
Puccini, Verdi et Gluck
Croisement d’univers à l’opéra de Nice
La saison 2008-2009 de l’opéra de Nice privilégie des rencontres entre les différents arts. Après «  Macbeth  » de Verdi où la dramaturgie épousait un univers d’images vidéo et «  La rondine  » de Puccini, revisité par l’imaginaire de Nall, artiste disciple de Salvador Dali, «  Orphée et Eurydice  » de Gluck, programmé fin avril, explorera le langage des corps, dans un spectacle dà » au chorégraphe allemand Ralf Rossa.
Tout commence, durant les premières notes de l’ouverture del’opéra de Verdi, par un écran gigantesque de jeu vidéo où les navires d’une bataille navale coulent au rythme des frémissements orchestraux. Il cède la place à un lieu d’aujourd’hui dévasté par la guerre, dans lequel les sorcières prophétesses de Shakespeare déshabillent un soldat. Pendant toute la durée de l’opéra, le metteur en scène Marcelo Lombardero questionne cette tragédie du pouvoir et de l’ambition à la lumière de l’actualité, intégrant des images de guerre, de dictature, d’avions s’écrasant contre des tours. L’un des sommets en est la vision pathétique du tyran déchu qui interprète une aria désespérée, enveloppé par l’écran qu’il a arraché et sur lequel défile un film de bombardements et de destruction, tel un drap mortuaire. La scène du banquet où apparaît le spectre de Banquo se déroule précisément dans une salle couleur pourpre, au sommet d’un gratte-ciel d’une grande capitale. Lombardero est argentin et sa vision de « Macbeth » porte aussi des traces de dictatures en Amérique latine. Ainsi, on passe de l’intime à l’universel et le choeur des opprimés est d’une grande intensité dramatique. Les références au cinéma d’une mise en scène d’opéra particulièrement centrée sur l’image, sont nombreuses. Ainsi, l’air d’entrée de Lady Macbeth, écoutant dans un téléphone portable la fatale prédiction rapportée par son mari,dans un pénétrant clair obscur évoque l’inquiétante étrangeté de Ingrid Thullin dans « Les damnés » de Luchino Visconti.
Un impossible envol
« La rondine » est une rareté de Giacomo Puccini, créée en 1917, où l’on pressent un désir de renouvellement de la part du compositeur. Évoluant entre situations comiques et ouragans de lyrisme, l’oeuvre dessine des êtres hésitants, face à des choix déterminants. Le poète Prunier, dont le ténor Florian Laconi explore, avec beaucoup d’émotion et un timbre d’une grande richesse, toutes les nuances et les variations de l’âme, est de ceux qui, à l’instar d’Emma Bovary, rêve de faire de sa vie une oeuvre d’art. Il affirme, au premier acte, être en quête d’une femme qui serait le portrait de Galatée, de Bérénice ou de Salomé. C’est certainement un même élan vers l’impossible qui conduit Magda à renoncer à l’amour. L’artiste Nall a enveloppé ces personnages en errance de motifs récurrents dans son oeuvre. On reconnaît ses oiseaux sur les robes des solistes et sur les parois des décors. Des danseurs en dessinent les mouvements et l’héroïne achève sa trajectoire amoureuse à l’intérieur d’une gigantesque cage, image mélancolique de l’enfermement pour qui ne parvient pas à se satisfaire du monde réel : la rondine signifie en français l’hirondelle...
En attendant « Orphée et Eurydice »
La mise en scène de « Orphée et Eurydice » de Gluck, qui est programmée à partir du 24 avril 2009, a été confiée à Ralf Rossa ,un chorégraphe allemand. Directeur, à partir de 1998, du ballet de l’opéra de Halle, qui porte son nom depuis 2001, ce dernier s’est illustré dans le répertoire classique et contemporain, du « Lac des cygnes » de Tchaikovski à « Cantus in memory of Benjamin Britten » sur une musique de Arvo Pärt. Ainsi, le cheminement métaphorique d’Orphée dans son travail de deuil, de l’épreuve de l’enfer à la renaissance, passera-t-il aussi par le langage des corps. Le chorégraphe a déjà réglé des ballets d’opéras pour « Tannhaüser » de Richard Wagner ou « Les Troyens » d’ Hector Berlioz mais, en prenant en charge la totalité de l’Orphée de Gluck, ce sont le chant et la voix qui vont être mis en mouvement, en poussant le jeu des correspondances jusqu’à une extrémité à laquelle Charles Baudelaire aurait certainement été sensible. Marie-Ange Todorovitch, qui aborde pour la première fois le rôle titre, faisait partie de la distribution de « Welcome to the voice » au Châtelet à l’automne dernier, aux côtés de Sting et d’ Elvis Costello. De telles ouvertures aux autres disciplines nous ramènent aux sources et à la définition de l’opéra, avant tout art total, en perpétuelle métamorphose.
Christophe Gervot
Bloc-Notes
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