
Dossier sur le genre 7/15
Genres & médias, là où ça fait mâle
Entre un bref parcours historique ponctué d’événements symboliques et les quelques faits marquants de ces derniers mois, les médias malmènent souvent le genre. Avec la facilité de jouer la caricature, les médias en oublient pourtant leur fonction première, qui serait de vulgariser le genre dans notre société, dont ils prétendent être le reflet.
Si comme Christine Boutin vous trouvez qu’on ne peut plus allumer la télévision sans voir des gays partout, sachez qu’heureusement cela n’a pas toujours été le cas, loin de là. Du talk-show de psy aux séries télé actuelles, il aura fallu quelques années pour que ce problème n’en soit plus un. Les femmes en revanche n’en ont pas encore fini avec la muflerie du genre masculin, qui a cependant le mérite de toucher toutes les tranches d’âge. Avec cette seule et unique conception de la femme en tant que vulgaire objet sexuel pour soulager sa testostérone. Autant vous dire qu’avec tout ça, les transsexuels ne sont pas près de trouver leur place.
La parité dans les médias
Que ce soit en radio, en presse ou en télé, les femmes ont toujours eu les postes les plus marginaux. Aux postes de direction, si les femmes ont réussi progressivement à gravir les échelons, elles ne sont pas encore arrivées à grimper jusqu’au sommet. À l’heure actuelle, tous les grands groupes de médias que ce soit dans la presse écrite, en radio ou en télé sont dirigés par des hommes. Seules exceptions notables à ce redoutable constat, la nomination de Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde (France 24, RFI), et celle de Natalie Nougayrède au poste de directrice du journal Le Monde. Ce qui a déclenché l’ire des journalistes femmes des Échos ainsi qu’un mouvement de grève des signatures pour protester contre le manque de parité aux postes à responsabilités du journal. Un fait généralisé dans la presse écrite quotidienne. Speakerines à la télé jusqu’à ce que les bandes-annonces d’autopromo les effacent complètement de l’antenne. En radio, la voix féminine des stations généralistes est surtout là pour annoncer l’heure, la pub d’un supermarché ou l’invité du grand journaliste homme de la maison et de son invité politique.
En 2004, l’animatrice Marie-Pierre Schembri expliquait dans Le Mag Radio combien il lui avait été difficile de reprendre sa place sur l’antenne de la radio RTL2, absente après avoir été opérée d’un cancer du sein. Ajoutant qu’en radio, les filles doivent toujours prouver aux hommes de quoi elles sont capables. Ce qui n’est pas le cas sur la radio publique FIP qui, depuis sa création en 1971, compte exclusivement des voix féminines. En télé comme en radio, la femme est surtout une cible publicitaire (lire à ce propos le livre de Bernard Pivot, Remontrance à la ménagère de moins de 50 ans). Les chaînes thématiques qui lui sont soi-disant destinées sont soit des chaînes de cuisine, soit des chaînes de télé-achat, soit des chaînes aux séries soap-opéra et aux téléfilms à la qualité exécrable. Ce n’est que le simple reflet d’une presse magazine elle-même caricaturale et grossière à l’instar de titres comme Femme Actuelle, Marie-Claire ou Biba.
En télé comme en radio, la femme est surtout une cible publicitaire
À l’antenne, la femme sert souvent de potiche ou de faire-valoir à l’animateur vedette, ou est tout simplement relayée au rang de chroniqueuse. Un phénomène lié à la berlusconisation des médias français qui, avec l’apparition des chaînes privées dans les années 80, prenaient modèle sur les chaînes de télé italiennes. Ultime preuve, s’il suffisait encore de nous en convaincre, lorsque les médias tentent de parler de sexualité et qu’ils en confient la tâche à une femme : ils ne peuvent s’empêcher d’être grotesque. C’est ainsi que la radio RMC fait appel à l’ancienne actrice porno, Brigitte Lahaie, tout comme l’avait fait Skyrock dans les années 90 en mettant à l’antenne l’actrice Tabatha Cash. Des exemples qui tenteraient également à prouver que, bien que les années passent, le combat des femmes continue et la vigilance quant à leur respect ne se relâche jamais.
Le con, la ménagère et le truand
En octobre dernier, Guillaume Pley, animateur sur la radio NRJ (radio la plus écoutée de France d’après les derniers sondages Médiamétrie), poste une vidéo sur son compte YouTube où on le voit tenter le pari de réussir en moins de dix secondes de convaincre plusieurs jeunes filles de l’embrasser. Ce qui à priori aurait pu passer pour un stupide jeu d’adolescent a dérapé en harcèlement sexuel où les pauvres victimes piégées se sont retrouvées à devoir embrasser de force l’animateur. Face au tollé et à la menace de plaintes, Guillaume Pley s’est platement excusé sur l’antenne de la radio avertissant ses auditeurs, en grande partie des adolescents, de ne pas l’imiter. Plusieurs associations d’éducateurs dans les quartiers ont déploré que ce type de comportement vînt démolir tout le travail accompli jusqu’ici sur le respect vis-à-vis des femmes. Dans une interview accordée au site RadioActu, Jean-Paul Baudecroux, patron et fondateur de NRJ, a balayé cette affaire d’un revers de main en parlant « d’une tempête dans un verre d’eau ». Étonnant pour un groupe qui se targue de compter en son sein deux médias à destination des femmes, dont une nouvelle chaîne de télé sur la TNT, Chérie 25... Ou devrait-on dire : à destination des ménagères. En effet, d’après un document du groupe réservé aux annonceurs publicitaires, l’auditrice de NRJ est représentée par un chariot de supermarché plus gros que celui des autres radios (le chariot, pas forcément la ménagère).
l'auditrice de NRJ est représentée par un chariot de supermarché plus gros que celui des autres radios
Le vieux bourgeois et sa pute
En octobre dernier encore, le site Causeur.fr lance le manifeste des 343 salauds contre le projet de loi de pénalisation des clients de prostituées en clamant haut et fort : « Touche pas à ma pute ». Une allusion clairement revendiquée au manifeste des 343 salopes publié par Le Nouvel Observateur en 1971 à l’initiative de Simone de Beauvoir pour réclamer le droit à l’avortement. À la tête du site Causeur.fr, on y trouve pourtant une femme : la journaliste Élisabeth Lévy. Certes réputée pour sa gouaille et son tempérament de feu sur les plateaux télé, elle aime aussi s’illustrer à contre-courant de ce qu’elle et d’autres appellent la pensée unique. C’est à ce titre d’ailleurs que Le Nouvel Observateur la classa en 2012 dans son dossier sur les « néofachos » aux côtés par exemple de Robert Ménard et d’Alain Soral.
Un transsexuel à la télé pour faire genre
En 2000, la chaîne de télé Paris Première se voulant ambitieuse et alternative décide de remettre à la mode les speakerines. Pour ce faire, elle décide de faire appel à Vincent Mc Doom. Pas officiellement affirmé comme transsexuel, Vincent Mc Doom n’en est pas moins un homme au naturel féminin affiché. Quatre ans plus tard arrive le lancement de la chaîne Pink TV, et son public découvre alors Brigitte Boréale, journaliste transgenre, chroniqueuse sportive et également actrice. Enfin, hormis Hélène Hazera, journaliste transgenre à Libération et actuellement productrice sur France Culture, rien de nouveau malheureusement à signaler depuis ces exemples somme toute relativement discrets, il faut bien le reconnaître...
L’homosexualité ce douloureux problème
Ainsi s’exprimait Ménie Grégoire sur RTL lors d’un débat en 1971 qui fut resté célèbre, car interrompu en plein direct par des manifestants homosexuels venus protester contre cette émission qui comptait principalement comme témoins : des prêtres et des médecins ! À la libération de la bande FM en 1981, Fréquence Gaie (depuis devenue Radio FG) se revendique comme la première radio libre destinée au public gay, trans et lesbien. Sur le petit écran, le 23 juin 1995, Canal+ lance la Nuit Gay, une première d’une longue série qui durera quinze ans. Au programme : documentaires et cinéma. Ce qui sera également l’occasion quelques années plus tard de la première diffusion d’un porno gay sur une chaîne hertzienne, Hustler White de Bruce La Bruce.
En 2004, les principaux groupes de télé privés français s'associent pour lancer la première chaîne de télé française 100% gay
En 1999, naît la première série 100% gay et non pornographique, Queer as Folk. Série britannique qui raconte via la vie d’une bande de copains comment vivre son homosexualité au travail, construire une vie de couple ou se lancer dans l’adoption. Salutaire. En France, la série fut diffusée sur une fameuse chaîne cryptée, et jamais avant 23 heures.
Un an plus tard, la chaîne publique France 2 diffuse le premier téléfilm consacré à l’homosexualité et diffusé à 20h35, Juste une question d’amour. La presse télé se passionne et s’oppose sur le sujet. Le journal Télérama salue cette programmation. Tandis que Télé 7 jours confesse un débat de crise au sein de sa rédaction et préfère publier deux avis polémiques de ses journalistes. En 2004, les principaux groupes de télé privés français s’associent pour lancer la première chaîne de télé française 100% gay : Pink TV. Malgré avoir fait appel à de grandes figures médiatiques comme Claire Chazal, Frédéric Mitterrand ou plus modestement Alex Taylor, l’aventure prend fin trois ans plus tard dans l’indifférence générale. Depuis la chaîne se contente de proposer en soirée des films pornos gays et a cessé d’émettre en journée.
Ce panel historique non exhaustif dresse un premier état des lieux de la représentation des genres que se font les médias. Il n’est sensiblement pas très différent de ce qu’ils dénoncent parfois dans l’actualité. Pour représenter les genres, comme avec tant d’autres faits de société (la sécurité, les étrangers), les médias dans leur majorité jouent avant tout l’effet de curiosité, voire le voyeurisme et le sensationnalisme. Peu importe le traitement du moment qu’on ait l’audience. Faits de contradictions, les médias peuvent tout à la fois dénoncer le manque de parité ou les actes homophobes et les encourager. Il suffit de lire les fils d’actualité sur les réseaux sociaux des principaux médias nationaux relatant par exemple le mariage pour tous ou la vidéo d’une jeune femme tabassée par des policiers. Les commentaires laissés par leurs abonnés tombent bien souvent sous le coup de la loi. Affligeant.
Jérôme Romain
Crédits photo : Brechtbug (CC), Cp Collin (CC) et Sara Monero (CC)
Illustration : Georgina Belin
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