
Out Of The Blue, et soudainement...
Rencontre avec François Ripoche
C’est la rencontre avec le saxophone qui amène François Ripoche dans l’univers du jazz. Une évolution musicale totalement acoustique au départ, à côté de ça, le saxophoniste tâte d’autres terrains de jeu et rencontre différents musiciens mais aussi des comédiens ou danseurs avec lesquels il est amené à travailler sur différents projets. Viens ensuite l’envie de jouer avec des musiciens fixes, de travailler et d’évoluer ensemble musicalement sur du long terme.
Depuis la formation d’Out Of The Blue ( traduction : « soudainement » ), François Ripoche parle aux machines et bricole des sons piochés au coup de cœur. Récemment doté d’une nouvelle chanteuse, le groupe poursuit son évolution musicale.
Fragil : Quand tu as commencé à faire de la musique, tu jouais du saxophone, uniquement en acoustique et dans un répertoire plutôt jazz ?
F.Ripoche : Oui, au début, je jouais du saxophone, complètement jazz, acoustique total. Après ça, j’ai fait un peu de funk et joué dans Blue Note Groove pendant 6 ans, accompagné des chanteurs, etc... Mais il n’y avait pas que le jazz, j’ai bossé avec des comédiens, des danseurs sur différents projets. Je me suis intéressé à d’autres trucs...
Fragil : Comment tu es venu a une musique plus électronique ?
F.Ripoche : La petite révélation, si on peut parler de ça... par rapport à l’électronique pur, c’est Matthew Herbert, sur le label anglais Ninja Tune, je trouve ça fantastique, c’est de la musique ultra ultra belle, il y a une chanteuse et de la musique électronique et c’est vraiment très chouette. Mais en ce moment j’ai envie de chanson, de format de 3 à 4 minutes, de choses super simples. Le côté électro, je m’en serre, mais ce qui est important, c’est de faire la musique que tu as envie de faire et à partir de là, tu utilises, les outils dont tu as besoin, avec le son que tu as dans la tête. Et le son que j’ai dans la tête en ce moment, il est super électronique...
Fragil : Pourquoi, parce ce que l’électro c’est un peu tendance aujourd’hui ?
F.Ripoche : Non absolument pas, je crois pas, parce que la tendance elle est passée, ça fait 10 ans que c’est la tendance. Pas la tendance au niveau grand public mais au niveau des musiciens, si t’écoute les disques de Miles Davis dans les années 70, c’est ultra électro...
Fragil : Et donc tu as dû apprendre tout ce côté informatique et ingénieur du son...
F.Ripoche : Oui, il y a deux ans j’avais pas d’ordinateur... Je m’y suis mis à fond, mais je me considère comme un bricoleur en informatique, je trouve que les connaissances que j’ai pour l’instant, elles me suffisent à aller vers ce que je veux faire et c’est ça qui est important, dans n’importe quel domaine.
Fragil : Comment on joue avec des machines concrètement ?
F.Ripoche : En fait, même si je suis pas un grand batteur, je suis quand même un batteur... Quand j’étais môme je jouais du saxophone dans l’harmonie municipale de mon bled, j’ai fait des fanfares tout ça dès 8 ans. Mon frangin était disquaire et avait une batterie qu’il laissait chez mes parents, donc j’ai fait, aussi, vite de la batterie. Je dis ça parce que je trouve que le rôle que j’ai dans Out of The Blue, c’est plus un rôle de Dj, une sorte de Dj percussionniste, c’est à dire que j’ai pas d’ordinateur sur scène, j’ai ce qu’on appel un sampleur, mais qu’est sous forme de PAD ( surface de jeu ).
Fragil : Qu’est-ce qu’un sampleur ?
F.Ripoche : Sampler, c’est le fait de voler un son pour le remettre dans un contexte qui n’est pas le sien à l’origine. Par exemple, je prends ta voix, quand tu engueule quelqu’un, et je met ça sur une super ballade vachement calme, là, on est dans un système de sample.
Fragil : Ca revient à transformer un son ?
F.Ripoche : Non c’est pas forcément le transformer, c’est le prendre, l’isoler de son contexte pour le mettre dans un autre contexte. En fait, je voyage pas mal et j’ai toujours un mini disque avec moi et j’enregistre énormément. Par exemple, on a deux chansons où il y a des samples cubains. J’étais dans une soirée Yoruba c’est les soirées de transe liées à la religion Voodoo, et là j’ai enregistré du chant, je trouvais ça très très beau... Après j’ai retravaillé ça à l’ordinateur, avec des boucles. Ce qu’on apelle une boucle, c’est une phrase qui va du début à la fin et qui passe plusieurs fois. Donc là j’ai pris des chants que j’ai mis en boucle et je les utilise dans le contexte d’Out of The Blue. Voilà donc ça c’est vraiment le sampling, le fait de sampler.
Et pour répondre à ta question un sampleur, c’est une sorte de magnétophone... C’est comme si j’avais 8 magnétophones en même temps dans une seule machine et que je pouvais les actionner en même temps, moi ma machine c’est ça, 9 exactement. 9 magnéto qui peuvent tourner en même temps, je peux cumuler 9 sons. Ca peut être aussi des sons que je construis de A à Z, des choses que je fait chez moi en amont, que je prépare, sur des bases complètement électroniques.
Fragil : Que tu construis c’est à dire...
F.Ripoche : C’est à dire tu part d’un son, puis tu passe un filtre, enfin après c’est des mécanismes très techniques, puis t’arrive à un son arrangé, tu peux ensuite baisser d’une octave, ca fait quelque chose de beaucoup plus grave, etc...
Fragil : Est-ce que pour toi cette manière de travailler, le fait de créer tes propres sons, ça permet de faire de la musique de manière vraiment personnelle et donc de pourvoir vraiment innover, dans le sens où personne ne va créer le même son que toi ?
F.Ripoche : C’est un nouvel élément technique mais je trouve que ça rend pas la musique plus individuelle. Parce qu’en fait si t’écoutes nova ou n’importe quelle radio, les samples que t’entends et les sons électroniques que t’entends sont très souvent les mêmes. Ils viennent souvent des mêmes sources. Donc ça reste un outil. Si j’ai un saxophone en or, par exemple, donc un son très spécial, ça me rendra pas un truc perso si ce que je dis avec n’est pas perso, ça reste un outil...
Et aujourd’hui on parle de l’électro, l’électro dans tout les sens mais l’électro c’est un truc des années 50. C’est juste que ce que faisaient les mecs avant dans les années 50, ils avaient une salle de 100 m2 et aujourd’hui ça tiens dans un mac, dans un sac à dos, et ça c’est pas une petite évolution... La technologie est super évoluée et il y a vachement de musiciens qui ont eu accès à la musique grâce à ça, l’apprentissage dans ce cas n’est pas tellement de l’instrument mais il est plutôt informatique. Tu peux faire de la musique avec tes yeux avec un ordinateur...
Fragil : Avec tes yeux... ?
F.Ripoche : Ben c’est à dire que tu vois les dessins et tu vois si ils sont bien en face l’un de l’autre, si ils sont pas bien en face l’un de l’autre, la basse n’est pas avec la batterie par exemple, si tu ne l’entend pas mais que tu le vois, tu réussi à les mettre ensemble.
Fragil : Et par exemple, Laurent de Wilde disait que le fait de faire de la musique à partir de machines et non d’un instrument, ça t’amène à raisonner musicalement dans l’autre sens, qu’est ce que tu en penses ?
F.Ripoche : A mon avis si, il faisait allusion à l’autre sens, c’est que quand on joue d’un instrument acoustique, on pense à la note, on pense au son de son instrument et on se pose sur un tempo. Alors que la musique électronique, c’est elle qui va tout engendrer, c’est ça l’autre sens.
Fragil : Donc pour toi, ce matériel électronique, ça reste un outil...
F.Ripoche : Si tu considère qu’avec tous les sons tu peux en faire de la musique, après avec ce matériel là c’est génial. Donc moi là dedans je me situe comme une sorte de Dj mais percussionniste, j’ai choisi l’option de pas avoir d’ordi parce que je me vois pas avec une souris sur scène... Peut être que j’y viendrai mais je trouve que il y a un côté « bureau », même si le saxophoniste de Laurent de W je le trouvais ultra musicien et tout ça, après ça dépend de chacun... J’ai plus un rapport à la percussion avec mon truc, c’est une baguette et je tape, c’est une approche un peu comme un instrument de percussion et du coup je m’y sens mieux et comme je joue aussi du saxophone et du clavier je pouvais pas me mettre à l’ordinateur, tu vois, j’avais pas envie. Déjà là pour moi, de cumuler les trois trucs, c’est vraiment récent.
Fragil : A coté de ça, tu as travaillé sur d’autres projets, dans des domaines différents...
F.Ripoche : Oui, j’ai bossé sur une création Tu Duu-Chih pour le festival des 3 continents en 2004. Et puis on a joué au festival Paris Cinéma début juillet, ça c’était incroyable c’était au Jardin du Luxembourg, un festival de cinéma, 2000 personnes c’était super... Et Tu Duu Chih, c’est un monsieur qui mixe beaucoup de films asiatiques. Donc je suis allé une semaine à Taiwan chez lui bosser le projet, puis après on a joué ici.
Fragil : Et tu parles Chinois...
F.Ripoche : Bien sûr je parle Chinois très bien, je parle 11 langues...( rires ).
Fragil : Et le projet vidéo pour scopitone ?
F.Ripoche : Ce projet au départ c’est un projet directement avec de la vidéo, on l’a fait pour Scopitone et Soleils Bleus, les deux co-producteurs avec Onyx. Donc on a bossé avec des danseurs, on a travaillé sur la musique, mélangé des danseurs hip hop et contemporains, qui se connaissaient pas entre eux. Ils ont bossé sur la musique exprès, et construit ensemble des choses pendant 4 jours. A l’issue de ça on les a filmé.
Après, il y a plusieurs styles de vidéo, il y a la vidéo au sens clip, où ils dansent exactement la même chose du début à la fin et tu viens à tous les concerts, tu verras le même clip derrière. Mais je voulais pas ça, je voulais pas que le vidéaste sois là pour mettre : play / pause / play / pause. Donc on a aussi des caméras sur scène et le vidéaste nous remix en direct avec les images des danseurs qu’il a pioché dans une bande sons. C’est comme le sample de son mais c’est le sample d’image. Il peut me mettre des effets, en changeant l’image en direct, en mettant une autre couleur, une autre forme, etc...
Fragil : Donc mêler musique et vidéo c’est un truc qui te plait ...
F.Ripoche : J’adore... J’ai toujours bossé avec des comédiens, des vidéos, j’ai jamais fait de la musique de manière exclusive... Bien sûre quand je joue du jazz, je suis en quartet de jazz ou en trio, point basta, et il manque rien.. Mais je suis intéressé par d’autres trucs... Par exemple, j’ai bossé avec le vidéaste sur un groupe qui s’appelait « Les mystères de l’ouest », on jouait des musiques de séries TV que j’avais arrangé et il y avais des vidéos en même temps. Et encore avant ça je jouait dans un collectif qui s’appelait « Alice aux pays des merveilles », c’était un comédien qui racontait l’histoire d’Alice, c’était ultra déjanté et on jouaient en même temps que lui avec des vidéos aussi.
Fragil : T’écoutes plutôt quoi en ce moment ?
F.Ripoche : Matthew Herbert, énormément, beaucoup de choses du label Ninja Tune, j’écoute Sicilliano, une chanteuse qui fait de la musique électronique, j’écoute vachement de trucs comme ça, mais ça m’empêche pas d’écouter Monk ou Miles Davis... Katherine aussi, j’écoute son nouvel album en ce moment.
Fragil : Et le groupe Out of The Blue...
F.Ripoche : Ben, tu vois ça fait 15 ans que je suis à Nantes donc je connais vachement de musiciens. Et là ce que je voulais pour ce groupe c’est des musiciens qui soit à l’aise sur un instrument, au sens entre guillemet « jazz ». Parce que dans cet univers du jazz, les gens ont fait des études assez longues sur le plan perso, puisqu’il s’agit d’improvisation et donc, on appel même ça, dès fois, des solos, c’est à dire qu’on met en avant sa personne avec son instrument... C’est pas péjoratif mais il y a un côté un peu comme ca, et du coup je voulais des musiciens qui aient cette qualité là.
C’est à dire en gros qui savent improviser qui connaissent super bien leur instrument. Et qu’on ait aussi une culture commune, qu’est probablement le jazz. Et puis que ce soit des gens qui aient une ouverture d’esprit à faire de la chanson, jouer une chanson de trois minutes trente derrière une chanteuse, par exemple. La chanson pour moi c’est le format, c’est le fait de chanter et de raconter une histoire avec des mots et si il y a une improvisation, que ce soit une espèce de clin d’œil rapide, mais qui soit pas développé trois fois plus long que la chanson, pour moi c’est ça la chanson...
Fragil : Donc c’est toi uniquement qui est à l’initiative du groupe Out of the Blue...
F.Ripoche : Oui, ça fait 4 ans, c’est un jeune groupe, un très jeune groupe, mais j’ai envie de monter un groupe. Ce projet là en tout cas, j’ai envie que ce soit un groupe. Tu sais dans le jazz, tu joue avec quelqu’un pendant deux ans, après un autre et puis un autre, il y a beaucoup de promenades. Et de jouer dans truc machin, trio ou truc quartet c’est génial, j’ai envie de continuer ça tout le temps et puis de faire pleins d’expériences diverses avec des cinéastes, avec plein de gens... Mais à côté de ça, c’était une envie de monter un groupe, avec un avenir, un projet, une évolution, avec un son qui évolue... Le problème c’est qu’on peut pas parler de ça sans parler du marché du disque, sans parler d’Internet, de l’ordinateur, la vente de disque qui a baissée d’une façon monstrueuse.
En ce moment trouver un label c’est pas évident. C’est à dire que moi quand je vais aller frapper aux portes des gens dans deux mois avec mon disque sous le bras, j’aurai seulement 4 titres, tu vois un extrait... un enfer, je le sais déjà. Moi j’adore ce groupe et je suis persuadé que c’est un groupe qui devrait être signé dans un label, je suis sûr que ça pourrait fonctionner sur pleins de niveaux. En fait tu es un VRP, mais l’avantage d’un VRP, c’est que lui il vend un produit de son entreprise, moi là où j’ai un inconvénient énorme, c’est que je me vends moi... Et de dire aux gens que mon groupe il est génial et qu’il faut absolument le prendre, c’est vachement dur... Parce que d’être trop humble, les gens en veulent pas, et d’être trop prétentieux je trouve ça insupportable...
Fragil : Oui, ce qui veux dire que les critères ne sont pas vraiment basés sur l’aspect artistique du produit mais sur l’aspect commercial...
F.Ripoche : Ouais, mais tu vois tu parles de l’artistique, et malheureusement là on rentre dans un autre critère c’est que les labels, ils se pètent tous la gueule uns à uns, donc c’est un problème économique et puis il y a ce qu’on appel les Majors, les Majors elles sont au nombre de 4,5 et elles, elles mangent tout. Elles investissent dans des gens qui vont vendre énormément. Et à côté de ça, il y a les labels qui galèrent et qui eux vont défendre un truc artistique, c’est pour cette raison qu’ils galèrent. Et c’est pour cette raison qu’on a « Star Ac » à la télé et qu’on écoute toujours les mêmes merdes en radio. Parce que il y a un soucis de rentabilité dans le domaine artistique, et donc on est plus dans l’artistique, on est dans le business...
Et quand je vais aller voir un label, si il y a un mec qui me dit, tiens elle est bien cette chanson on pourrai en faire un tube, ils seraient capables de me prendre. Sauf que moi mon objectif c’est pas de faire des tubes, moi je fais la musique que j’ai a faire. Par contre si par hasard il y a un mec qui trouve ça bien et qui a les moyens de nous aider, c’est super.
Fragil : Et donc vous en êtes où avec Out Of The Blue ?
F.Ripoche : Là on vient d’enregistrer le diks, le disque.. ( rires ), on est en train de mixer, c’est à dire de voir si on va mettre la voix plus forte, la batterie moins forte et ça, ça prend du temps. Quand on aura mixé 4 titres sur les dix, je les isolerai sur un petit CD, et là je le mettrai dans une valise et je m’achèterai un costume et voilà....
Et puis on cherche un tourneur ou agent artistique. Mais l’agent artistique la première question qu’il pose, c’est : sur quel label tu es... Et quand tu n’as pas de label ou quand tu es en cours, les mecs, ils sont vachement hésitants. Parce que sur le plan business, c’est con hein de parler de ça, mais c’est la vie...,si tu as une promo pour ton disque, si tu vend des disques, pour le tourneur c’est plus facile de trouver des concerts. Dans le cas contraire, c’est un enfer pour le tourneur, donc voilà il y a beaucoup à faire...
Fragil : Des projets pour le groupe ?
F.Ripoche : Créer un site Internet, ouais, avec un professionnel. Sinon, on est sur le site du label Yolk. On a plein de matériaux pour notre site, de la vidéo, de la danse... on va faire pleins de trucs sur ce site. Ca sera fait pour la sortie du disque, j’espère...
Le site d’Out Of The Blue arrive...
En attendant, quelques infos sur le site du label Yolk :
www.yolkrecords.com
Pauline André
Bloc-Notes
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