Présentation
Alex de la Iglesia
Chus Gutiérrez
Enrique Urbizu
Fernando Trueba

Comment définir Alex de la Iglesia, sans inévitablement réduire ce fantastique personnage ? C’est après avoir savouré une tasse de chocolat fumante, accompagnée d’un splendide croissant doré que le réalisateur basque nous emmènera un peu plus dans son imaginaire, découvert avec la projection de 800 Balles.

Nouveau genre

Son dernier film, 800 balles, prend sa source d’inspiration dans un village créé de toutes pièces pour les besoins du cinéma de l’ère Sergio Leone, dans les vastes plaines désertiques de l’Andalousie. Alex de la Iglesia saisit l’occasion de revisiter le western spaghetti. : “ un genre hautement symbolique. Une invention du cinéma, puisque rien de tel n’a jamais existé. C’est le genre le plus intrinsèquement cinématographique, car il n’a pas d’équivalent. Cela permet au spectateur de garder une certaine distance par rapport à l’amour, l’amitié… L’idée n’est pas de moi, mais de John Ford. ” 800 balles est un western “ marmitako ” comme il se plaît à le définir.

Par sa culture cinématographique et un parcours atypique, où Iglesia a été illustrateur pour des revues, directeur de pièce de théâtre, le cinéaste a construit un cinéma personnel, qui ne correspond à aucun type précis. Bien que surprenant de calme et de normalité, on sent le bouillonnement créatif : “ J’aime les genres purs, mais au moment où j’aborde un film, je me retrouve face à ma personnalité, mes contradictions, mes problèmes. Le film achevé diffère complètement de l’idée première. C’est comme voir le style, mais à l’envers. Mes films seraient plus compréhensibles et transparents s’il n’y avait pas un tel tourbillon dans ma tête et si ça ne tanguait pas autant ! ”

Western sous le soleil

800 Balles raconte l’histoire d’un enfant qui après avoir quitté une maison luxueuse, une mère trop protectrice, s’en va retrouver son grand-père. Celui-ci est installé dans une ville en carton pâte. Au milieu de nulle part en plein désert d’Almeria, survivent des nostalgiques, perdus dans leur rêve d’enfance, qui rejouent pour les rares touristes de pathétiques scènes d’actions. Le cinéaste se permet de créer des personnages grandiloquents, proche de Fellini. Loin de reprendre les archétypes des figures de Sergio Leone, Iglesia bousculent les genres, pour leur donner une autre dimension. Du recyclage de la culture populaire des années 70.

L’enfant à la recherche de ses racines trouvera des adultes immatures mais très attachants, plus humains que sa mère et ses velléités de business woman. Aussi l’on voit les hommes de cette petite communauté se faire materner tant par de superbes jeunes putes que des matrones décaties. La mère du petit garçon veut bouter tous ces géniaux marginaux hors de ces friches pour les transformer en insipide parc d’attractions.

Gags visuels

800 Balles est, comme ses précédents films du grand divertissement.“ Alex de la Iglesia plaidait en faveur d’un cinéma amusant où le visuel aurait autant d’importance que le littéraire, dans lequel, au-delà du texte, la caméra deviendrait l’outil fondamental qui permettrait de prouver ses capacités de créateurs ”, selon Raul Nagore, journaliste espagnol. Un tel cinéma semblerait kitsch si Iglesia n’avait pas cette force de lui injecter une bonne dose de dérision.

De son ancienne activité d’illustrateur, Iglesia s’est forgé une créativité visuelle débridée qu’il réutilise non seulement avec énergie dans le générique mais aussi tout au long du film par des gags visuels ciselés. Comment ne pas percevoir les influences des séries américaines de notre adolescence ! Les délires du personnage ont comme il se doit été récompensé par le Goya du meilleur réalisateur pour “ Action Mutante ”, un film produit par la société de Pedro Almodovar.

Un cinéaste généreux

Iglesia est un personnage généreux qui aime prendre des risques pour donner du plaisir : “ tous les jours tu prends des décisions, tu te donnes à 100%, le film, c’est toi…Ca te provoque une certaine angoisse de te donner aux autres. C’est comme si tu te promenais à cœur ouvert dans la rue. Pour faire un meilleur film, il faut s’ouvrir encore un peu plus. ” Une révélation compréhensible quand on sait que le cinéaste a fait le choix personnel de produire, réaliser 800 Balles mais toujours appuyé par une infidèle équipe. Lui, campe le rôle de la matrone. Eux peuvent avoir des amants et le tromper avec d’autres réalisateurs. Mais il les pardonne volontiers.

Quand on lui demande si son parcours est un acte de résistance, il reconnaît dans une merveilleuse image digne d’un Monty Python : “ Je crois que c’est un drame personnel. C’est une sensation de prise d’assaut d’un village, comme dans les films du moyen âge. C’est comme si tu étais en train de courir avec les assaillants et que tout à coup, il n’y a plus personne derrière toi, mais devant toi. Et là c’est 1000 personnes qui t’attendent avec de l’huile bouillante et des armes. Où vais-je ? C’est ce que tu ressens quand tu fais du cinéma ! ”

Repères

65 : Naissance à Bilbao
Illustrateur pour des revues
83-87 : Directeur Artistique de pièces de théâtres et programmes télévisés
92 : Action Mutante, Goya du meilleur réalisateur et Méliès d’Or pour le meilleur film de Cinéma Fantastique
95 : Le jour de la bête (El dia de la bestia)
97 : Perdita Durango
99 : Morts de rire (Muertos de risa)
00 : Mes chers voisins (La comunidad)
02 : 800 Balles (800 Ballas)

article et entretien | Pascal Couffin, Clara Dubart

Numéro 3

Cinéastes espagnols

L’uniformisation ronge inexorablement les écrans espagnols. Une poignée de cinéastes résiste et semble croire qu’un autre cinéma est possible. Quelques portraits brossés à coup de griffes pour dénoncer l’état du monde...

De l'art illégal

Vous triez le plastique, le verre et le papier dans vos poubelles, vous remettez vos boîtes de médicaments entamées à votre pharmacien et vous cédez vos vieilles fringues aux plus nécessiteux. Mais que faites-vous des vieux tubes de votre discothèque ? Rien ! parce que c'est illégal...

Room 204, odd mountain trio

Bercés tout jeune avec la musique de Chicago, de jeunes nantais ont eu envie d’empoigner guitares, batteries... pour interpréter leur version du “Post Rock”. Rencontre avec les Room 204 et les odd mountain trio.

Vega | Nuits étoilées

Jeff Parker, guitariste de Tortoise, Michael Zerang, percusionniste et Bernard Santacruz à la contrebasse. Quand trois grands improvisateurs décident de jouer ensemble, cela donne quelques concerts éphémères qui brillent dans nos nuits les plus bleues.

La Rumeur | Rumeur et virus

Les quatre membres de La Rumeur posent les mots comme ils poseraient des bombes et remettent le hip-hop sur le droit chemin. Loin du strass et des paillettes du “ rap business ”, La Rumeur prône le retour au verbe et au message. Leur souhait : “ propager le virus du doute, de la critique et du cocktail molotov ”.

L'esprit Punk

Au milieu des années 1970, une partie de la jeunesse mondiale exprime dans un mouvement musical qui se fera appeler « Punk » sa haine contre la société bourgeoise. Promouvant la destruction, le punk bouleverse l’histoire du rock.