Festivals d’été
Loire Orientale
Un temps doux, gris clair et humide, nous accueille cette année sur le site du festival Les Orientales à Saint-Florent-le-Vieil, dans sa partie haute, constituée de ruelles bordées de maisons anciennes du Montglonne, de l’église abbatiale, et de ses jardins, surplombants les bords de la Loire. Mais c’est de l’autre côté du fleuve, dans le somptueux palais Briau, à Varades, que commence l’immersion dans les cultures lointaines, que le festival nous propose de rencontrer, comme chaque année depuis quinze ans.
Les tapis posés pêle-mêle sur le sol du salon intimiste bien que peuplé, donnent envie de se déchausser pour ce Raga du matin, musique spirituelle s’il en est, dont chaque note jaillit de l’instant présent.
La formation, du chanteur Bengali réputé dans sa discipline, Pandit Shyam Sundar Goswami emmène une salle habituée, semble-t-il, à cette grammaire lancinante, dans une méditation matinale éveillant au mystère de cette journée qui débute. L’improvisation se développe, unique, dans l’harmonie que trouvent les musiciens grâce à l’attention qu’ils portent à l’immédiate inspiration. Le chanteur, dans la gratitude, remercie l’assistance de la qualité du moment partagé où auditeurs et musiciens entrent en connexion avec quelque chose de plus grand.
Une méditation matinale éveillant au mystère de cette journée qui débute
Puis, dans les allées du site principal annexe, après avoir traversé la belle Loire, majestueuse vue d’en haut, la promenade se prolonge. Quelques tentes berbères avec café, thé ou gâteaux du même nom sont à disposition, ainsi qu’un stand délivrant un menu indien au sein des jardins situés sur les hauteurs de la commune.
C’est sous le chapiteau que nous assistons en milieu d’après-midi à la prestation des nouveaux petits princes du Rajasthan, Chota Divana (petite extase), sélectionnés par Alain Weber, directeur artistique et initiateur du projet Les Orientales, parmi de nombreux candidats dans leur pays d’origine. Entourés de leurs aînés, formateurs et maîtres, deux jeunes garçons déclament en alternance, par envolées lyriques leurs mélodies transmettant l’âme de leur culture ; ils content les grands mythes populaires de leur ethnie avec force et enthousiasme, accompagnés par leurs pairs bienveillants et attentionnés. L’énergie de cette fière filiation ancestrale mais contemporaine, touche une salle attentive hétéroclite et familiale, étendue sur d’amples coussins dans la lumière rouge d’un décor évocateur de contrées lointaines.
Après cette joute conviviale l’assemblée se disperse, profitant d’un marché aux couleurs de la manifestation, dans les allées et jardins de l’Abbatiale bénédictine du Vlle siècle dans laquelle a lieu le concert suivant. Trois femmes, les Bardic Divas, poétesses d’Asie centrale, interviennent par le chant et l’instrument qui leur est propre, sur la scène installée dans cette ancienne abbaye mauriste à l’architecture remarquable, au milieu des gravures et statues religieuses.
Du Kazakhstan, d’Ouzbékistan et d’Azerbaïdjan, ces femmes parées de leurs costumes traditionnels, portent avec fierté et douceur l’âme de l’Asie centrale, et amènent la noblesse rude des steppes. Elles jouent en solo, mais improvisent également ensemble rendant le moment d’autant plus unique. Un instrument à cordes pincées, martelé par une main fine et ferme, évoque le pas d’un cheval, tantôt trottant, tantôt galopant dans l’immensité vierge d’une nature indomptée. Le chant lui est prosaïque. La voix parfois rauque, ponctuée de « Yek » énergiques, rappelle la stimulation du cavalier Kazakh à sa monture, parti pour quelques conquêtes épiques, ou errance mystique.
Leurs mélodies transmettent l’âme de leur culture, scandant les mélodies populaires, ils content les grands mythes de leur ethnie
Un autre instrument à deux cordes frottées, le Qyl-qobyz, mimant parfois le son d’une flûte, puis celui d’une voix humaine, d’enfant ou de cri animal, déroute, et interpelle. Une mélopée chamanique enveloppe l’atmosphère de sa mystérieuse aura. Cet instrument a, de fait, la réputation de posséder des pouvoirs thérapeutiques et magiques ; son écoute génère une sensation étrange et profonde. Enfin l’art raffiné du chant tadjik ouzbèk exigeant et subtil du Shash-maqâm, est ici valorisé par la jeune chanteuse Nodira, dont la sobriété est souligné par la résonance naturelle du lieu spirituel dans lequel se déroule ce concert exceptionnel. Le voyage est complet et ces trois belles femmes pleine d’humilité dans leur posture, ont une puissance évocatrice rare et surprenante : elles envoient du bois !
Le dépaysement progressif s’accentue au fil des heures, en même temps que montent la lumière et la chaleur de ce début d’été. Une exposition d’instruments du monde est également proposée dans les annexes de l’Abbaye aux festivaliers, offrant un espace ludique récréatif appréciable tant la nature des concerts est dense et riche.
Enfin, plus tardivement dans la nuit tombée, en contrebas du mont, sur les bords rafraîchissants de la Loire, la journée se termine par une manifestation surprenante : La Mascarade antique de Sorgono, en Sardaigne, dont les protagonistes sont venus nous amener leur folie incantatoire ; grimés de masques cornus et habillés de costumes velus ornés d’os s’entre-choquants. Des bêtes hirsutes malmènent le cercle formé d’un public surpris, réuni autour d’un feu imposant. Les cris déchaînés et les combats ponctués de grognements rauques et inquiétants ramènent l’homme à sa nature animale et terrienne en une danse insolite dont la singularité ravit le spectateur interloqué et engourdi par une journée de découvertes, hors du connu, du consumérisme et de l’attendu.
Texte : Grégoire Aïssani - Photos : Salima Aïssani et Grégoire Aïssani
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