
"Wild jazz"
Rencontre avec Laurent de Wilde
Le jazz : premier coup de foudre de Laurent de Wilde. Après avoir exploré une bonne partie des différentes facettes du jazz dit « classique  », il aspire à d’autres contrées musicales, une redéfinition du jazz...
Débute alors pour lui l’aventure électro et la découverte d’univers musicaux très variés, dub, drum n’ bass, jungle, hip hop... D’autres sons, d’autres rythmes, la musique de Laurent de Wilde évolue vers un univers musical à tendance électro. L’artiste bidouille toutes sortes de sons à sa sauce, invente, découpe, rajoute des effets selon une procédure qui lui est propre. Une approche personnelle, à travers laquelle il revisite le jazz de ses début, bien décidé, comme certains de ses contemporains ( Julien Lourau, Erik Truffaz... ) à "changer le son". Son dernier album "Organic" est une étape de plus dans cette belle évolution musicale.
Fragil : Tu es né à Washington et tu as vécu en France à partir de l’âge de 4 ans...
L.d.W : Oui, il paraît que ce sont des années importantes...
Fragil : Les 4 premières années ?
L.d.W : Ouais.
Fragil : Pourquoi ?
L.d.W : Ben... C’est les 4 premières... ( rires )
Fragil : Ok... Comment s’est passée ta rencontre avec le jazz alors ?
L.d.W : Ben je faisais de la musique et j’ai entendu un disque de jazz, et j’ai carrément flashé... C’était exactement la musique que j’attendais, c’était un authentique coup de foudre.
Fragil : C’était qui ?
L.d.W : Je me souviens très bien, c’était un disque d’Oscar Petterson. C’est donc ça qui m’a amené dans le jazz, puis très vite j’ai découvert plein d’autres choses. Mais je me rappelle bien le choc que ça m’a fait... C’était vraiment le coup de foudre.
Fragil : Et à partir de là tu as pris des cours de jazz ?
L.d.W : Non après ça j’ai crapoté dans mon coin en autodidacte et puis comme j’étais un petit peu occupé à l’école après le bac... grosso modo je continuais à travailler tout seul.
Fragil : Puis tu as commencé à travailler avec d’autres jazzmen...
L.d.W : Oui j’ai eu toute une période acoustique où j’ai fait quasiment tout avec un contrebassiste qui s’appelle Coleman. J’avais des amis fidèles dans le monde du jazz, Eddie Henderson, trompettiste...
Fragil : Comment tu es venu à l’électro, ça fait partie de l’évolution du jazz pour toi ?
L.d.W : En fait j’avais l’impression de tourner en rond à titre personnel, je perdais un peu le goût de la chose et puis comme j’avais travaillé un petit peu sur l’histoire du jazz, tu sais, j’ai écris un bouquin sur Monk, donc en fait je me suis aperçu que le jazz jusqu’aux années 80 s’est vraiment révolutionné tout les 10 ans. C’était une vague super forte, les règles du jeu changeaient de façon assez catégorique.
Et là, bon il y a une espèce de génération Marsalis à laquelle j’appartiens, un trompettiste qui joue aussi bien classique que jazz, à 19 ans il jouait avec la terre entière, une super star quoi... C’était un gars assez conservateur et effectivement, il a un petit peu recollé les morceaux éparpillés du jazz, avec une idée que le jazz c’était comme ça et qui fallait payer attention au maître et réapprendre toute l’histoire du jazz depuis Louis Armstrong etc. Donc il a un petit côté professeur, qui a bien structuré la scène jazz et puis alors on joue en costar, avec la cravate et tout ça...
Ces années là en fait, les années 80, je les ai passées à New York, et moi j’étais jeune musicien à l’époque donc c’était quelque chose qu’était encourageant et puis je jouais avec des musiciens de son orchestre, je sentais un petit peu l’énergie vibrionnante... Puis après ça les choses sont un petit peu resté en place et du coup quand j’ai vu arriver la drum n’ bass et toute la musique électronique et également la révolution technologique...
Fragil : Tu étais à New York à ce moment là ?
L.d.W : Non, je suis rentré à Paris en fait, dans les années 90, là j’ai continué à faire du jazz. Et puis c’est vers 1996 / 97 que j’ai participé à des projets différents avec Ernest Ranglin qui est un petit peu... ben, qu’est au reggae ce que James Brown est à la funk quoi... A l’origine c’était un jazzman et puis il a carrément transposé ça en "jamaïcain musique". Donc tout ca, ça m’a exposé à des choses très différentes et je me suis rendu compte, à Londres en particulier, qu’il se passait plein de trucs, que la scène électro ça bougeait beaucoup à Paris, à Berlin. Et puis la découverte des DJ, des petits gars qu’ont vraiment un sens du beat, du groove, vraiment très très profond. Alors ils jouent pas de la contrebasse, ils jouent pas de la batterie, mais ils jouent de la platine.
Du coup je me suis dit : aïe, aïe, aïe, là y’a des trucs à faire et j’étais pas le seul. En fait une révélation identique à celle que m’a produite le jazz, c’est un disque d’Amon Tobin. Et là c’est un univers qu’est hyper raffiné, très très complet, à la fois vachement lyrique et d’une maîtrise vraiment, puis après ça beaucoup de choses très différentes qui m’ont un petit peu ouvert les yeux à cette mentalité qu’est assez proche du jazz quoi...
Fragil : C’est une autre manière de percevoir et d’envisager la musique que de travailler à partir de machines électroniques... Il a fallut que tu t’initie à tout ça...
L.d.W : Oui ça prend du temps... et de l’argent, parce que c’est du matos. Heureusement la technologie a suivie et elle est pas étrangère à ça non plus, c’est à dire qu’on peu avoir un studio d’enregistrement pour le prix d’un portable, pour 1500 euros, t’as 100 fois plus de matos numérisé. Parce que quand on fait du son, ce qui coûte cher c’est d’avoir le magnéto qui enregistre, enfin les objets qui sont difficiles à entretenir. Et tout le matériel analogique qui existait avant était très coûteux et là les logiciels offrent en version numérique quasiment la même chose pour 100 fois moins cher, bon c’est pas la même chose bien sûre mais ça met un studio d’enregistrement dans ton ordi et donc tu peu faire joujou avec ça et ça c’est super.
Fragil : Donc pour toi venir à l’électro ça t’as permis de vraiment créer de nouveaux sons par rapport à ce que tu jouais déjà...
L.d.W : Voilà exactement, et puis une énergie différente aussi, c’est quand même de la musique très amplifiée, ça tabasse sévère... Alors ce qui est drôle c’est que quand on est musicien il faut faire le chemin complet pour aller de l’autre côté c’est à dire du côté de l’ingénieur du son. Il faut comprendre la musique de l’autre côté, moi j’ai appris la musique en pensant en notes, en rythmes, en placement des doigts puis là il faut penser complètement différent. C’est à dire que le son qui est produit on s’en fiche que ce soit un la bémol, que ce soit staccato ou que ce soit fait avec le 3eme doigt. Les notes on s’en fiche en fait ce qui compte c’est le son, ça suffit pas de faire les bonnes notes, il faut avoir conscience du son qui est produit.
Fragil : Ca revient à avoir une vision plus globale...
L.d.W : Exactement.
Fragil : L’idée pour toi, c’est de piocher des sonorités un peu partout et à partir de là, créer tes propres sons, tes propres rythmes...
L.d.W : Ouais, dans le dub, dans le jazz, dans la drum n’ bass, dans le hip hop, dans beaucoup de choses.
Fragil : Pour en revenir à ce livre que tu as écris sur Monk, c’est parti de quoi ?
L.d.W : En fait c’est la rencontre avec un éditeur français, un gars super, vraiment, un grand éditeur. Il m’a dit : « Toi t’es le gars que je cherche pour écrire un bouquin sur Monk », et j’ai dit « banco », c’est parti ! Donc voilà dès que j’avais 5 minutes je m’enfermais à la campagne et j’écrivais mon bouquin.
Fragil : Et l’écriture c’est quelque chose à laquelle t’avais déjà songé avant ?
L.d.W : Ben, c’est à dire que j’avais l’entraînement.
Fragil : Avec la fac et tes études de philosophie...
L.d.W : Voilà c’est ça, et c’était quelque chose de très structurant, donc j’ai vite trouvé mes marques et vite trouvé du plaisir à travailler dans cette direction. En plus je parlais de sujets qui m’étaient personnels, j’ai mis beaucoup de moi même en prenant beaucoup de plaisir.
Fragil : Et pour toi la scène c’est important ?
L.d.W : Oui, c’est le plus important, c’est le moment où la musique vit vraiment. En studio, c’est un peu glaçant, et puis tu n’a pas l’adrénaline que tu as en live.
Fragil : Tu cherches à faire passer un message à travers ta musique ?
L.d.W : Oui, là par exemple, c’est une musique assez vénère pour des temps assez vénère. C’est aussi le fait que j’utilise le rhodes, c’est un instrument qui a été beaucoup utilisé dans les années 70. Oui, il y a de la tension dans la musique, c’est assez tendu en ce moment. C’est un peu les vieux qui gardent l’affaire, j’ai l’impression qu’on a une société qu’est complètement détournée au profit de quelques uns, qui tiennent l’affaire et qui veulent pas lâcher.
Déjà d’un point de vue politique tu vois, l’interdiction du cumul des mandats me semblerait être une règle de base en politique quoi, ne serait-ce que pour ça, ça bloque déjà tout. C’est à dire que les gars ils gardent toutes leurs petites casseroles au feu, au coin et ils laissent monter personne, ya aucun sang neuf qui arrive, on ne peut voter que pour un président qui a au minimum 60 ans, en dessous c’est carrément un rien du tout. Ca marche pas du tout , on est sous la cocotte minute... Tout l’univers devient jetable, tout change de forme.. c’est marrant parce que quand on habite à New York, c’est une ville qui se détruit, qui se reconstruit.
En Europe on sens que les choses sont là quoi, en même tant c’est le côté sympa en Europe, tout le patrimoine historique et la présence des ancêtres, c’est très riche... Ce qui se passe c’est que le communisme s’est effondré et plus pers ne croit à ça, et donc du coup le dollar a gagné par défaut et la foi dans l’argent, c’est à dire le fait que les marchés se régulent tous seuls et que l’argent est bon pour l’homme, est en train de s’effriter, mais il est vainqueur par défaut et on voit bien le prix que ça coûte aussi...
Voilà, je laisse Laurent se préparer avant le concert, pour cette dernière soirée du festival Nantes By Fac. Et le festival finit en beauté avec deux grands du jazz, super soirée...
Prochaines dates de concert et plus d’infos sur le site de Laurent de Wilde : www.laurentdewilde.com
Livre : "Monk", éditions Folio.
Pauline André
Bloc-Notes
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