CINEMA
Osons le « gore nichon  » !
Retour sur la « Soirée à la con  » aux Ateliers de Bitche
Bien plus audacieux que n’importe quel journalisme d’investigation, un grand reportage de Fragil en immersion dans une soirée à la con en plein cœur des Ateliers de Bitche.
Après la mémorable et déjà mythique Soirée de la Transgression qui avait lieu l’an passé, l’Absurde Séance a donc souhaité remettre le couvert en proposant cette année une soirée sobrement intitulée « gore nichon » vendue sous l’étiquette de « Soirée à la con ». La date du 1er avril y était toute prédestinée.
Un premier film un peu ballonné
On démarre cette soirée avec le difficilement perceptible Wrath of the Crows, film italien d’Ivan Zuccon le bien nommé, inédit en France et interdit aux moins de 16 ans. Une sorte de huis clos pénitentiaire à l’esthétique qui rappelle les films de Christophe Gans. Oubliez tout de suite vos allusions à Midnight Express, on s’approche plus ici des cellules de Fort Boyard avec le casting entier d’une émission de télé-réalité qui s’entretue, se charcute les viscères, s’ampute, se flagelle, se lèche, se mord, se dévore, se déguste, et se digère. On ne peut que s’en réjouir. Une ode à l’anthropophagie qui n’est pas sans rappeler Trouble Every Day, le non moins digeste film de Claire Denis où l’on pouvait apprécier Béatrice Dalle ronger quelques tibias. À film italien comme s’en faisaient entendre quelques réflexions dans la salle, et au vu de l’image génétiquement Gansienne, ne manquait plus qu’à ce casting l’impeccable Monica Bellucci venant boulotter quelques coccyx. Mais à sa décharge, sa présence n’aurait fait qu’ajouter un sentiment de déjà vu avec le chef d’œuvre Irréversible où elle s’en prenait tout de même plein la gueule. Nous en resterons donc sur notre faim avec au menu ce scénario touffu et fourre-tout qui cache en embuscade un père Fouras un peu furax et des geôliers jouant les nazillons.
Un chef d’œuvre du cinéma de genre
Avec Pieces, cette soirée à la con a pris de la hauteur. Film de Juan Piquer Simón, Le Sadique à la tronçonneuse (autre titre alternatif) est une formidable pépite du cinéma espagnol. Avec dans le rôle-titre, Linda Day George, inoubliable dans la série Mission Impossible, et qui va camper là un rôle aux côtés de son époux dans le civil, Christopher George.
Ce film de 1982, également interdit aux moins de 16 ans, a sans conteste été depuis le géniteur bien malgré lui de moult réalisations. Très injustement tombé dans l’oubli, notre Sadique à la tronçonneuse aurait dû rejoindre le club très fermé des Michael Myers ou autres Jason Voorhes. Après avoir réglé son complexe œdipien, nous le retrouvons 40 ans plus tard armé d’une tronçonneuse de poche qu’il porte discrètement, allant sévir sur un campus de Boston, et s’en prendre à de malheureuses jeunes gourgandines. Il y a fort à parier que Massacre à la tronçonneuse n’aurait pu connaître de suites s’il n’y avait eu notre vénérable Sadique à la tronçonneuse. De nombreuses scènes du film inspirent encore aujourd’hui la globalité des teen movies qui font la fortune des producteurs américains. Dans Le Sadique à la tronçonneuse, les jeunes filles courent seins nus dans les allées d’un vestiaire de salle de sport, tentant de se dérober à lui, mais finissant comme prises au piège dans une cabine de douche que le scélérat n’aura aucun mal à franchir pour venir broyer sa victime.
Les jeunes filles courent seins nus dans les allées d'un vestiaire de salle de sport, tentant de se dérober à lui, mais finissant comme prises au piège dans une cabine de douche que le scélérat n'aura aucun mal à franchir pour venir broyer sa victime
Comme ce qui inspira Thomas Harris pour Le Silence des agneaux, notre Sadique à la tronçonneuse découpe et débite de biens beaux morceaux qu’il collectionne pour mieux reconstituer la créature de ses rêves. Négligeant dans cet élan artistique qu’il tombe sous le coup du délit de recel de cadavre. N’omettons pas de citer non plus l’intrigue policière ficelée comme un rôti de porc. Et qui nous tient en haleine jusqu’à ce que nous soit dévoilée la véritable identité du tueur dans un bouquet garni final qui vaut largement les 1940 signes que vous venez de lire pour ce film.
Un porno en pleine aire de Bitche
Le nichon manquant de cette soirée caritative est venu avec La Comtesse Ixe, film porno de Jean Rollin grimé pour l’occasion en Michel Gentil, et qui en connaît un rayon pour avoir fait une multitude de films où l’on suce, du sang certes, mais tout de même. Parmi le casting de haut vol, on retrouve Alban Ceray, équivalent masculin du genre de Brigitte Lahaie. Ainsi que Karine Gambier qui a accompagné Jess Franco sur quelques films. Et Jean-Pierre Bouyxou, spécialiste du cinéma de genre, mais qui n’y interprète aucune scène de cascade.
Plantons donc tout de suite le décor, et défendons ardemment tout le bien fait de partager en public une œuvre aux charmes pornographiques comme on n’en fait plus. Et répondons fièrement à toutes celles et ceux qui, par leur méconnaissance ou leur mésestime n’y ont vu que du mépris. Car pendant que d’aucuns s’acoquinaient à l’écran, le public des Ateliers de Bitche ne s’y est pas laissé prendre, lui, avec son regard amusé devant des scènes, il faut bien l’avouer, fort peu épilées. Signalons aussi combien il était plaisant de croiser quelques spectateurs déambuler jusqu’au bar. Commander leur pression. Et entamer un brin de causette que la bande-son venait admirablement animer. Tout le charme de l’année 1976 ainsi porté à l’écran venait nous rappeler cette époque insouciante où la canicule permettait de gambader nu dans l’herbe folle après un après-midi orgiaque. De quoi nous en faire oublier de conter cette comtesse cleptomane.
Tout le charme de l'année 1976 ainsi porté à l'écran venait nous rappeler cette époque insouciante où la canicule permettait de gambader nu dans l'herbe folle après un après-midi orgiaque
Le cinéma de genre et le cinéma porno continuent d’être ainsi relayés le temps d’une soirée dans un lieu autogéré loin des salles habituelles fréquentées par le cinéma traditionnel largement subventionné. Une posture caricaturale qui en fait pour le coup un événement subversif puisque mis à la marge. Et en ces temps sinistres où les réactionnaires de tous bords débordent plus que de raison dès qu’on en vient à parler de genre, l’envie subite d’en découdre avec le cinéma pour tous en devient presque une nécessité.
Jérôme Romain
Crédit photos : Absurde Séance
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