Présentation
Alex de la Iglesia
Chus Gutiérrez
Enrique Urbizu
Fernando Trueba

Si Fernando Trueba est moins connu qu’Almodovar, il fut le premier à jeter les bases d’un cinéma espagnol inventif et fécond. Après trois portraits de réalisateurs atypiques, le réalisateur livre une réflexion citoyenne sur l’état du cinéma espagnol. L’occasion de revenir sur les difficultés de produire des films exigeants à l’heure de l’uniformisation.

Votre parcours est-il un acte de résistance artistique à l’heure de l’uniformisation ?

Je crois que ceux qui travaillent en dehors des grandes compagnies de cinéma américain, dans n’importe quel pays, est un résistant, parce qu’on essaye de continuer à pratiquer une culture qu’on est entrain de détruire. J’aime beaucoup le cinéma américain et je ne suis pas anti-américain, j’aime beaucoup ce pays, j’aime sa culture, le jazz (voir Calle 54). C’est impossible d’aimer le cinéma sans aimer le cinéma américain, surtout le grand cinéma américain classique, pas le cinéma américain d’aujourd’hui qui est dans sa grande majorité inutile. Je suis très combatif, il faut défendre avec plus de détermination les droits de chaque pays, chaque culture à avoir un cinéma propre et ça c’est pas négociable et ce n’est pas une question de subvention de l’état. Je crois dans la liberté de marché. Pour moi la liberté de marché, ce n’est pas le droit des Américains à dominer les écrans du monde. C’est la liberté du spectateur à voir des films différents, de langues différentes, d’histoires différentes, dans des pays différents. La France est très privilégiée, c’est le pays du monde où l’on a l’offre la plus ample.

Des difficultés commencent à apparaître en France (difficultés de financement). Quelle est l’état du système de production et d’exploitation des films en Espagne ?

Il y a des écrans indépendants où l’on peut voir des films européens et de temps en temps des films iraniens ou américains indépendants. Je crois que l’Espagne n’est pas la pire des situations, c’est pire en Allemagne, en Italie ou aux Etats-Unis, en Angleterre.

Je crois dans la liberté de marché. Il faut que des films différents puissent arriver aux spectateurs. Il faut lutter contre les monopoles de tout genre. Par exemple les lois anti trust en Amérique sont très claires : un producteur ne peut pas être distributeur mais par contre en Espagne les Compagnies américaines sont en même temps propriétaires des salles, et aussi distributeurs. Cela veut dire qu’il n’y a pas en Europe une vigilance des monopoles.

Vous n’avez pas peur, que seule élite aille voir des films exigeants dans de petites salles et n’y a-t-il pas une crainte de voir ces cinéastes exigeants couper du grand public, plus habitués à regarder de grosses productions dans les multiplexes ?

Le rôle de la télévision est à la base de tout. En Europe, on doit lutter tous ensemble pour redéfinir la télévision publique et ce que doit être la télévision privée. 80% des gens ne reçoivent de l’information qu’à travers la télévision et on a laissé la télévision dans des mains dégueulasses, que se soient les milieux économiques ou les partis politiques. En France : la télévision a joué un rôle important avec l’insécurité lors des dernières élections présidentielles. Les français ont du choisir entre droite et extrême droite. L’exemple Italien est différent, un mec comme Berlusconi qui est propriétaire de chaînes privées a conquis le pouvoir grâce à ça. Des lois l’ont permis et ensuite il les a changées pour échapper à la justice. En Espagne, le gouvernement s’implique dans les médias, en fermant des programmes qui ne lui plaisent pas. Il exerce une censure de tout ce qui est critique. Des tragédies ont existé dans le passé et elles reviendront car on donnera le pouvoir à de nouveaux Hitler, si on laisse les choses continuer,. Ce ne sera pas le Hitler du passé, mais un nouveau. Pour ca il faut être conscient de l’importance de la télévision qui doit informer, être libre et neutre et être sous le contrôle des citoyens et non sous le contrôle des groupes, économiques ou partis politiques. Les citoyens doivent pouvoir contrôler ces moyens. Il faut contribuer à créer des citoyens de l’Europe de demain, c’est à dire des citoyens avec une culture, une éducation, avec une formation. Si on n’a pas ça, les cauchemars vont revenir, et les tragédies et les guerres. Pour que le cinéma, la littérature… existe, il faut d’abord reconquérir ça parce que ça risque de défigurer la démocratie. Une partie du pouvoir veut des citoyens idiots et abrutis. Si l’Europe de demain est faite par des abrutis, mieux vaut émigrer et aller dans la jungle ! Et abandonner une Europe qui était un très beau rêve collectif mais qui est entrain de perdre son sens. Cette bataille, il faudra la faire dans les médias d’ici l’année prochaine avant que tout ne disparaisse.

Les citoyens en Espagne, sont-ils conscients de ces problèmes ?

On (les cinéastes espagnols) vient de faire un manifeste en Espagne.

Voulez-vous suivre l’exemple de Nanni Moretti en Italie ?

J’aimerai tisser des liens avec les gens en Italie, en France, faire quelque chose qui arrive au Parlement européen. Pour moi, c’est quelque chose qui se trouve au-delà des idéologies, pour sauver la culture, la civilisation, l’éducation en Europe et créer une Europe civilisée et pas une Europe de brutes. Il faut lutter pour ça. C’est au-delà de la politique même si c’est vrai que la gauche et les partis progressistes sont plus proches de ce discours ! Même des gens de culture de droite seraient d’accord sur ce qu’on est entrain de dire.

L’opinion publique en Europe n’est souvent pas en phase avec les gouvernements qui les représentent. Pensez-vous réussir ?

Hier, en Espagne, la police a chargé contre des manifestants et il y a eu des blessés. Ma femme et mon fils étaient là. Ma femme m’a dit : “ depuis Franco, je n’ai jamais vu quelque chose de pareil ”. On a des retardés mentaux au pouvoir en ce moment, aux Etats Unis, en Espagne et dans certains pays. Aznar a menti aux gens qui ont voté pour lui, qui ont cru en son discours et qui se trouvent trompés. C’est ce qu’il faut dénoncer. Le cinéma à côté de ça, c’est un petit problème. C’est le moment pour l’Europe de réfléchir ! Pourquoi on en est arrivé là et que faut il faire pour le futur. On constate un réveil des citoyens en Europe.

Repères :

Page officielle de Fernando Trueba :
http://www.clubcultura.com/clubcine/clubcineastas/trueba/home.htm

Fernando Trueba est né en 1955.
77 : Critique de cinéma dans le quotidien El Païs
81 : Créé la revue de cinéma Casablanca
86 : Manolo (El ano de las luces), Ours d’argent au festival de Berlin
89 : Le singe fou (El sueno del mono loco), 6 Goyas (équivalent espagnol des Césars)
92 : Belle époque, 9 Goyas et Oscar du meilleur film de langue étrangère en 94.
98 : La fille de tes rêves (La nina de tus ojos), 6 Goyas.
00 : Calle 54, nominé 2 fois aux Grammy awards.
02 : Les nuits de Shanghaï

article et entretien | Pascal Couffin, Clara Dubart

Numéro 3

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