
Retour sur le parcours de l’activiste de passage à Nantes
Angela Davis : histoire d’un symbole
Angela Davis était cette semaine à Nantes pour la commémoration de l’abolition de l’esclavage. L’occasion de revenir sur le parcours de cette activiste de la cause noire et pionnière des droits des femmes aux USA. Un symbole.
Angela Davis est noire et femme. Un double handicap pour une personne née dans les années 1940 dans un état du sud des Etats-Unis ségrégationniste : l’Alabama. Combat de toute une vie comme le montre si bien le documentaire Free Angela diffusée ce lundi 11 mai au Cinématographe de Nantes en présence d’Angela Davis. Le militantisme, elle connaît, la clandestinité aussi, les prisons américaines de même jusqu’au couloir de la mort. Elle fut accusée à tort de complicité d’évasion de militants noirs qui se solda par la mort d’un juge blanc.
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Angela Davis s’en est sortie grâce à une mobilisation américaine et internationale sans précédent et fait partie des grandes personnalités américaines héritées du XXe siècle. Membre du parti communiste américain, elle utilise son aura médiatique pour alterner conférences, comme celle du Lieu unique (LU) ce lundi à Nantes, et sorties médiatiques. Dans le même temps, Angela Davis reste une universitaire, une intellectuelle chevronnée qui écrit des articles de haute tenue et réfléchit sur le monde carcéral, faisant le lien entre minorités sociales, économiques et présence pénitentiaire.
Vers l’abolition des prisons
Pour Angela Davis, les prisons engendrent de la pauvreté, accentuent de nouvelles formes de délinquance, voire même industrialisent l’exploitation économique des minorités par leur force de travail et leurs orientations sociales. Selon elle, la prison reste toujours un lieu de domination blanche sur les minorités, surtout aux USA. Ces thématiques lui tiennent beaucoup à cœur, elle en a fait un de ses nombreux chevaux de bataille, appartenant notamment au mouvement Critical resistance, développant l’idée de démanteler ces lieux et de proposer d’autres alternatives.
Après le 11 septembre, le Patriot act a conduit à l'emprisonnement de centaines de personnes aux États-Unis et à la triste actualité de Guantánamo. se sentons-nous mieux protégés pour autant ?
Si les Noirs ont acquis de nombreux droits grâce au mouvement des Droits civiques aux USA, il faut, selon Angela Davis, aller au bout de la dénonciation des logiques de domination blanche en passant par un autre mouvement abolitionniste au XXIe siècle : celui des prisons. C’est pourquoi, la présence d’Angela Davis trouve tout son sens à ces journées de commémoration nantaise, ainsi qu’à l’école de la seconde chance ce mardi matin à Nantes, à la rencontre d’élèves en réinsertion.
Loi sur le renseignement
Angela Davis est revenu, lors de sa conférence du LU lundi soir, sur le sentiment d’insécurité et la loi sur le renseignement voté le 5 mai dernier par les parlementaires français. « Je me sens désolée pour cette loi, a-t-elle déclaré. Il faut savoir tirer les leçons de ses voisins. Après le 11 septembre, le Patriot act a conduit à l’emprisonnement de centaines de personnes aux États-Unis et à la triste actualité de Guantánamo. se sentons-nous mieux protégés pour autant ? »
Il ne faut pas croire que ce qui est gravé dans le marbre ne s'effacera jamais, qu'une victoire entraîne systématiquement une autre victoire, le passé nous a montré qu'un pas en avant est trop souvent suivi de deux pas en arrière.
Angela Davis a fait ensuite un parallèle entre les crimes et délits commis récemment par les policiers blancs américains contre la population noire à Baltimore notamment et la situation en France, avec les violence policière subies par les migrants. « Il ne faut pas croire que ce qui est gravé dans le marbre ne s’effacera jamais, qu’une victoire entraîne systématiquement une autre victoire, le passé nous a montré qu’un pas en avant est trop souvent suivi de deux pas en arrière. »
Free Angela (2011), le documentaire de Shola Lynch, se définit clairement comme un reportage militant. Il est composé d’images d’archives et de témoignages des principaux intéressés. On y voit des militants des Black panthers, les présidents Nixon et Reagan, des agents du FBI mais aussi Nina Simone venue soutenir Angela Davis en prison. Il est intéressant de noter que ce sont les activistes noirs, les leaders noirs politiques (David Dinkins, Jesse Jackson...) et la montée progressive d’une classe moyenne noire américaine qui ont permis aussi les acquis des Droits civiques aux USA et la libération progressive de prisonniers politiques des Black panthers dont Angela Davis, militante communiste avérée qui a reçu aussi les soutiens des Internationales communistes, notamment en France.
Angela Davis est toujours restée fidèle au sens de ses engagements politiques. Membre éminente du PC américain, elle fut candidate deux fois aux élections présidentielles en 1980 et 1984, sous leurs couleurs. Elle s’est aussi interrogée sur le sens du militantisme des Black panthers, sur le rôle des femmes dans le mouvement notamment quand on connait le caractère machiste revendiqué des Black panthers, volonté de s’affranchir du leadership des hommes noirs dans la vie quotidienne et le militantisme.
Le documentaire Free Angela revient sur ces combats, le contexte politique tendu des années 1960 et 1970, les méthodes militantes des Black panthers, la vie dans la peur au quotidien et la clandestinité (notamment dans les grandes agglomérations dont New-York), les stratégies juridiques des prisonniers noirs face à la justice blanche, etc. En tous les cas, Angela Davis, emprisonnée en 1970 et libérée en 1972, est bien le symbole de tout ces combats politiques américains, elle continue toujours de défendre ses idées militantes à travers le monde par ses conférences, livres et articles. Pas mal pour une femme noire qui se dit marxiste, féministe, lesbienne revendiquée et pro- libertaire. Une belle personne.
Dominique Vergnes
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