Les Utopiales 2009
A la recherche d’un monde meilleur
Festival International de Science-Fiction de Nantes, du 28 octobre au 1er novembre 2009 à la Cité des Congrès
En cette édition 2009, le Festival International de Science-Fiction de Nantes a fêté ses dix ans d’existence. Dix ans déjà que les Utopiales célèbrent un genre souvent injustement méprisé. Dix ans que la cité de Jules Verne accueille, chaque année, une pléiade d’artistes (écrivains, dessinateurs, réalisateurs...) qui ont pour amour commun la science-fiction. Dix ans que toute une équipe travaille avec passion pour démocratiser la SF, et les différents genres liés à l’imaginaire. Rendez-vous unique et incontournable de la métropole nantaise, les Utopiales s’évertuent à ouvrir les esprits vers d’autres mondes. Des mondes fascinants, intrigants, apocalyptiques. Ou tout simplement des mondes meilleurs.
Démocratiser la science-fiction
Du 28 octobre au 1er novembre derniers, la ville de Nantes a accueilli la dixième édition du Festival International de Science-Fiction de Nantes. Événement incontournable du genre en Europe, les Utopiales ont su développer, au fil des années, une volonté extraordinaire d’abattre les frontières d’un genre singulier et mal mené dans l’esprit collectif. Il paraît nécessaire d’admettre que la SF possède des allures effrayantes, celles d’un genre réservé aux spécialistes et amateurs des nouvelles technologies et des horizons futuristes. Ce genre même de littérature que la pensée dédaigne avant même d’en avoir goûté l’étrange saveur. Cet avant-goût, les Utopiales le proposent à chaque esprit curieux et féru de nouvelles découvertes qui passe les portes de la Cité des Congrès. Car bien plus qu’un banal festival de SF, les Utopiales se révèlent être un lieu exceptionnel. Un espace de partage et d’échange qui se plait à séduire le grand public en lui offrant l’occasion de comprendre enfin un genre sans âge et sans sexe. Un genre sans frontière qui interpelle chacun sur sa propre condition.
Véritable miroir de la condition humaine, la science-fiction plonge ses lecteurs dans un abîme de réflexions passionnées et envoûtantes dont il est très difficile de sortir indemne. En flânant, dans les allées de la grande halle de la Cité des Congrès, en prêtant une oreille attentive aux débats enjoués, en portant un œil curieux sur les expositions parsemées ici et là, le spectateur de cette nouvelle édition des Utopiales a pu saisir la force de cet univers qui finalement, malgré sa noirceur, aide à mieux vivre et par conséquent mieux appréhender la vacuité de l’existence humaine. Enfants et adultes, curieux et passionnés, littéraires ou cinéphiles, sont venus s’égarer dans les contrées lointaines de la science-fiction pendant près de cinq jours. Venus pour la plus grande librairies de SF du moment, pour les ateliers d’écritures, pour une riche rétrospective cinématographique ou pour assister à des débats d’une intelligence rare, le public des Utopiales 2009 était plus que jamais présent pour s’échapper vers un imaginaire lointain, celui d’un avenir commun où le monde serait meilleur... ou pire.
Véritable miroir de la condition humaine, la science-fiction plonge ses lecteurs dans un abîme de réflexions passionnées et envoûtantes
Des mondes meilleurs ?
En 1931, Aldous Huxley compose son Meilleur des mondes. Deux ans après la crise dramatique de 1929, il se demande comment l’homme peut atteindre le bonheur. Éternelle question à laquelle est soumise l’être humain depuis la nuit des temps. Presque un siècle plus tard, le meilleur des mondes envisagé par Huxley n’a point vu le jour, la rengaine de la crise mondiale se rejoue et la question fatidique demeure. Cette question, les Utopiales l’ont placé au cœur de leur dixième édition.
« Des mondes meilleurs ? », thème fondamental faisant écho à ce désir inassouvi et ancré dans toutes les civilisations de voir éclore un monde où le bonheur serait éternel et où le savoir vivre ensemble serait la clé de ce sentiment si fabuleux. Ce thème se veut fortement d’actualité. À l’heure même où nos sociétés à la dérive ne savent plus comment gérer les crises et les conflits mondiaux, la science-fiction, elle, n’a jamais cessé d’écrire, de filmer et de penser avec sérieux ou pour le plaisir l’avènement d’un nouveau monde. Un monde pire ou meilleur que celui-ci.
À travers des livres, des films, des expositions et des débats, les Utopiales se sont attachées, pendant ces cinq jours de festival, à faire connaître ces mondes nouveaux, rêvés et fantasmés, par les différentes dimensions de la SF. Ainsi, les enfants se sont précipités à Dinotopia, dans le monde fantastique crée par le dessinateur James Gurney. Dans son royaume imaginaire, Gurney a réuni humains et créatures d’un autre temps, les dinosaures. À Dinotopia, les traits sont épurés et joyeux, les êtres ne connaissent aucunement la peur de l’autre et de la différence, ils vivent entre eux en harmonie. Les enfants (et même les adultes) face aux réalisations de l’illustrateur ont découvert un ailleurs, une terre inconnue et inévitablement meilleure que la leur.
Les plus grands, quant à eux, ont pu se promener dans une exposition originale autour de l’univers de Léo et de son trésor de SF : Les Mondes d’Aldébaran. Outre la présentation du travail du dessinateur, l’exposition s’attardait sur ce futur inquiétant esquissé par Léo. Une vision pessimiste de ce qui pourrait être notre avenir commun. Une humanité soumise à la tyrannie des puissants. Aux Utopiales, en cette dernière semaine d’octobre, il y en avait pour tous les goûts. Pour les optimistes comme pour les pessimistes, pour les épicuriens comme pour les désabusés. Grâce à cette célébration de la science-fiction, chacun a pu se demander si l’humanité était capable d’utiliser les nouvelles technologies et les découvertes de la science à bon escient.
Éternelle utopie
Malgré sa capacité à percuter les esprits, le Festival International de Science-Fiction de Nantes n’a donné malheureusement aucune réponse à sa thématique. Mieux encore, elle a brassé diverses opinions sur le devenir de l’homme et a fait surgir de multiples questions dans les esprits de ses visiteurs, et de ce fait a apporté sa pierre à l’édifice qu’est la question d’un monde meilleur en science-fiction. L’humanité va-t-elle enfin réussir à extirper le mal qui la ronge ou va-t-elle s’auto-détruire un peu plus chaque jour ? Telle est l’interrogation qui reste en suspens à la fermeture des portes de ce festival pas tout à fait comme les autres. Un festival où l’on réfléchit sans interruption, sous n’importe quelle forme artistique, de façon solitaire ou solidaire, avec des spécialistes ou avec des inconnus. Avec les Utopiales, la science-fiction ne suscite plus le vertige et la peur fatale de voir s’écrouler notre monde. Non, avec les Utopiales on oublie cette angoisse et on lui préfère la recherche, la quête d’un monde meilleur. Souvent, face aux tables rondes réunissant écrivains, dessinateurs, scénaristes, scientifiques ou psychologues, on se surprend à penser que l’homme n’a peut être pas, hélas, les capacités de saisir ce monde meilleur ou, tout simplement, de le construire.
L'humanité va-t-elle enfin réussir à extirper le mal qui la ronge ou va-t-elle s'auto-détruire un peu plus chaque jour?
Les œuvres récompensées lors de cette édition 2009 en sont bel et bien la preuve. Elles nous posent face à nos erreurs, nos monstruosités et nous projettent dans un au-delà fruit de notre présent et de nos sociétés actuelles vacillantes. Face à Moon de Duncan Jones, film récompensé par le Grand Prix du Jury Cinéma et le Prix Science-Fiction du public, le spectateur se voit propulsé dans la possibilité d’un futur où l’humain n’est plus maître de soi, où le héros est soumis à de terribles problèmes qui sont actuellement ceux de notre monde : l’écologie, le clonage, l’exploitation... L’avenir s’y préfigure comme la conséquence des actes présents. Du côté des lettres, on se souviendra du beau succès mérité de Stéphane Beauverger pour son Déchronologue, primé par Le Prix Européen Utopiales des Pays de la Loire et le Prix du Roman Francophone. Au XVIIe siècle, sur une mer Caraïbe alternative, le capitaine Henri Villon et son équipage de pirates luttent pour préserver leur liberté dans un monde déchiré par les cataclysmes temporels. L’originalité du récit est soutenue ici par le caractère visionnaire de l’auteur qui ne cesse d’explorer dans son œuvre entière les travers de l’âme humaine, comme se doit de le faire tout écrivain de SF.
La mission de tout messager de l’esprit de la science-fiction est de s’aventurer à inventer ce que les actes présents pourraient donner dans le futur. La SF se complait à esquisser les prémices d’un avenir qui serait finalement le produit des actes des uns et des autres. Un avenir indéterminé dont chacun serait coupable d’avoir permis l’avènement. À en croire les divers témoignages entendus dans les allées des Utopiales, le monde meilleur n’est sans doute qu’une frêle utopie car nous contribuons tous chaque jour à faire de ce monde un enfer. On sait que la fin est inévitable et pourtant, comme le pensait la philosophie camusienne, on continue d’avancer quoi qu’il arrive parce que la condition humaine est ainsi faite.
Texte : Eloïse Trouvat
Photographies : Patrice Molle
Site Officiel du Festival International de Science-Fiction de Nantes
Site Officiel de Dinotopia de James Gurney
Site Officiel des Mondes d’Aldébaran de Léo
Le Déchronologue de Stéphane Beauverger publié chez La Volte
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