Une semaine de concerts entre Bar-Bars et Pôle Etudiant
La musique live à Nantes : en vie
Paris et la France ont vécu un enfer ces dernières semaines. L’humanité, la culture, la musique et la vie, tout simplement, ont été touchées. Le réveil a été difficile pour tout le monde, et a fortiori pour les lieux de diffusion - salles et cafés-concert. Retour sur une semaine de musique live à Nantes, entre le festival Culture Bar-Bars et le Pôle Etudiant, dans des lieux où la vie frémit, plus que jamais.
Le festival Bar-Bars promet chaque fin novembre depuis 14 ans de faire vibrer de musique, d’expositions, de rencontres et de spectacles en tous genres les bars et cafés de toute la France. Au vu des circonstances, un tel événement aurait pu être annulé par les organisateurs ou les autorités, mais ce ne fut pas le cas, et tant mieux. Le Collectif Bar-Bars s’était justement promis, à travers un communiqué de presse touchant, de nous faire sortir et surtout de nous faire profiter de la vie après tout cela… Avec plus de 300 concerts dans près de 80 lieux en comptant uniquement Nantes, on peut dire que le défi est réussi !
Avec autant de concerts, d’expos, d’activités, le plus difficile est de faire son choix parmi toute la programmation proposée. Aller à son bar préféré, ou se fier à la petite description de l’artiste dans le programme ? Programmer toute sa soirée comme une horloge suisse, ou flâner ? Suivre la foule ou plutôt se trouver un petit bar vide ? Pas vraiment de réponse à ces questions, un mélange de tout cela était peut-être la meilleure solution. Un moyen de goûter aux différentes ambiances de cet événement.
Lythium & Light, so British
Nous faire sortir et surtout nous faire profiter de la vie après tout cela
Et on commence justement jeudi soir, 21 heures. Après un passage éclair chez un ami pour récupérer un appareil photo, j’arrive un peu en retard au Big Ben pour voir Oliver Light : ce sera en fait Lythium & Light, la version duo de guitares. Olivier est accompagné sur scène par Benoît pour ce qui sera mon premier concert du festival Bar-Bars. Dans l’arrière-salle, les deux musiciens font face à une petite vingtaine de personnes, des amis, des curieux ou encore des habitués du bar. Et les deux garçons sont à l’aise dans leur set, alternant entre compositions et reprises. De ce côté-là, on retrouve du Bowie avec The Man Who Sold The World, déjà reprise auparavant par Nirvana notamment, mais le groupe revisite également The Cure, The Rolling Stones ou encore Oasis avec l’inévitable Wonderwall. Chanson qui a permis à la tenancière d’abandonner son bar pour se déhancher l’espace de quelques minutes.
Du côté de leurs compositions, on ressent effectivement l’influence de ces groupes, et un côté british qui va jusque dans la tenue portée par Oliver : chemise blanche, veston noir, petit chapeau. Classy. Malgré la bonne ambiance régnante, on note tout de même quelques approximations côté musical, à savoir des effets larsen, une guitare parfois trop forte, parfois pas assez. Même chose pour la voix, mais on ne leur en tiendra pas rigueur. L’essentiel est de partager leur musique, redonner le sourire aux gens et les emmener dans une balade rock. Mission réussie pour les deux garçons.
Back Door Men, on the blues road
En parlant de balade, il est justement temps d’arpenter le pavé des rues Kervégan et Bon-Secours, où il y avait le choix encore une fois. Le but pour moi ce soir est de me remémorer un amour perdu, la photographie. Alors plutôt que de serrer au Café Rouge Mécanique, plein pour l’occasion, c’est direction le Road House, où le concert inaudible de l’extérieur nous donne tout de même une idée de ce qui s’y passe. Ambiance plutôt calme et posée, un bar non pas vide, mais suffisamment spacieux, parfait afin de pouvoir prendre quelques clichés malgré une lumière peu adéquate. Le Road House accueillait Back Door Men, mais au singulier.
Après avoir distillé sa musique dans tous les bars de Nantes depuis de nombreuses années, il s’est arrêté au Road House pour nous délivrer son blues, en parfaite adéquation avec le lieu
Thierry Gautier est seul sur scène ce soir-là, accompagné simplement de deux petites guitares. Après avoir distillé sa musique dans tous les bars de Nantes depuis de nombreuses années, il s’est arrêté au Road House pour nous délivrer son blues, en parfaite adéquation avec le lieu. On oubliera le côté agressif et carnivore que promettait le programme et on se contentera de profiter du concert, où le Back Door Man parvient à nous emmener en voyage avec lui à travers un blues parfaitement dosé et maîtrisé, logique avec tant de pratique. Une impression de prendre la route accentuée par le lieu, les vestes en cuir portées par les piliers du bar et la présence des nombreuses plaques minéralogiques posées au mur. Il est bientôt l’heure de laisser la place à Damage Done qui observait le bluesman depuis le bar. Et de mon côté, il est l’heure également d’abandonner le Village pour ce soir et de flâner.
The Cash Stevens rend hommage à la country
Après un interlude au lieu unique pour se ravitailler et trouver de nouveaux compagnons de bataille, direction le Délirium, où The Cash Stevens est sur scène depuis 21 heures. A peine le temps de commander, de s’installer et de sortir l’appareil photo pour quelques clichés que le concert se termine. Nous avons tout de même pu apprécier la qualité musicale et scénique proposée par le groupe nantais vieux de presque dix ans. Une musique folk, voire même country, mais la vraie, celle que l’on aime, celle d’antan. Pas pour rien que leur nom fait référence à celui de la légende Johnny Cash.
Une musique folk, voire même country mais la vraie, celle que l’on aime, celle d’antan
Le groupe est rodé, à l’aise et ne se laisse pas surprendre, chose peu évidente au Délirium, lieu assez en désaccord avec leur musique. Ajoutons que la scène située dans le coin, au fond, près des sanitaires, n’offre pas les conditions parfaites pour captiver la salle. La plus grande partie de la foule est au bar à discuter ou tenter de commander, une autre partie est à la terrasse tandis qu’une trentaine d’âmes écoute et danse avec The Cash Stevens. Après près de quatre heures sur scène, plus que quelques morceaux et le groupe remballe tranquillement. On restera tout de même une petite demi-heure à profiter de la terrasse avant que le bar ne ferme. Pile le temps de discuter avec de vieux et moins vieux amis, de partager les photos prises, de décider de la suite du programme et surtout de se dire que la soirée a été réussie avec ces trois concerts. De bon augure pour la suite du week-end.
Normandie : du rock psyché de Mantra Mond aux sautillements d’Elecampane
Samedi soir. Au Café du Cinéma, le duo Mantra Mond, originaire de Normandie, s’installe. Fidèles à l’ambiance du lieu, Léa et Xavier entonnent un rock psyché aux accents hypnotiques, elle aux fûts, lui à la guitare et aux effets. Les deux aux voix, pas toujours bien assurées, mais dont on savoure l’écho lointain sur ces boucles de batterie à contre-courant et ces guitares rappelant The Black Angels sous influence floydienne.
Le trio délivre dans le délire ambiant son power-rock hérité des nineties, quelque part entre Weezer et les Pixies
Culture Bar-Bars 2015 se terminera pour moi dans la salle minuscule et bondée du Bar du Coin où sévissent les invités de la team Rhum for Pauline. Ambiance potache, gros son et (très grande) chaleur humaine pour le set des Caennais d’Elecampane, dont les membres sont échappés des excellents Concrete Knives. Auteurs d’un EP, High Hopes, sorti en juin dernier, le trio délivre dans le délire ambiant son power-rock hérité des nineties, quelque part entre Weezer et les Pixies.
Bantam Lyons : espoir nantais
La claque de cette semaine de concerts est à coup sûr venue d’un groupe que les Nantais voient évoluer depuis bientôt deux ans, mais avec lequel Fragil a plusieurs fois manqué le rendez-vous : Bantam Lyons. On a vu les ex-Brestois dans des conditions sonores douteuses au Café du Cinéma, puis on les a ratés au festival l’Ère de Rien.
Depuis, ils ont fait partie des Inouïs du Printemps de Bourges, joué à Stereolux et aux Transmusicales de Rennes, et sont le coup de cœur du festival Culture Bar-Bars 2015 sans même y jouer. Il est grand temps de rattraper le temps perdu et de découvrir les deux prometteurs EPs du groupe sur la scène du Pôle Étudiant.
La nouveauté 2015 : le trio s’est vu rejoint par Benoît aux claviers, une manière de donner encore plus de substance pop aux mélodies habitées de Loïc, Maëlan et Samuel. Car le mot « habitées » n’est pas usurpé. Sans faire montre d’une énergie live qui déborderait sur la qualité des compositions, la basse est tendue comme chez Interpol et la guitare tantôt s’égrène à la Johnny Marr (The Smiths), tantôt se distord dans une noisy-pop qui fait honneur au shoegaze de la référence assumée Slowdive.
Mais toujours ce lyrisme urgent et luxuriant qui doit entre autres à l’impressionnante voix de Loïc
Mais toujours ce lyrisme urgent et luxuriant, proche de l’univers d’Arcade Fire, les cuivres, les cordes et l’effet choral en moins, et qui doit entre autres à l’impressionnante voix de Loïc. Une voix matérielle, parfois presque blanche, mais dont la chair donne la plupart du temps envie d’y plonger les mains pour toucher la corde sensible de leur musique. L’effleurer, la malmener, la tirailler un peu, mais sans jamais la trancher.
Textes : Mourad Ghanem et Sandrine Lesage
Photos Bar-Bars : Mourad Ghanem
Photos Bantam Lyons : Christian Chauvet
Bantam Lyons sera en concert aux Rockeurs ont du Coeur le 12 décembre à Stereolux et au Ferrailleur à Nantes le 23 janvier 2016.
Bloc-Notes
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