
Le collectif Fil nous présente La Nizanerie
Le boulevard Babin Chevaye connaît depuis quelques temps une animation inhabituelle. Outre les travaux du nouveau projet du Chronobus 5, un autre chantier a vu le jour il y a quelques semaines et attire le regard des badauds et des habitants du quartier…
La genèse d’un projet
Le projet s’appelle La Nizanerie, clin d’œil à la rue Paul Nizan où il est situé. Encore au stade de chantier, il n’en est pas pour autant à ses débuts. Et c’est dans le kiosque même que Fragil est parti à la rencontre d’Amélie et de Maud qui nous racontent la petite histoire de la Nizanerie. Les deux jeunes architectes sont amies, et au vu des regards qu’elles s’échangent, très complices également. C’est d’ailleurs lors de leur rencontre au Cameroun, où tout a commencé, qu’elles se découvrent de nombreux points communs : « nous partagions la même conception de l’architecture et nous avions la même vision de ce que nous voulions mettre en place comme projets », nous confient-elles, « nous cherchions une modalité de travail qui puisse associer une réflexion approfondie sur la place de l’architecte et une action concrète en réponse à cette réflexion ; une sorte de ‘recherche appliquée’ ». Une manière de faire qui est réellement différente du travail en agence.
En juin 2012 et dans le cadre de la manifestation « Nantes Capitale Verte 2013 », Nantes Métropole lance un appel à projets qui s’adresse à tous les citoyens de tous les horizons. L’enjeu est de proposer un projet citoyen qui corresponde à l’esprit de la manifestation et qui soit en cohérence avec les thématiques d’écologie, de citoyenneté et de développement durable. Maud et Amélie font partie d’une équipe qui se constitue dès le début pour mettre en application leurs réflexions. Fortes de leur connaissance des lieux, elles décident d’utiliser le petit bout de terrain situé entre le boulevard Babin Chevaye et le boulevard Victor Hugo comme lieu de leur projet. La Nizanerie est sélectionnée parmi 87 autres projets.
Un projet qui répond aux besoins des habitants
C’est aussi une réponse à une politique urbaine assez restrictive qui neutralise les espaces publics et leur ôte toute possibilité d’accueillir les gens et de rassembler les citoyens ailleurs qu’en centre ville
« C’est un projet participatif qui veut avant tout réconcilier les habitants du quartier avec l’espace public. Très souvent privés de verdure, de potagers ou encore de simples espaces de rencontres et de réunions, les habitants se plaignaient de ce manque de structure. L’idée du projet c’est de se réapproprier l’espace public, comme une sorte d’extension à son propre chez-soi. Un lieu qui appartienne à tout le monde, un espace ouvert de rencontres, d’échange, de partage, de solidarité, d’entraide, de débats, de discussion ou encore d’ateliers de différentes sortes », explique Amélie. « C’est aussi une réponse à une politique urbaine assez restrictive qui neutralise les espaces publics et leur ôte toute possibilité d’accueillir les gens et de rassembler les citoyens ailleurs qu’en centre ville. Une autre manière de voir l’espace public et d’insuffler de la fertilité et de la vie dans les rues », ajoute Maud.
Mais il y a eu tout un travail de recherche, de prospection et de promotion qui a été fait au préalable. La rencontre des habitants et des institutions pour défendre et faire connaître leur projet. Leur idée a beaucoup séduit les habitants qui se sont rapidement motivés pour le projet et qui ont même participé à son évolution à travers leurs différentes propositions. « Nous ne nous étions pas vraiment attendues à un tel engouement de la part des habitants !, s’exclament-elles, leur enthousiasme nous a motivées davantage et leurs suggestions nous ont donné beaucoup d’autres idées ! »
Le collectif Fil
Au fil de l’aventure, l’équipe s’est constituée en association pour ouvrir le projet et accueillir de nouvelles personnes. C’est ainsi qu’est né le Collectif FIL. A la question de la signification du terme « FIL », les deux amies ne cachent pas un sourire amusé et expliquent que le mot est ouvert à toutes les interprétations, des plus évidentes (fil conducteur) aux plus rocambolesques (Forme d’Intervention Libre, Forme d’Impulsion Libérée), en passant par les plus poétiques (lien social invisible, lien pérenne au-delà du projet) : « en vérité, nous cherchions avant tout un nom court, simple et facile à retenir ! »
Un projet participatif avant tout
La Nizanerie répond à ce besoin pressant des habitants de se retrouver dans un espace qui les unit et qui leur ressemble sans être tout à fait leur maison
Il faut préciser néanmoins que La Nizanerie n’est pas le projet du Collectif FIL uniquement. Si les architectes sont intervenus dans la phase préliminaire de dessin et de conception, ce sont les habitants qui ont contribué à l’imagination, à la mise en place et même à la construction du kiosque. Ils ont aussi participé à la construction sociale du lieu. « C’est le principe même d’un projet participatif, et c’était notre souhait depuis le départ, que les habitants s’approprient vraiment cet espace, qu’ils contribuent à sa genèse et qu’ils soient les acteurs du chantier », expliquent Amélie et Maud. « Nous essayons d’ailleurs de ne pas aller trop vite dans la phase de construction, nous voulons que les habitants prennent le temps d’intégrer le projet et de suivre les étapes de sa construction une à une comme quelqu’un qui construirait sa propre maison », ajoutent-elles.
Grâce au volontariat des habitants, à l’accompagnement du projet par ATAO sur la fabrication du kiosque,et la participation de quelques entreprises, l’espace prend forme doucement mais sûrement. La prochaine étape est de finaliser le toit et les escaliers afin d’avoir une sorte d’observatoire qui permettrait aux habitants de suivre également le chantier du chronobus, au lieu de n’y voir qu’un désagrément urbain. Le reste du terrain pourrait éventuellement servir de potager, de barbecue, de compost ou d’aire de jeu, selon les envies et les suggestions des habitants. En effet, le collectif Fil ne finalisera pas la totalité du projet. Progressivement, il s’agit d’accompagner l’autonomie des habitants pour qu’ils proposent des temps collectifs. Premier exemple : l’initiative de repas à la Nizanerie.. Amélie et Maud concluent : « nous n’abandonnons pas le projet, au contraire, nous confirmons sa finalité initiale. Le but n’était pas tant de construire ce kiosque que de permettre aux habitants d’y participer. La réussite du projet c’est d’impulser l’envie et la motivation et de se retirer par la suite. Nous cherchons à donner aux habitants les outils nécessaires à la création d’un espace de vie participatif et de leur passer le relais afin qu’ils soient capables de gérer cet espace par eux-mêmes et de se l’approprier incontestablement. ».
The place to be : the third place !
Il est en effet difficile de ne pas faire le lien avec le concept de « tiers lieu » ou « troisième place », termes traduits de l’anglais « third place ». Ce concept inventé par le sociologue Ray Oldenburg désigne ces lieux particuliers, qui ne sont ni la maison, ni le travail, mais qui ont la capacité de rassembler les gens et d’être un lieu de rencontre informel et interactif. Les « tiers lieux » ont toujours existé, mais dans notre société moderne, ils ont la particularité de répondre à une réelle demande et d’être issus d’une recherche active et volontaire de la part des personnes qui les créent ou qui les fréquentent. Dans ses deux livres, plébiscités aux Etats Unis, Celebrating The Third Place et The Great Good Place, Ray Oldenburg affirme l’étroite relation entre ces « tiers lieux » et la démocratie, l’engagement civique et la société civile. Il y donne notamment les principales caractéristiques de ces lieux ; les « tiers lieux » sont des lieux gratuits ou très peu coûteux, accessibles, égalitaires, accueillants et chaleureux, dénués de toute prétention ou de discrimination, ayant pour principale activité la conversation et l’échange et où la bonne nourriture et la boisson sont très souvent présentes.
La Nizanerie, vu sous cet angle, est sans aucun doute un « tiers lieu ». Il répond à ce besoin pressant des habitants de se retrouver dans un espace qui les unit et qui leur ressemble sans être tout à fait leur maison. Il obéit également à la principale qualité de ce concept, à savoir la neutralité de l’espace. Contrant l’isolement de plus en plus invasif de notre société moderne, c’est aussi un lieu qui traduit parfaitement la notion de « démocratie participative » et qui réconcilie la communauté avec son fonctionnement local.
Lien pour le projet : http://lanizanerie.com/
Texte : Imen Mkaouar
Photos : Joanna Pyk
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