
Jeune musicien cherche public 2/4
Les caprices du buzz
Ses mécanismes échappent à la logique du marketing, il jette des artistes sous les feux de la rampe, au risque de les faire disparaître aussi rapidement. Le buzz sur Internet est devenu un moyen aussi efficace qu’imprévisible de diffuser sa musique.
Pour le musicien de la crise du disque, il ne suffit plus de travailler ses gammes pour trouver un public. Ce qui compte avant tout, c’est d’être visible. Et en termes de visibilité, Internet reste la référence. Le web est devenu un passage presque incontournable pour connaître le succès.
En février 2007, La Chanson du dimanche diffuse sa première vidéo, vue par une centaine d’internautes. En novembre, le duo humoristique est affiché en première page du site de partage de vidéos Dailymotion. Semaine après semaine, les deux compères rassemblent un public de plus en plus nombreux. Un an plus tard, La Chanson du dimanche comptabilise 17 millions de visites totales, s’offre également une tournée nationale d’une trentaine de dates et une salle comble et euphorique à la Cigale.
Combien sont-ils à pouvoir passer sur le petit écran ?
Finalement, ça fait peur, six mois, c’est rien sur une carrière.
Question de talent ? Pas seulement. "C’est évident qu’Internet les a aidé, concède Grégoire Bouissou, leur manager. Avant, ils ont tourné pendant cinq ans au sein du groupe Beaubourg, écumant les salles sans attirer l’attention des professionnels. Mais en novembre 2007, quand les programmateurs ont constaté que leurs vidéos avaient été regardées cinq ou six millions de fois, ceux-ci ont réfléchi."
La communication numérique brûle parfois les étapes de la promotion classique. Le parcours d’Orelsan en est un exemple. Le jeune homme rappe depuis dix ans dans les rues de Caen. Un jour il décide de poster une vidéo, Saint-Valentin, sur sa page MySpace. Avec ses paroles très misogynes et son sens de l’autodérision, sa création fait le tour de la toile. Le nombre de visites explose, et sur les forums, les protestations de certains internautes se multiplient, bien avant les réprobations de la classe politique.
En novembre 2008, son clip Changement passe à la télévision. A la fin du mois, Orelsan s’offre plusieurs dates à la Boule Noire. Le rappeur bénéficie d’une promotion importante. Dans le hip-hop, combien sont-ils à pouvoir passer sur le petit écran ? Simple détail : son premier album, Perdu d’avance, n’est sorti qu’en février.
Chaque mois, ils sont des centaines à vouloir attirer l’attention des internautes. Jusqu’à la nausée. "Il y a une surenchère de promotion", résume Franck Vergeade, du magazine Magic.
Aux artistes de surprendre encore et toujours
Les coups médiatiques se suivent. Mais qui se souvient de Kamini ? Fin 2006, ce rappeur de Marly-Gomont (Aisne) amuse les internautes avec une ode ironique à son village perdu.
Après un disque d’or, il obtient une Victoire de la musique dans la catégorie Meilleur clip de l’année, et est cité parmi les personnalités de l’année 2006 par le magazine Time. Deux ans plus tard, Kamini a disparu de la scène médiatique. Aux dernières nouvelles, il jouait en juillet dernier gratuitement à Elancourt (Yvelines).
"Aujourd’hui on te parle de "buzz", explique le dj Nicolas Jullien, alias Niwouinwouin, de trucs qui sont incroyables mais qui bizarrement durent six mois... Finalement ça fait peur, six mois, c’est rien sur une carrière..." Aux artistes de surprendre encore et toujours, pour ne pas tomber dans les limbes de l’anonymat, poussés par un public avide de nouveauté.
Timothée Blit
Photos : Patrice Molle ; 3èmebureau/Wagram music ; Jonathan Dailleur
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