
Scopitone 2013 : Ã l’endroit
Les expositions de Scopitone 2013
Scopitone nous a emmenés pour son édition 2013 à travers une nouvelle collection de créations visuelles et sonores au sein de la thématique des robots et des mondes de demain. Quelle sera la place de la machine dans un univers aussi incertain que celui que nous nous préparons à vivre, et quels rapports pourrons-nous entretenir ? Avant de nous offrir ses concerts le soir, le festival nous fait voyager au milieu d’une multitude de créations interactives et surprenantes, qui, du Stereolux au Château des Ducs en passant par l’École d’Architecture de Nantes, savent rassembler et toucher un public de tout âges et horizons.
Comment transformer une pièce mécanique de notre quotidien en une partition de sons carillonnants ? C’est la mission entreprise par Kohske Kawase, compositeur nippon amateur d’instruments percussifs et de minimal music. Son œuvre Bearings glocken II, exposée à Stereolux, séduit petits et grands : des billes métalliques sont lancées sur une piste de lames de glockenspiel par des automatismes à l’allure industrielle. Chaque rebond entre en harmonie avec les autres et ils produisent ainsi ensemble une mélodie scintillante et apaisante. Le spectacle est aussi visuel, on ne se lasse pas de voir ces billes rebondir parfaitement de lame en lame et jouer la musique en direct pour leur auditoire. Cette idée de rebond parfait est en fait le fondement du projet qui résulte d’une collaboration avec une entreprise de roulements à billes. L’artiste nous explique que ces billes sont invisibles à nos yeux, mais indispensables à la plupart des machines que nous connaissons. Et si on les exhibait enfin aux yeux de tous, et montrer leur parfaite sphéricité à travers l’art ? Peut-être pourront-elles obtenir par ce biais un peu plus de reconnaissance ?
- Lamp & the glowworm
De rouages et d’acier
« Le concept de toute de cette installation est d’étudier la façon dont on peut utiliser nos sentiments humains et les projeter sur un objet technologique ou mécanique ». Robin Skytte, architecte, nous explique que l’intérêt de son œuvre Lamp & the glowworm se trouve à travers le regard des spectateurs. Bien que sachant que cette étrange créature qui surgit plus ou moins timidement de son refuge - une vieille lampe vintage - est faite de rouages et d’acier, on peut percevoir leur affection pour la bête. Certains vont jouer avec, l’approcher doucement pour ne pas la faire fuir, voire même lui donner des noms ! L’installation est en fait simple et les mouvements du ver plutôt aléatoires, mais même en sachant cela, il nous est impossible de ne pas percevoir ses humeurs. Issu d’une collaboration entre l’artiste Ruairi Glynn et des étudiants en école d’architecture au Danemark, le projet a été exposé précédemment dans les rues de Londres afin de l’intégrer à la ville et d’observer les réactions des passants, épiés par le robot. Robin aimerait pouvoir intégrer ce concept de machines vivantes et sensibles au sein de ses futurs travaux d’urbanisme. Peut-on espérer voir surgir davantage de collaboration entre le monde artistique et architectural pour redonner un peu de vie et d’émotions à nos villes, parfois inertes et froides ?
étudier la façon dont on peut utiliser nos sentiments humains et les projeter sur un objet technologique ou mécanique
- Lotus dome
Man-machine
Le festival Scopitone poursuit davantage son exploration de l’interaction homme - machine avec Lightform et Lotus Dome. La première œuvre est un paysage craquelé sur lequel chaque mouvement de nos doigts déclenche la naissance de sons et de lumières. On s’arrête difficilement de jouer avec ces petits triangles musicaux et sympathiques... La seconde, installée au Château des Ducs, est imposante et inonde la pièce de motifs floraux incandescents. Le dôme est recouvert de fleurs de lotus métalliques qui s’ouvrent et se ferment à notre approche... La lumière nous suit, nous observe, ne nous lâche plus, et crée une ambiance à la fois forte, belle, et sereine.
- Cycloid
En entrant par la suite dans la halle Alstom, on est plongé dans une ambiance peu commune... La foule contemple religieusement une imposante structure composée de tubes qui s’agite comme si elle subissait une crise d’épilepsie, et qui quelque secondes après, scrute l’assemblée comme pour flairer chaque personne qui la compose, tout en émettant une série de sons diffus. Cette chose essaierait-elle de s’exprimer ? Le Cycloïd-E comporte en fait un rotor principal auquel sont transmis des ordres aléatoires, les tubes supérieurs sont agités par le mouvement principal et émettent chacun un son amplifié par la vitesse. Si le principe paraît simple le résultat est réellement captivant : on se sait en fait jamais vraiment à quoi s’attendre... Va-t-il s’énerver davantage et nous projeter sa colère au visage ou se radoucir pour nous jouer de la musique ? On veut en voir plus ! Certains s’assoient pour profiter plus longuement de cette représentation théâtrale hors du commun. Cette œuvre serait-elle une invitation à chercher ce qu’il peut y avoir de beau dans ce que peuvent produire l’aléatoire et le chaos ?
Cette œuvre serait-elle une invitation à chercher ce qu’il peut y avoir de beau dans ce que peuvent produire l’aléatoire et le chaos ?
La réflexion sur le chaos se poursuit avec Oscillating Continuum, du japonais Ryoichi Kurokawa. Deux écrans reposant sur leurs socles juxtaposés et inclinés dans des directions opposées sont liés par une ligne rouge et lumineuse. Stable un instant, elle explose dans la seconde qui suit dans un fracas de formes mathématiques belles et effrayantes à la fois, déclenchant en même temps une déferlante de sons stridents et détonants, avant de retourner à son état paisible d’origine. Les visages restent penchés sur les pupitres pour savourer ce désordre visuel, se demandant à chaque nouvelle instabilité ce qui peut en résulter...
- Firewall
interactive et sensuelle
Prêts pour une expérience interactive et sensuelle... avec un morceau de musique ? Le Firewall de Aaron Sherwood vous invite à le toucher du bout de vos doigts ou à le déformer complètement du poing si l’envie vous en prend. Cette membrane striée de fils lumineux réagira à la façon dont vous la traitez : caressez-la pour la faire crépiter, allez-y à fond pour en faire jaillir des éclairs et des notes d’une intensité rare. Plus vous y mettrez du vôtre, plus la musique se fera ressentir et plus la toile s’enflammera. Difficile de s’arrêter quand on a commencé à y goûter... Certains s’y mettent même à plusieurs pour partager le plaisir, tandis que d’autres plus timides se contenteront de rester spectateurs de la scène. Après l’acte, on oublie presque que l’on avait affaire à une machine... Bravo à Firewall pour nous avoir fait comprendre que ce qui est fait de circuits imprimés n’est pas forcément une chose frigide et incapable de faire ressentir.
- Signal to noise
Le « rapport signal sur bruit » est une notion de physique qui permet de connaître dans un flux le nombre d’informations pertinentes par rapport au nombre d’informations non-pertinentes (le bruit). L’exposition Signal to noise au Lieu Unique nous confronte à cette notion sous différents angles. Placé au centre d’un cercle d’afficheurs de gare sur lesquels défilent à toute vitesse des caractères aléatoires, on est immédiatement plongé dans un capharnaüm de cliquetis extrêmement bruyants... Bruyants ? On tend alors mieux l’oreille, et le bruit devient musique : des lignes de percussions apparaissent et semblent, d’un seul coup, organisées et construites pour jouer une partition, avant que le chaos ne reprenne à nouveau. Puis on ouvre les yeux sur les lettres qui défilent et certaines s’arrêtent pour former des mots... De cette explosion de caractères peut donc apparaître du sens à droite ou à gauche, libre à nous de l’interpréter ! Nous avons pu rencontrer Els du Lab[au], collectif artistique belge à l’origine de l’œuvre. D’après elle, « on vit dans une société dans laquelle il y a un flux énorme d’informations ». Si l’on n’y fait plus attention, à un instant tout devient bruit ». Ce serait une responsabilité de citoyen aujourd’hui de savoir distinguer ce qui est information pertinente de ce qui est bruit, comme sur les réseaux sociaux par exemple, où circulent des données intéressantes ou importantes, mais aussi de l’inutile voire de la désinformation. Le Lab[au] regorge d’idées neuves et projette notamment de bâtir une installation pérenne à la gare de Toronto qui traduirait les mouvements des passants sous forme de sons et de lumière... l’interaction artistique qui peut exister entre l’homme et la machine en intéresse donc plus d’un !
On vit dans une société dans laquelle il y a un flux énorme d'informations
- Versus
Le Lieu Unique nous présente aussi Versus : deux sculptures robotiques aux allures de végétaux métalliques se font face... et discutent tranquillement entre elles. L’une parle et remue tandis que l’autre reste paisible à écouter, puis les rôles s’inversent. Impossible de savoir ce qu’elles peuvent se dire puisque leur langage futuriste et machiniste nous est inconnu... Cependant, si l’on décide de raconter quelque chose à celle qui est attentive, elle reprendra des éléments de notre discours lorsqu’elle répondra à sa semblable. Curieux... Aveugle, serait-elle incapable de se rendre compte que l’information qu’elle transmet vient de l’extérieur ? Et cette déformation se propagera de l’une à l’autre en s’amenuisant petit à petit pour retrouver le dialogue initial. De la même façon qu’avec Signal to noise, serait-on confronté ici à une réflexion sur les informations qui nous sont transmises et celles que l’on décide de diffuser ?
- MR 808
Direction Trempolino : et si la techno et l’électro faisaient la paix avec les instruments de musique ? C’est un peu ce qui se dégage de cette boîte à rythme sur bruit « grand format » réalisée par le musicien Moritz Simon Geist - en concert le vendredi soir du festival. Prenant comme modèle la fameuse TR-808 de Roland créée au début des années 80, il reproduit alors chacune de ses sonorités par un ensemble d’instruments percussifs. Aux commandes de la console, il est alors possible de composer ses lignes de rythme et de voir en direct le résultat de façon visuelle et sonore... les mécanismes se déclenchent de façon séquencée et viennent frapper la grosse caisse ou la cymbale pour reproduire notre composition. En ayant remplacé les transistors par de réels instruments, l’artiste voudrait-il donner une seconde vie à la TR-808 en lui laissant la possibilité de nous séduire de sa beauté intérieure ?
- Explornova
Servons-nous des technologies numériques et de l’art pour faire de la médiation scientifique ! C’est le mot d’ordre du projet Explornova 360°. L’École Nationale d’Architecture de Nantes aura accueilli pendant l’édition 2013 du festival Scopitone deux structures panoramiques pour nous permettre d’en apprendre un peu plus sur les découvertes scientifiques de l’espace. Tandis que d’un côté nous pouvons trouver des captures hautes définitions de la NASA prises sur Mars et comprendre quelles sont les vraies couleurs dans l’atmosphère de cette planète, il nous est proposé de l’autre de partir dans un voyage immersif et interactif, visuel et sonore à travers les étoiles.
D’un coup-de-poing, le voyageur décolle de la station lunaire pour rejoindre Jupiter s’il le désire, et peut sur place explorer les environs grâce aux mouvements de sa main... L’installation est intuitive et séduisante ! Vincent Minier, astrophysicien et coordinateur de ce projet qui résulte d’une collaboration entre le laboratoire AIM de Saclay et de l’Université de Nantes, nous explique vouloir emmener l’immersion encore plus loin et pourquoi pas intégrer, dans une prochaine mouture, le sens du toucher à l’expérience.
on ressort du festival avec un sentiment de réconciliation vis-à-vis des machines, qui ont prouvé qu'elles peuvent finalement être capable d'attiser la sympathie, de captiver, de nous faire partager un véritable concert et même d'éveiller en nous un brin de sensualité
À travers ce dédale parmi les expositions de Scopitone 2013, nous nous retrouvons bien loin d’un "monde de demain" catastrophique, dans lequel toute poésie et beauté auraient été annihilées par les robots et leurs froids automatismes. Nous avons déjà été préparés à cela bien suffisamment par le cinéma de science-fiction depuis des années et il est peut-être temps d’imaginer une vie commune avec les nécessités imposées par la technologie. Malgré les mises en garde du Signal to noise, on ressort du festival avec un sentiment de réconciliation vis-à-vis des machines, qui ont prouvé qu’elles peuvent finalement être capable d’attiser la sympathie, de captiver, de nous faire partager un véritable concert et même d’éveiller en nous un brin de sensualité.
Texte & photos : Benoît Auneau
photos : Scopitone 2013 - Nantes
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Bloc-Notes
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