
La Wallonie : prochaine région française ?
Rattachisme et Wallonisme
Le parti Rassemblement Wallonie France défend l’idée d’un rattachement à la France. Crédité de 2 à 3 % en Wallonie, le RWF cherche à porter un discours politique loin du fédéralisme, en place depuis 1830. Entretien avec Laurent Brogniet, son président.
Le rattachisme wallon propose une réunion progressive de la Wallonie et de Bruxelles à la France, tout en gardant à leurs régions leurs identité et territoire, dans un cadre soit d’intégration classique comme région française à part entière, soit dans un cadre d’intégration avec des dispositions spéciales comme pour les régions de Corse ou d’Alsace-Lorraine, ou même dans un dispositif de région autonome comme les Dom-Tom. En tant que prochaine région française, la Wallonie ferait ainsi partie intégrante de la République française, garderait Namur comme capitale régionale et serait toujours composée de 5 départements correspondants aux 5 provinces actuelles, d’ailleurs anciens départements elles-mêmes.
Fragil : Que diriez-vous de la situation politique belge à l’heure actuelle ?
LB : Il faut bien comprendre que la Wallonie et la Flandre s’ignorent complètement à l’heure actuelle. Les disparités sont criantes entre ces deux régions. S’il existe des solidarités réelles entre les régions françaises, ce n’est plus du tout le cas en Belgique. Actuellement, beaucoup de Flamands considèrent qu’il ne faut plus donner un euro à la Wallonie. En 2022, il n’y aura plus ainsi aucun transfert de solidarité ou économique entre la Flandre et la Wallonie.
Fragil : Le paysage politique belge semble divisé...
LB : Tout à fait, nous connaissons aussi bien des coalitions politiques à l’échelle régionale que nationale, c’est complètement fou, avec quelques fois 6 à 8 partis différents dans une même coalition. C’est pourquoi la vie politique belge est souvent paralysée. Ce pays demeure ainsi souvent ingouvernable, tant sur le plan régional que national.
Fragil : Votre parti, créé en 1999, se veut pluraliste.
LB : Effectivement, nous regroupons sous notre bannière aussi bien des gens de droite que de gauche. Par contre, pas question d’avoir des extrémistes de gauche ou de droite dans nos rangs. Nous avons aussi bien des gens du PS belge que du mouvement réformateur, pas question d’avoir des énergumènes extrémistes (sic).
Fragil : Comme vous êtes dans une certaine mouvance nationaliste, on aurait pu penser que vous étiez lié à ces partis radicaux.
LB : Absolument pas, nous sommes vraiment un parti républicain, pas du tout nationaliste car nous considérons que la Wallonie n’est pas une Nation. Nous considérons que nous faisons partie d’un tout et nous voulons intégrer la France. Nous rejetons toute idée nationaliste.
Fragil : Vous vous attachez à montrer que le fédéralisme est un échec ?
LB : Absolument, oui. Pour nous, le fédéralisme belge n’existe pas. En Flandre, le fédéralisme va vers plus d’autonomie, cela passerait vers l’évaporation, la dissolution de l’État belge ; ce serait ainsi de passer d’un État fédéral vers un État confédéré, la Flandre souhaiterait ce processus-là. Les Wallons ont toujours considéré que le fédéralisme était l’aboutissement de quelque chose alors que les Flamands veulent encore et toujours plus d’autonomie, même s’il y a déjà eu beaucoup de vagues de décentralisation. Vous avez donc raison, notre parti consacre l’échec du fédéralisme belge et nous préparons l’après-Belgique.
Fragil : Votre discours est-il crédible, notamment chez les autres partis politiques ?
LB : Ils nous prennent au sérieux pour nos idées, pas pour nos scores électoraux. Ils considèrent que notre projet est sérieux, à défaut d’être représenté dans les urnes.
Fragil : Et alors comment se fait-il que vous ne soyez toujours qu’à 2 ou 3% dans les urnes ?
LB : Eh bien, l’opinion publique wallonne se rattache encore à l’unité belge. Les Wallons ne cherchent pas l’aventure politique, sont très conservateurs dans les urnes, votent pour les mêmes partis depuis 30 ans. Nous essayons de dire à l’opinion publique wallonne de ne pas avoir peur car rien ne va changer fondamentalement. Les gens ne perçoivent pas l’urgence de ce rattachisme. Nous sommes, c’est vrai, extrêmement minoritaire aux différentes élections mais il faut rajouter qu’il existe aussi des rattachistes dans tous les partis dits traditionnels, nous avons des sympathisants un peu partout mais ce sont souvent des rattachistes honteux, qui partagent nos idées mais ils ont des mandats et des revenus à protéger et ils ne peuvent pas "mordre la main qui les nourrit". Ils ont des rentes de situation qu’ils comptent bien protéger de par leurs mandats électoraux. Nous avons beaucoup de liens avec les rattachistes du PS et du MR (Mouvement réformateur), nous les connaissons bien.
Pour nous, le fédéralisme belge n'existe pas
Fragil : Est-ce que la royauté sait que vous existez ?
LB : Je suppose que oui mais vous savez, la royauté et ses conseillers sont très discrets par rapport à nous. Ils ne font jamais allusion à notre existence. Les conseillers du Roi transmettent des informations pour marginaliser les idées républicaines et nous souffrons, nous-mêmes, d’un ostracisme crasse de la part de la presse (sic). Les médias wallons et bruxellois nous boycottent honteusement.
Fragil : Vous vous considérez ostracisés ?
LB : Oui, absolument vous pouvez reprendre ce terme. Il est quand même très singulier d’avoir des rapports réguliers avec la presse de Russie, des Pays-Bas, de France, d’Italie ou d’Espagne mais pas de Wallonie. Ici, c’est comme si nous n’existions pas, on ne parle pas de nous du tout.
Fragil : Vous êtes rattachiste, mais avez-vous des soutiens de la part de politiques français ?
LB : Nous sommes raisonnables sur ce plan-là, nous savons que les hommes politiques français ne peuvent pas faire d’ingérence comme cela. Non-ingérence ne veut pas dire indifférence d’ailleurs. Nous avons des contacts à l’UMP et au PS. Pour nous ce qui est important c’est de progresser au sein de l’opinion publique française et dans les régions frontalières françaises.
Fragil : Vous prônez un rattachisme français et pourquoi pas un rattachisme germanique ?
LB : Nous sommes d’abord des Latins dans tous les sens du terme, nous avons peu à voir avec les Allemands. Et nous sommes aussi des républicains, attachés aux valeurs républicaines avant tout, c’est pourquoi nous nous sentons français à part entière. Par exemple, les télévisions françaises et leurs programmes sont bien plus regardés que les programmes télévisés belges. Tf1, les chaînes de France Télévision ou Arte sont très appréciés chez nous, ce sont des chaînes de très haute tenue. Toutes les élections françaises sont très suivies en Wallonie, surtout les débats politiques d’ailleurs. Les Wallons connaissent peu la vie politique belge.
Fragil : La France a connu de grands mouvements de décentralisation, la Wallonie aussi ?
LB : Le peuple wallon, dans son ensemble, a reconnu le fédéralisme belge et croyait que ce serait l’aboutissement des choses. En France, il s’agit d’une décentralisation solidaire entre les régions, alors qu’en Belgique pas du tout, on va vers plus d’identité et d’autonomie régionale malheureusement.
Fragil : Vous faites partie d’un fédéralisme belge, mais aussi européen.
LB : Déjà le fédéralisme européen n’existe pas, ce sont des rêves d’eurocrates (sic). Le peuple flamand souhaite son indépendance et nous, nous voulons la réunion avec la France, ce qui consacrerait ce que l’on appelle la réunification française et maintiendrait à terme une plus grande égalité économique, géographique et de population avec l’Allemagne.
Fragil : Avez-vous des accointances avec d’autres mouvements indépendantistes (du type la Catalogne ou l’Écosse) ?
LB : Non, du tout, car notre programme est quand même différent ; nous, nous souhaitons un rattachement avec la France, ce n’est pas tout à fait la même chose. Pour nous, il n’y a que deux solutions possibles à terme : soit une Wallonie indépendante soit un rattachement direct à la France.
Pour nous, il n'y a que deux solutions possibles à terme : soit une Wallonie indépendante soit un rattachement direct à la France.
Fragil : Pensez-vous vraiment que les autres pays de l’UE permettront ce mouvement ?
LB : L’Europe est un nain politique (sic), vous savez. On peut le constater chaque jour. L’Europe est incapable de répondre aux questions quotidiennes des citoyens, incapable de résoudre la guerre en ex-Yougoslavie par exemple. L’Europe n’a rien dit lorsque l’Allemagne s’est réunifiée, l’Europe n’a rien dit aussi lorsque la Tchéquie et la Slovaquie ont divorcé, tout simplement car l’Europe n’a aucun pouvoir. Ils ne peuvent pas aller contre la volonté des peuples.
Fragil : Dans l’histoire de la Belgique, il y a beaucoup d’hommes politiques pro-européens, y compris récemment avec Herman Von Rompuy...
LB : Mais nous ne sommes pas anti-européens. Nous sommes farouchement opposés à ce qu’est devenue cette Europe-là. Le rêve fédéral d’une Europe est utopique, lorsque l’on connaît les disparités des pays européens. Par contre, une UE qui respecte les Nations, ça nous y croyons très fort.
Fragil : Vous allez organiser un référendum sur le sujet de la partition ?
LB : Oui, très clairement c’est dans notre programme. Il faut vraiment une adhésion à ce projet pour qu’il puisse réussir. En France, tout agrandissement du territoire se fait par référendum. Nos autorités ont une peur panique des référendums ; le dernier que l’on a eu ce fut pour le retour de captivité du roi Léopold III. Nous connaissons ainsi 3 crises : une crise monarchique, une crise économique et financière et une crise communautaire et d’identité, tout cela s’imbrique ensemble. La Belgique est dans de mauvais draps et les choses peuvent évoluer très vite.
Fragil : Je sais que le 14 juillet est fêté à Liège, est-il fêté dans d’autres communes wallonnes ?
LB : Non, il n’est pas fêté ailleurs. Il est plus fêté que le 21 juillet (la fête nationale belge). Nos militants préfèrent fêter le 14 juillet.
Fragil : Le manque de reconnaissance de votre parti pourrait-il susciter des réactions de violences, parmi vos militants ?
LB : Nous ne voulons pas d’amalgame entre des fauteurs de trouble et notre mouvement qui se veut légaliste et républicain. Nous n’acceptons que des gens irréprochables dans notre mouvement. Nous avons été approchés par des extrémistes et bien, nous les avons chassés. Il n’est pas question du moindre débordement, nous vivons dans la légalité la plus totale. Il est important, pour nous, d’être respectés car respectables.
Fragil : Dans le quotidien belge, je sais qu’il y a des quotas de postes dans le monde du travail, au sein de l’Éducation nationale, dans certaines mairies, des problèmes de langues aussi dans les écoles.
LB : Oui effectivement, il y a de moins en moins de choses en commun entre la Flandre et la Wallonie, sauf en ce qui concerne la santé, la défense nationale ou la diplomatie. Il y a effectivement des quotas dans les hautes fonctions de l’État mais ils sont constamment violés au bénéfice des Flamands et les hommes politiques wallons laissent faire car il faut protéger ce qui reste de l’unité belge.
Fragil : Existe-t-il des formes de racisme à l’heure actuelle entre Flamands et Wallons ?
LB : Oui tout à fait, on peut le voir dans certains matchs de foot, dans les chants particulièrement haineux de supporters, mais nous n’avons rien à voir avec eux ou ces excités. Certains médias considèrent qu’il existe en Belgique un état de "guerre froide" latente, c’est un peu exagéré mais ce n’est pas complètement faux. Il y a de moins en moins de contacts entre communautés et aussi à Bruxelles. Chacun se cantonne à ces préoccupations régionales. Il y a très peu de contacts, mais il n’y aura pas de débordements violents. Nous sommes des gens sensés, la fin de la Belgique se fera pacifiquement.
Propos recueillis par Dominique Vergnes Crédits photos :
Bannière : manifestation du RWF aux fêtes de Wallonie CC Maxxp
Centre :
Laurent Brogniet
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