
Hip opsession 2009
Akalmy : Le rap avec tempête
Trois piliers de la scène underground nantaise réunis sous une entité. Trez, JM et DJ Sandro défendent leur vision du hip-hop ensemble au sein d’Akalmy. Un rap brutal et conscient qui appelle à l’éveil des consciences et à l’unification. Une combinaison explosive qui fait du groupe un condensé d’énergie, sur scène comme sur disque. Fragil a rencontré les deux MC’s du groupe.
Mardi 17 février 2009, à la Barakason. La conférence Back To The Roots, proposée dans le cadre du festival Hip OPsession 5, nous emmène aux Etats-Unis. Parmi les intervenants, Trez et JM d’Akalmy qui reviennent tout juste d’un voyage à Los Angeles. Le temps de trouver une salle isolée et de récupérer les deux acolytes à la fin du débat, puis la discussion s’engage.
Notre art, c’est le miroir de nos vies
Fragil : Pouvez-vous présenter rapidement votre groupe, l’histoire de sa formation ?
Trez : Personnellement, avant de rencontrer JM en 1998, je ne faisait que rapper devant mon miroir. Lorsque je suis arrivé à Nantes, JM a été le déclencheur. J’ai commencé à faire du rap une activité concrète. De fil en aiguille, il a participé à la conception de mon album "Identité XIII" sorti en 2006 et lors de nos scènes respectives, l’un était le backeur de l’autre [1]. Du coup, le groupe à pris forme à partir de ces collaborations. JM : Pour ma part, je suis MC depuis 1993 et j’ai évolué sur la scène hip-hop au contact des pionniers de la scène de l’Ouest. J’ai contribué au lancement de Trez et mes activités d’éducateur et de technicien dans l’association Kontrat Dixion m’ont permis de soutenir nos projets. Mon dernier album, "L’Avenir des Hommes", a aussi été porté par Trez.
F : Pourquoi vous attachez-vous à délivrer un rap très enraciné dans ces codes de base ?
T : Je pense que c’est ce qu’on aime !
JM : Nous n’envisageons le rap que comme un moyen de revendiquer, comme un moyen d’expression. C’est un peu le miroir de nos vies. Il s’inscrit vraiment dans son époque. C’est-à-dire qu’actuellement nous sommes dans un époque de crise donc forcément on sait que l’album d’Akalmy va être plus engagé que ce que nous avons pu faire auparavant. Nous revendiquons un rap utile. De par nos activités professionnelles, nous travaillons auprès des jeunes [2] : nous nous devons d’être responsables à travers nos discours.
T : Souvent on part de choses simples, du quotidien, pour essayer d’amener un discours plus général et parler au plus grand nombre. L’idée est là. De plus, que ce soit moi, JM ou Sandro, nous n’avons connu le rap que sous sa forme revendicatrice. Du coup, on ne se retrouve que là-dedans, c’est la forme qui nous parle le plus. C’est la forme qui nous parle le plus, sans aller jusqu’à dire qu’on est sectaire. Lorsqu’on veut travailler sur un morceau, quelque soit le thème, on ne se pose même pas la question : il faut que ça soit engagé.
T : Je ne sais pas si c’est de l’amertume, c’est un constat. Aujourd’hui, on s’ennuie un peu dans le rap français. Sans prétendre que l’on va le révolutionner, on sait ce qu’on entend, ce n’est pas ce qui nous parle. On revient toujours aux mêmes choses. Nous aussi on a des choses à dire et à faire. Ce morceau est parti un peu comme ça, une impulsion.
JM : C’est vrai que Pulsion, c’est vraiment le mot qui résume ce morceau. C’est le morceau le plus particulier du projet Akalmy. A partir du moment où on a choisit le nom Akalmy, il fallait que notre premier morceau le fasse ressortir. C’est un peu le morceau introductif du groupe, la base.
Actuellement nous sommes dans un époque de crise donc forcément on sait que l'album d'Akalmy va être plus engagé que ce que nous avons pu faire auparavant.
F : D’ailleurs, pourquoi ce nom, Akalmy ?
T : C’est le contraste du mot que nous aimons. Les gens que l’on côtoie dans la vie te dirons que l’on est assez calme, posé. Mais quand on monte sur scène, nous le sommes déjà un peu moins. C’est ce paradoxe entre la vie de tous les jours et la scène qui nous plait. C’est le calme avant la tempête. Le morceau était donc là pour sceller quelque chose entre nous. Même si l’ensemble paraît virulent, nous venons dire "Voilà le groupe, voilà Akalmy". C’est une forme d’exutoire.
JM : Nous avons voulu faire un morceau plein d’énergie. Un morceau dans lequel on parle du hip-hop en se situant. Une forme de carte de visite.
F : Vous revendiquez un rap "sombre et brutal, où derrière chaque rime, jaillit l’espoir d’un avenir meilleur". N’est-ce pas contradictoire ?
JM : Notre art, c’est le miroir de nos vies. Notre rap n’est pas que sombre, il n’est pas que mélodique, il n’est pas que mélancolique. On ne fait pas que subir la crise, on passe aussi de très bon moment ensemble. Il peut y avoir dans nos textes, des petites contradictions comme celle-ci.
T : C’est ce qui nous définit un peu. On va être dans un discours, dans une attitude sombre…et en même temps tu sais qu’on est tous le temps en train de rigoler entre les morceaux. Ca fait partie de notre personnalité... On n’est pas dans des états glauques en permanence. C’est plus dans nos attitudes que le contraste est flagrant. Le climat social ne nous permet pas de faire des morceaux joyeux. On réagit en fonction de l’urgence actuelle.
JM : Quand tu te prend un coup de massue, tu a besoin de vider ton sac. Mais c’est clair que, volontairement, on se doit de faire des morceaux qui appellent aussi à l’espoir.
T : Un morceau comme "Précaire" paraît pessimiste, mais si on écoute le refrain, il appelle à l’unification.
F : "On est loin du fiasco de ce carnaval hip-hop", "Insoumis face à la traitrise de ce rap game"... A l’écoute du morceaux Retour De Flammes, on ressent une certaine amertume par rapport au milieu du rap. F : A l’heure où les différentes disciplines du hip-hop tendent à s’émanciper les unes des autres, pourquoi attacher autant d’importance au DJ dans votre formation ?
T : Je ne conçois pas le rap sans DJ. Il est hors de question de mettre les pieds sur une scène sans un DJ.
JM : Ce n’est pas non plus comme si moi et Trez avions cherché un DJ. Sandro était le DJ de Trez et aussi mon DJ. Quand nous défendions l’album de Trez, je l’accompagnais, ainsi que Sandro, et vice-versa. Akalmy est né à trois, c’est pour cela qu’on essaie un maximum de le défendre à trois. On s’efforce de ne pas avoir la maladresse d’oublier notre DJ, de ne le citer qu’au moment des remerciements.
T : Au-delà de ça, Sandro apporte tout un côté musical. On ne s’en rend pas compte quand il est sur scène, mais il participe à la production des instrumentaux et il est présent sur tous les morceaux. Il nous amène une énergie. Ce ne pas juste un élément ajouté, c’est une synergie. Si Sandro n’est plus là, Akalmy ce n’est plus la même chose. Et nous sommes aussi basés sur des rapports humains : nous sommes amis avant d’être rappeurs.
F : Vous avez voyagé aux Etats-Unis en novembre dernier, expliquez-nous l’objectif de ce voyage et ce qu’il a pu vous enseigner... JM & T : Tout est parti d’un concours. B-Real du groupe Cypress Hill se proposait de produire des groupes du monde entier et de les réunir sur une compilation. Nous avons donc posé notre candidature sans grande conviction. A notre grande surprise, nous avons été retenu. L’occasion était immanquable et nous avons donc passer six jours à Los Angeles pour enregistrer un morceau avec B-Real sur un instrumental de sa composition.
T : Nous y allions en premier lieu pour l’échange. On y allait aussi dans l’idée d’approcher d’un mythe. Quand nous avons atterri sur le sol américain, nous sommes arrivé avec des yeux de gamins. Sauf que dès l’après-midi nous étions en studio, et il fallait se mettre au travail. Même si tout était très sérieux, c’était un pur moment de plaisir. Tous cela nous à beaucoup apporté, mais ce fût surtout du "kif".
Souvent on part de choses simples, du quotidien, pour essayer d'amener un discours plus général et parler au plus grand nombre.
JM : Nous n’en retirons pas une expérience matérielle. Nous n’y sommes pas allé en se disant : "Nous allons apprendre tel truc technique" ou quoique soit d’autre. On parle souvent des américains de loin, mais concrètement, qu’est-ce qui nous différencie ? Nous avons donc pu voir tout cela sur le terrain, satisfaire notre curiosité et repartir plus riche sur ce point-là. Notre motivation était là. Et finalement, la différence n’est pas si grande, mais ce qui ressort surtout, c’est que les américains se prennent moins la tête que les français. Ils font simple et efficace que ce soit au niveau du son ou du flow. Je m’attendais à quelque chose de plus flagrant. Au final, quand nous avons commencé à pratiquer le hip-hop, on c’est rendu compte que nous n’avions absolument pas à rougir d’eux. C’est ce que les gens retiendront en écoutant le morceaux.
F : Quels sont vos projets pour l’avenir ?
T : Nous avons deux scènes à venir pour le mois d’avril. Le 3 à Angers puis le lendemain à l’occasion du festival les Z’eclectiques. Nous sommes encore en studio, donc nous nous attachons déjà à terminer l’album, qui arrivera courant 2009.
F : Merci à vous.
Interview : David Joly
Photos : droits réservés Marc Renou
[1] Le backeur accompagne le rappeur sur scène pour donner du volume à ces textes
[2] Trez est éducateur spécialisé et JM propose des ateliers hip-hop auprès des jeunes
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