Dossier Fragil : Brésil 2015 (5/5)
France-Brésil : les clichés, champions du monde !
Stéréotype : « caractérisation symbolique et schématique d’un groupe qui s’appuie sur des attentes et des jugements de routine  »... Pour identifier les clichés qui collent à la peau des Brésiliens, Fragil est allé dans les rues de Nantes, en plein Carnaval, pour poser de petites questions aux passants. Le résultat es plutôt consternant. Juliana J.Garzon, Brésilienne installée à Nantes déconstruit ces stéréotypes, livre sa propre expérience et celles d’autres Nantaises d’origine brésilienne.
Seriez-vous capable de répondre à ces deux questions ?
Quelle langue parle-t-on au Brésil ?
Quelle est la capitale du Brésil ?
Si vous avez répondu « espagnol » et « Rio de Janeiro », bravo, vous êtes bons pour retourner au collège, car ce ne sont pas les bonnes réponses... Bon, pas d’inquiétude, vous êtes loin d’être seuls. Jugez-en plutôt par la vidéo ci-dessous.
Regards croisés France-Brésil : micro-trottoir de Fragil dans les rues de Nantes from Magazine Fragil on Vimeo.
Après avoir regardé cette vidéo, vous pouvez imaginer les difficultés rencontrées par un Brésilien lorsqu’il s’installe en France. Non, les Brésiliens n’ont pas tous la Samba dans le peau et ne se baladent pas dans la rue en bikini.
« Avez-vous des fraises au Mexique ? »
Il y a un an et demi, j’avais déjà un diplôme universitaire en poche et de l’expérience professionnelle à mon actif. Je parlais trois langues et j’avais laissé toute ma famille et mes amis au Brésil. Pourtant, quand je suis arrivée ici, on m’a expliqué que je devais me marier et avoir des enfants si je voulais rester en France. Je suis allée comme ça de surprise en surprise, m’apercevant par la même occasion que le Brésil était plutôt mal connu ici. « Avez-vous des fraises au Mexique ? », m’a-t-on demandé lors d’une conversation entre amis... OK, c’est bon pour les histoires personnelles. J’ai appelé quelques compatriotes pour qu’on puisse en discuter ensemble.
Eliana Silva Moraes vient de Sao Paulo et est avocate. Elle a fait son doctorat à Paris et s’est installée à Nantes l’année dernière. « La culture française est charmante et il y a un ordre public ici que nous n’avons pas chez nous. Par contre les gens ne sont pas forcément aimables, chaleureux. » Cela peut être considéré comme un euphémisme. « Avoir un accent, ici, peut être mal vu. On perd en considération ? » Ce sentiment de discrimination a poussé Eliana Silva Moraes à s’investir dans le Conseil Nantais pour la citoyenneté des Étrangers. « J’ai eu plus de confiance pour me défendre dans des situations compliquées. J’ai compris que le mot “harcèlement” avait du pouvoir ici. »
Silicone et histoire vraie
Pour Georgia Crozet, architecte native de Fortaleza, l’adaptation a été beaucoup plus simple. Quand elle est venue à Nantes, amis et famille l’attendaient déjà. « J’aimerais juste que les Français comprennent qu’une Brésilienne peut être médecin, dentiste, architecte... Qu’elle a parfois la peau claire et pas de silicone ! Qu’elle peut être discrète et parler anglais. J’entends encore beaucoup “vous êtes brésilienne ? On ne le dirait pas !” et j’ai envie de demander pourquoi ! Mais comme je connais déjà la réponse, je change de sujet ».
J'aimerais juste que les Français comprennent qu'une Brésilienne peut être médecin, dentiste, architecte... Qu'elle a parfois la peau claire et pas de silicone !
Au delà de ses situations problématiques relevant de préjugés, les Brésiliens en France sont aussi confrontés à des situations plutôt cocasses dues aux frottements interculturels... La première fois que je suis allée chez une coiffeuse à Nantes, je l’ai embrassée et elle s’est muée en statue en pierre. Bah oui quoi... On est toutes les deux des filles, elle va couper mes cheveux adorés, on va être encore amené à se voir... Bref, au Brésil, on serait déjà copines. Pas en France, visiblement. Personne ne m’avait dit que la bise était réservée aux proches. OK, merci, je l’ai appris toute seule !
Georgia, elle, fait rire ses collègues de bureau lorsqu’elle demande du scotch. Parce que scotch chez nous, c’est durex, comme la marque de préservatif. « Tu peux me passer le durex, s’il te plait ? » Oups !
Quiproquos
En matière de quiproquo, Adriana Silveira, de Natal, a battu les records. Cette journaliste et photographe habitant Nantes depuis septembre 2013 rigole tout le temps, même quand elle voit que les Français se sentent gênés par son comportement extraverti. Un jour, elle est invitée à une soirée autour de « l’alimentation dans le monde ». Elle imaginait un repas-conférence. « Donc je me suis préparée comme n’importe quelle autre brésilienne l’aurait fait quand on est invité à dîner : jolie robe, talons, bijoux, maquillage et parfum. Sauf que je me suis retrouvée devant un groupe ecolo-friendly avec vêtements troués, sacs à dos, tout le monde assis par terre... Au Brésil, un tel contraste n’aurait pas posé de problème. En France, c’est plutôt la honte. Je suis donc restée avec mon manteau fermé jusqu’au cou toute la soirée en disant que j’avais froid, même s’il y avait du chauffage ! »
La morale de toutes ces histoires ? Un pays n’est pas comme on le voit à la télévision. Le mot de la fin sera pour Magali de Vitry, une Française qui a vécu au Brésil pendant son adolescence. « Ce que j’aime chez les Brésiliens c’est la joie de vivre. Parfois ils sont dans des situations très difficiles, mais ils gardent le sourire, alors qu’à chaque fois que je rentrais en France j’avais l’impression qu’une bombe avait frappé ici. Les gens ont beaucoup et ne cessent de se plaindre. Cependant, ici, il y a un niveau d’administration et d’ordre public qu’il n’y a pas au Brésil, très en retard la-dessus ». A chacun son défaut, compris ?
Juliana J.Garzon
Twitter : @jugarzon
Retrouvez l’’intégralité du dossier Brésil 2015 ci-dessous :
- Brésil 2015 (1/5) : "La vie politique brésilienne n’a jamais été si imprévisible"
- Brésil 2015 (2/5) : battre le pavé et la corruption
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