CINÉMA
Univerciné, le haut vol du cinéma allemand
Fragil, partenaire du cycle du cinéma allemand qui a ouvert la nouvelle saison d’Univerciné, revient sur deux longs métrages du festival. Le remarquable et remarqué Transpapa, en compétition pour le Prix du public, ainsi que le troublant Hell.
Derrière le tendre nom de Transpapa se dévoile l’émouvante histoire d’une jeune adolescente qui part à la recherche de son père qu’elle n’a pas revu depuis cinq ans. En conflit perpétuel avec sa mère, c’est au prix d’une ultime dispute que la jeune Maren apprend dans la douleur que son paternel est devenu… une femme. De quoi accentuer son envie d’aller à sa rencontre. C’est sur la base d’une histoire personnelle, que la réalisatrice Sarah Judith Mettke a souhaité évoquer la question de la transsexualité avec son impact au sein de la société et de la cellule familiale en particulier.
Le cinéma encore timide
Peu de films osent porter à l’écran des transsexuels, personnes mises en marge de la société. Un sujet méconnu et délicat pour le cinéma qui souvent l’aborde sous un angle étroit et prudent. On se rappelle le poignant Transamerica sorti en France en 2006 avec l’époustouflante interprétation de Felicity Huffman qui lui aura valu un Golden Globe et une nomination aux Oscars. On était du coup bien loin de son rôle de Lynette dans cette célèbre série désespérante. Dans Transpapa, la réalisatrice fait le choix judicieux du trait d’humour pour casser l’émotion palpable du jeu d’acteur de Devid Striesow.
Dans Transpapa, la réalisatrice fait le choix judicieux du trait d’humour
La question transgenre
Dans de multiples scènes à effet de miroir renvoyant une symétrie inversée, la jeune Maren, en proie à ses doutes d’adolescente, se retrouve propulsée à devoir assumer une maturité qu’elle n’a pas choisie. Pendant que sa mère s’envoie en l’air, elle découvre la sexualité avec des garçons prépubères attardés (pléonasme). Elle se met à fumer. Elle souhaite apprendre à conduire. Toutes ces cocasseries la rendent piquante et drôle. Comme la poignante scène des retrouvailles sur un quai de gare avec son père devenu Sophia qui lui lance « j’ai failli ne pas te reconnaître », qu’on s’attendrait plutôt à entendre de la bouche de la jeune fille. Ou encore lorsque Sophia tente sur le ton de l’humour de lui expliquer comment est-ce qu’on apprend à inhaler la fumée de cigarette en cachette lorsqu’on est jeune, en disant : « ah ! voilà papa ! » Ce qui lui vaut cette réplique de Maren, « je ne pourrais plus dire ça aujourd’hui. »
Un autre regard
Dans le décor kitsch de série allemande qui habille le quotidien de Sophia, la jeune Maren s’interroge sur sa propre interprétation de cette situation qu’elle renvoie aussi à nous-mêmes. Comment appeler désormais ce père qui n’en est plus un, mais qui n’est pas non plus sa mère ? Quelles sont les changements physiques subis par cette évolution d’identité ? A la brutalité du regard des autres s’accompagne souvent la violence des mots et des ragots de quartier. En toute circonstance, Maren prend la défense de son père, Sophia, abandonnant les sinistres moqueurs à leur propre sort. Cette nouvelle relation naissante leur offre un début de complicité pleine de partages plus que Maren n’en a jamais eu avec sa mère biologique. Symbole qu’il nous est donné de voir lors de la très belle scène finale lorsque cette dernière vient rechercher sa fille, mais préfère l’attendre dans sa voiture.
No future
Pitch fantastico-écolo-futuriste pour Hell, réalisé par Tim Fehlbaum et produit par Roland Emmerich. Jamais sorti en France, ce film avait pourtant reçu un encouragement au Festival du cinéma fantastique de Gérardmer. Certes le scénario n’a rien de vraiment original. Un énième du genre : dans un futur proche, l’humanité est au bord de l’extinction suite à un grave dérèglement écologique. Deux sœurs survivantes doivent se protéger des rayons brûlants du soleil dans leur quête de nourriture et d’eau potable. Or, malgré son producteur coutumier des scénarios poussifs aux images racoleuses, Hell ne tombe pas dans cette facilité. Est-ce pour des questions de budget ? Peu importe. L’absence de trucages, de scènes purement gore ou d’effets spéciaux rend le film beaucoup plus intriguant et accentue sa densité.
Pour être fantastique, le cinéma allemand en devient créatif
Une lumière très présente, voire aveuglante. Une couleur ocre. Le choix d’un décor minimaliste et contemporain. Une société décimée ayant perdu tout repère. Le tout dans une écriture cinématographique construite comme une véritable bande dessinée. Voilà ce qui fait tout l’intérêt du film.
Une écriture cinématographique construite comme une véritable bande dessinée
Ce n’est pas Saw
On pourrait aussi bien y voir une référence appuyée au scénario de La colline a des yeux, version Wes Craven. Lorsqu’une des deux sœurs finit par se faire kidnapper, l’autre la retrouve dans un camp retranché où vit une famille consanguine d’apparence bienveillante. C’est en s’échappant d’une tentative de viol, qu’on découvrira comme elles un étrange laboratoire de boucher propre au cannibalisme auquel s’adonne cette famille from Hell.
Il est bon mon ragout
Hell nous interpelle également sur nos propres pulsions. Doit-on sauver sa peau avant celle des autres ? Au-delà des cas extrêmes, le spectateur est partagé entre égoïsme et héroïsme. C’est l’absence d’images choc qui nous permet de prendre un peu de hauteur. Un cas de conscience pour sauver une lente exctinction de l’humanité et de ses besoins physiologiques. C’est sans doute l’état d’esprit écologique très présent dans la société allemande qui marque Hell à ce point.
Le Prix du Public et le Prix du Jury (une quinzaine de jeunes étudiants passionnés par le cinéma) ont été décernés au film This Ain’t California de Marten Persiel et qui avait ouvert le festival. Retrouvez également sur Fragil le compte rendu de ce film signé Nadja Altpeter. Rendez-vous désormais le 5 décembre prochain pour le cycle britannique.
Jérôme Romain
Bloc-Notes
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