horreur. J’écoute parfois de la pop psychédélique, de la musique garage et beaucoup de rythmes africains, des trucs groovy comme de la musique psychédélique turque ou iranienne. Il y a beaucoup de bons trucs qui circulent. Je ne sais pas vraiment mais des choses comme celles-ci trouveraient probablement leur place dans un label.
Fragil : Et tu as des groupes en tête par exemple ? Des futures pépites qui ont attiré ton attention et que l’on doit surveiller de près ?
J.G. : Tout d’abord, je dois dire que je ne suis pas vraiment sérieux quand je parle de démarrer mon propre label. J’aimerais le faire mais en ce moment, je suis plutôt content avec les labels dont je fais partie et je vais poursuivre avec eux pour quelques albums. Mais si je devais choisir des artistes, il y a par exemple Frank (ndlr : Frank Maston), au clavier avec moi, il a un projet solo appelé Maston et il travaille sur des choses que j’ai entendues et cela prend une bonne tournure. Quand il sortira quelque chose, cela vaudra le coup de jeter un œil. Et c’est pareil pour n’importe quel membre de mon groupe, s’ils sortent quelque chose, ce sera sûrement très bien parce qu’ils ont de bons goûts.
Fragil : Justement, tu as l’habitude de tout faire par toi-même en studio, sauf la batterie, et tu leur fais confiance sur scène avec des choses que tu sais pourtant faire, mais tu es obligé de déléguer sur scène. Quelle est ta relation avec eux ?
J.G. : Leurs goûts sont différents des miens parfois, mais c’est inévitable si tu travailles avec différentes personnalités. Notre live est devenu différent de l’album mais cela marche aussi bien voire mieux dans certains cas. Donc je suis très content de la manière dont cela se passe en ce moment.
Notre {live} est devenu différent de l’album mais cela marche aussi bien voire mieux dans certains cas
Des gens avec de tels goûts ont leurs propres ambitions ou projets. C’est très dur de combiner cela avec une tournée avec moi, qui est toujours très chronophage et qui implique de se dévouer au projet de quelqu’une d’autre. Le seul moment où on a le temps pour travailler sur quelque chose, c’est sur la route ou en arrivant à la salle, même si une tournée en France est plutôt relax. Par exemple, en arrivant ici, nous avons eu un peu de temps pour simplement nous prélasser sur le canapé, écouter quelques mixes que l’on a pu faire, jouer de la guitare et même enregistrer des trucs. Les tournées aux États-Unis sont très différentes, plus mouvementées, et il n’est alors pas toujours possible de bosser sur des projets pendant une longue période. Je ne serais pas capable de faire cela en ce moment parce que cela signifierait faire un énorme compromis sur mon propre projet. Même si j’aimerais jouer dans un autre projet car ce serait très libérateur de ne pas avoir tous les projecteurs tournés sur moi tout le temps… (rires)
Fragil : Tu as des projets en tête ?
J.G. : J’avais des idées, par exemple, il y a ce parc à thème aux Pays-Bas qui s’appelle Efteling, c’est le parc d’attractions le plus psychédélique du monde. Il a été une sorte d’inspiration pour Disneyland. Toutes les attractions tournent autour des contes de fées, avec des fées qui bougent, des lumières étranges et une musique étrange. Certaines attractions sont juste faites pour être admirées. Il n’y a pas de montagnes russes ou rien dans ce genre, ils ont juste fait des trucs qui sont cool et qui bougent.
Efteling, c’est le parc d’attraction le plus psychédélique du monde. Une sorte d’inspiration pour Disneyland
Fragil : A propos de cela, as-tu vu les Machines de l’Île ou le Carrousel des Mondes Marins à Nantes ?
J.G. : Oui, la dernière fois j’ai vu l’éléphant se balader dans la rue.
Fragil : Et que voudrais-tu faire dans un parc d’attractions comme Efteling ?
J.G. : Peu importe tant que c’est lié à la musique. Il y a de la musique pour toutes les attractions. J’aimerais être le curateur ou le parrain de tout cela pour un mois, une semaine, ou même une journée. Faire de la musique spécialement pour ces attractions. Afin que des gens puissent vivre cela le temps d’une journée avant de retourner à ce qu’ils faisaient. Peut-être qu’ils vendraient des tickets en plus grâce à cela.
Fragil : A Nantes, 20Syl, du groupe C2C, propose souvent des expériences musicales et visuelles. Des projections sur le Château des Ducs de Bretagne, et le mois dernier, c’était une rampe de skateboard musicale ici-même à Stereolux. Cela a été très bien reçu à chaque fois.
J.G. :Peut-être que je le ferai en France alors ! Je suis plus connu ici qu’aux Pays-Bas, les gens seraient vraiment contents ! Peut-être y a-t-il un aquarium ou un monde sous-marin qui pourrait bénéficier de ma musique ? Mais j’aimerais faire quelque chose qui fonctionne bien avec un autre univers étrange et immersif différent de ce que l’on voit tous les jours. Cela me ferait une distraction de la tournée, et cela pourrait être très inspirant.
Toutes les photos du concert sont disponibles sur cette galerie FlickR.
Propos recueillis par Mourad Ghanem
Photos : Mourad Ghanem
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