
Opéra
Riders to the sea
Raretés à l’opéra de Rennes
La saison 2008-2009 de l’opéra de Rennes frappe par son audace. Après avoir ressuscité «  Der Vampyr  », un opéra allemand de Heinrich Marschner ,aux accents d’un roman gothique, créé en 1827, il nous a offert une rareté en un acte de Ralph Vaughan Williams , «  Riders to the sea  ». Le choix de ces oeuvres inconnues permet de décliner l’opéra autrement, en en variant les couleurs et les atmosphères, et d’élargir le répertoire. La soirée consacrée à Vaughan Williams explorait des formes brèves, sortes de miniatures lyriques. L’opéra en un acte était en effet précédé d’un cycle de mélodies « songs of travel  », pour baryton et orchestre. L’émotion causée par l’intensité et la concision s’ajoutait au plaisir de la découverte. D’autres opéras insolites seront proposés cette saison, qui vont ouvrir de nouveaux possibles.
La grande force de « Riders to the sea », créé en 1937, d’après la pièce de John Synge (1932), réside dans son extrême concision et son épure. A l’instar d’autres formes brèves, de la nouvelle ou du haïku japonais, il s’agit d’exprimer le maximum en peu de temps et d’aller à l’essentiel. Ainsi, quelques objets de la vie quotidienne (une échelle, des restes de vêtements) et trois femmes plongées dans le souvenir et l’attente dessinent les contours d’une action extrêmement resserrée qui a pour cadre une de ces provinces reculées de l’ouest de l’Irlande, où le grondement de la mer et ses fureurs ponctuent le quotidien, en arrachant les êtres chers à la vie. Chaque départ en mer représente une menace et l’orchestre de Ralph Vaughan Williams sculpte avec une profondeur infinie les bruits sourds de ces drames aux couleurs marines. Dans cet univers hostile, où les voix répondent aux éléments, on assiste à la désespérance et à la douleur d’une mère, Maurya,qui raconte la perte de ses fils, dont elle a parfois des visions fantomatiques. Nous la suivons dans son fulgurant cheminement, de l’anéantissement à la colère puis vers une forme d’acceptation. Le travail du deuil semble s’accomplir dans le rituel du « keening ».
Ce sont des lamentations de femmes qui accompagnent, dans la tradition irlandaise, le dernier voyage des marins rejetés par la mer. Ce chant, auquel se joint la voix de Maurya, est d’une douloureuse et pénétrante beauté et a la puissance d’un choeur antique et les accents d’un requiem. Jacqueline Mayeur, fascinante contralto, exprime les nuances de la douleur de cette mère avec beaucoup d’émotion et de vérité. On lui doit de beaux moments à Nantes dans « Boris Godounov » de Modeste Moussorgski (2000) et dans « le coq d’or » de Rimsi-Korsakov (2002). Elle incarnait Margret dans l’électrisant « Wozzeck » mis en scène par Jean-François Sivadier à Lille, en janvier 2007. La mise en scène de Christian Gangneron sculpte avec beaucoup de sensibilité ces âmes mises à mal. Cet opéra qui dure une cinquantaine de minutes est précédé d’un cycle de mélodies ,« songs of travel », du même compositeur. Le baryton Patrice Verdelet interprète ces chants avec de saisissantes nuances, dans un climat intime, accentué par une dramaturgie dépouillée et la projection de fragments des textes de Robert Louis Stevenson . Jean-Luc Tingaud, à la tête de l’orchestre du grand théâtre de Reims, coproducteur du spectacle, met en évidence avec une belle énergie, les variations des couleurs de la partition et ses touches impressionnistes. Ralph Vaughan Williams est un compositeur à découvrir dont certaines pages évoquent Benjamin Britten et notamment les fulgurants interludes marins de « Peter Grimes ».
Un art extrêmement vivant
L’opéra de Rennes poursuivra son exploration de raretés tout au long de la saison. Des oeuvres de la fin du XX ème siècle tels « la trahison orale » de Mauricio Kagel (1988) et « le château des Carpathes »(1993) seront représentés en mars et en avril 2009, ce qui montre que l’opéra est un genre vivant et d’une véritable modernité. En avril également, « Macbeth » de Verdi en version de concert permettra de mesurer combien ce type de représentation n’exclut pas de passionnantes caractérisations. « Don Giovanni » de Mozart, dans une mise en scène fascinante de Archim Freyer créée au festival de Schwetzingen il y a une dizaine d’années., achèvera la saison en mai. Gabor Bretz , sublime baryton à l’exceptionnelle présence scénique, incarnera le libertin. De telles confrontations entre les répertoires sont passionnantes et donnent à l’opéra l’image d’un art en perpétuel mouvement.
Christophe Gervot
Photos : Anne Valès
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