
Les Amantes
Comment échapper à son destin quand on est ouvrière ? Le plus simple : le mariage. A travers le "bon exemple" de Brigitte, et le "mauvais exemple" de Paula, Elfriede Jelinek, prix nobel de littérature 2004, fait voler en éclat dans "Les Amantes" une spécialité autrichienne : l’idylle.
Paru en 1975, Les Amantes est rapidement devenu un livre de référence de toute une génération. Amour, vie à deux, mariage, famille...une critique des clichés sociaux. De l’ultra-réalisme de Jelinek, Joël Jouanneau, metteur en scène, fait une comédie dramatique emprunte d’humour et d’ironie. La pièce se dévoile en une succession de clichés qui évoquent les images du roman-photo à l’eau de rose. Christelle et Fabrice, alias Erich et le Choeur (ou Susi) racontent...
« On a eu du mal à terminer le roman. Il y a une espèce de ronronnement désagréable qui s’installe. C’est un récit étouffant, avec des scènes très crues, des passages hyper-réalistes, parfois trop, presque insupportables. Joël a donc pris le parti de traiter la pièce à travers le prisme de l’humour afin que les gens puissent se distancier du naturalisme psychologique du texte. Si il n’y avait pas cet humour, et donc une certaine tendresse, la pièce serait presque méprisante. Là, en l’occurence, Joël n’a pas voulu être violent. Il vient lui aussi de ce même milieu social et a voulu que l’on puisse respecter ces gens pour qui il a une véritable affection. Il préfère rester dans la légèreté, ne pas entrer dans la provocation, pour pouvoir toucher les gens sans pour autant les agresser.
Le jeu, très statique, emprunt du roman-photo, fonctionne sur une succession d’images où l’on imagine des bulles de dialogues. Joël a voulu faire passer l’expression uniquement au travers de la prise de parole, chaque image traduisant une émotion. Ces positions anti-naturelles auxquelles on a été contraint permettent de se focaliser sur le texte et d’en dégager tout son sens : le déterminisme social, les stéréotypes des classes, la difficulté de sortir de son milieu, mais aussi la prise de pouvoir dans le couple et la sexualité. Elfriede Jelinek a choisi ce milieu social ouvrier comme toile de fond. Mais les thèmes qu’elle aborde ne sont pas du tout dans du décoratif. Finalement, le sens du texte dépasse le décor.
C’est d’ailleurs ce qui peut déranger certaines personnes. C’est pour ça que l’on doit adapter notre jeu en fonction du public devant lequel on joue. Souvent, les spectateurs prennent tout au premier degré et pourtant, il y a des phrases que l’on pourrait durcir terriblement, encore plus que ce que l’on fait. Dans mon rôle de choeur (Christelle précise - NDLR), je pourrais carrément y aller, mais je me retiens, je n’ai pas envie d’être méchante. Quand je sens que les gens ne se protègent pas, qu’ils accueillent la pièce sans a priori, je fais attention ; par contre, quand je sens les gens agressifs, là, j’y vais : "Vous voulez vous battre ? Alors on va y aller !" Par exemple, à Montluçon, ville très ouvrière, où se trouve l’ancienne usine Dunlop, les gens ont été confrontés à leur réalité ; et là, aussi bizarre que ça puisse paraître, on s’est trouvé face à un public très chaleureux. On prend un malin plaisir à dire des horreurs, mais il y a un déterminisme social dont il est difficile de s’extirper, c’est pour ça qu’on a pas du tout de mépris pour les gens qui y sont encore.
On a créé ce spectacle en trois semaines en 2001, on a fait, depuis, plus de 160 représentations, et on prend toujours autant de plaisir à la jouer. »
Propos recueillis par Elsa RAPIN et Manon HERICHER
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